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La solution du rêve [PV Nessa]
Nessa Minyatur
Féminin
Âge : 32
Autre(s) Compte(s) : Deag Jörgan
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Date d'inscription : 29/01/2011

Mon personnage
Sexe et âge: Jeune femme de *je dois compter*
Aptitudes: Reflexes accrus ; Maîtrise le corps à corps mais mal les lames traditionnelles. A l'aise dans l'eau, mal à l'aise dans les airs ou sur un cheval.
Nessa Minyatur
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07.08.11 18:26
https://ewilan.forumactif.fr/t2028-journal-de-bord-d-une-pirate-l
Elle marche.
Depuis des jours, des semaines, ne s’arrêtant que quelques heures pour dormir. Elle mange en marchant, elle boit en marchant, et elle n’entre dans l’eau que si elle peut continuer à avancer en nageant.
Une cicatrice se détache de son teint bronzé en une ligne rose du côté du cou jusqu’au nombril. Ses cheveux sont secs et visiblement plus clairs. Ses yeux bleus barbeau ressortent plus nettement de son visage, contrastant violemment avec sa peau brunie par le soleil. Elle ne ressemble plus à la jeune Mercenaire de dix-neuf ans qui en paraissait quinze. On lui donne bien son âge à présent, peut-être même un peu plus. Mais le pire changement se lit dans son regard. Autrefois tantôt pétillant de malice, tantôt rêveur, il est aujourd’hui mate, fixe, déterminé, froid. Implacable.
Elle a bien dû perdre deux kilos de graisse difficilement trouvé par son corps pour avoir quelque chose à brûler, et gagnée trois kilos de muscle. Si elle continue à marcher comme ça son organisme devra puiser dedans. Mais elle s’en moque.
Des semaines qu’elle fixe l’horizon sans dévier de sa route, la certitude s’emparant de chacun de ses pas.

Et elle se souvient.

Tout ça c’était de la faute de ce maudit rêve. De ce maudit don qui lui faisait percevoir la nature des Dessins, et surtout, oui surtout, c’était de la faute de Blanc-Lapin.
Cela avait commencé au Lac Chen où elle avait refait cet étrange songe qui la perturbait depuis toujours. Puis elle était retournée à Al Jeit, avait fait des rencontres, s’en était allé récupérer sa paye à la forteresse des Mercenaires du Chaos et prendre ses nouvelles directives. Elle avait accepté le contrat bien sûr. Un job d’Envoleur, peu de chance de s’en tirer vivant mais ils manquaient d’Envoleurs alors… On lui avait même confié une fine lame, jugeant cela plus prudent pour la réussite de sa mission. Elle l’avait acceptée, certaine de ne pas l’utiliser de toute façon. La lame la gênait, où qu’elle la range son poids lui était intolérable. Mais elle s’était mise en route avec. C’était le jour de ses vingt ans. Blanc Lapin avait réapparu et il s’était lové près d’elle jusqu’à ce qu’elle s’endorme.
C’est là que le rêve s’était de nouveau manifesté. Cela n’était jamais arrivé avec si peu d’intervalle mais le plus surprenant avait été le son. Pour la première fois elle avait entendu certains mots du couple. Dans un murmure brouillé quasi incompréhensible. Elle n’en avait comprit qu’un mot :
Viens.
Le réveil avait été pire que les autres. Les émotions se bousculaient avec violence et elle avait la nausée. Elle avait serré Blanc Lapin plusieurs minutes avant de reprendre son trajet, troublée. Quelques heures plus tard elle trouvait le Marchombre. Encore sonnée par son rêve elle avait hésité à engager le combat. Grave erreur. Elle s’en était prit plein la poire. Ce Marchombre n’était certainement pas des meilleurs mais il n’avait pas volé son titre. C’est de lui qu’elle tenait sa cicatrice. Elle avait esquivé et dévié un coup qui aurait dû l’égorger. Au lieu de cela elle s’était retrouvée ouverte de sous l’oreille droite jusqu’au nombril. Estafilade brûlante et mortelle à long terme. Pour la première fois une sourde colère l’envahie sans même qu’elle sache ce que c’était. Ses capacités s’en étaient trouvées accrues et le combat ne dura plus longtemps. Le Marchombre le savait. Elle lui porta trois coups fatals avant qu’il ne s’écroule, une sévère hémorragie interne lui ôtant tout moyen de défense.
C’est là que la colère de Nessa était retombée. Les mains dégoulinante de son propre sang elle avait dû s’appuyer contre un arbre pour rendre son petit déjeuner. La respiration anarchique elle s’était mise à trembler, dos au Marchombre agonisant qui se mit à rire. Elle se détourna vivement pour le faire taire d’un coup de pied dans la mâchoire mais elle croisa son regard. Brun. Elle interrompit son geste saisit par une nouvelle émotion tout aussi inconnue que les autres : compassion. Le Marchombre cessa de rire pour lire dans son âme. Il ne lui demanda qu’une seule chose :
Qui es-tu ? Elle lui offrit son nom pendant qu’il saignait du nez, l’hémorragie gagnant du terrain. Son rire reprit, gâcher par une toux ensanglanté. Vraiment ?, lança-t-il avec ironie. Perdue dans ces fichus sentiments qu’elle ne parvenait pas à contrôler, elle se surprit elle-même à ramasser la lame du Marchombre et à la déposer à ses pieds. Celui-ci la remercia d’un coup d’œil et Nessa se détourna, refusant de voir la suite. L’acier qui pénètre la chair, le bruit mou d’un corps qui tombe. Nessa se mit à courir.
Elle avait fait une pause quelques mètres plus loin, terrassée par le sang s’écoulant toujours de sa plaie. Elle commençait à délirer, et en avait même oublié où elle se trouvait. Juste avant de sombrer dans l’inconscience elle se sentit soulever par des bras puissants. Une éternité plus tard elle s’éveillait dans une chambre, ses plaies pansées, vaseuse et frappée de migraine mais vivante. Fériane. Elle avait croisé bien des Rêveurs durant son séjour là bas mais aucun ne sût lui dire qui l’avait emmené. Tout ce qu'elle apprit était qu'il était terriblement grand et musclé.
Une fois parfaitement guérie elle ne partit pas. Blanc Lapin dormait avec elle tous les soirs et tous les soirs elle refaisait son rêve, l’ordre de venir se faisant plus pressant, les réveils plus brutaux. Ce n’était plus
le rêve comme elle l’appelait avant mais le cauchemar. Tout les matins elle trouvait un ou une Rêveur(se) à son chevet tentant de stopper ses cris et ses tremblements par des mots apaisant et des tissus humides sur le front. La journée n’arrangeait rien. A tout moment elle découvrait de nouvelles sensations toutes plus insupportables les unes que les autres, lui déchirant la tête, le cœur et les tripes. Où était passée son indifférence ? Son vide bien aimé ? Ce foutu cauchemar lui avait volé son rien qui la caractérisait et elle n’avait de cesse de chercher à le retrouver. Les Rêveurs lui apprenaient à apprivoiser ses émotions, à les contrôler et surtout, à ne pas les craindre. Mais ce n’était pas assez. Ça rendait les jours moins intolérables, certes, mais ça ne calmait pas les nuits. Quand elle avait comprit que la fréquence des cauchemars était liée à Blanc Lapin elle l’avait fuie. Sans résultat puisqu’il la retrouvait toujours. Elle se mit à le haïr. Elle connaissait bien ce mot et l’émotion s’y rattachant désormais, et son compagnon de toujours était devenu son ennemi juré. Quand elle n’en pu plus de le repousser sans cesse elle lui hurla de lui dire ce qu’il attendait d’elle et le Dessin se téléporta à l’extérieur de Fériane, le corps entier tendu dans une même direction. Nessa ignorait ce qu’il y avait là bas mais elle choisit de suivre le lapin.

Pour un dernier voyage.

Nessa avait passé près d’un an chez les Rêveurs et son vingt et unième anniversaire approchait. Ils lui avaient demandé d’attendre encore un peu mais elle sentait qu’il était temps pour elle de partir. Elle avait refusé de prendre un cheval, elle ne savait pas monter de toute façon. Les Rêveurs lui avait dit au revoir avec émotion, ne connaissant pas son passé de Mercenaire quoi que certains s’en sussent douter, et le désordre émotionnel de Nessa étant devenu un cas d’étude fascinant.
Elle ne savait pas où Blanc Lapin l’emmenait. Pas à la Forteresse des Mercenaires en tout cas. Elle ne voulait pas y retourner de toute façon, désireuse d’effacer jusqu’au souvenir de son dernier contrat.

Alors commença sa marche.

Au départ les rayons de l’astre étaient d’une agréable chaleur. Puis sa morsure s’était faite difficilement supportable. Le froid de la nuit lui arrachait des gémissements d’apaisement et chaque mouvement des hurlements de douleur. Blanc Lapin lui montrait la direction puis disparaissait pour revenir la nuit. Elle craignait ses visites, suppliait en le voyant approcher, et le cauchemar l’engloutissait de nouveau. Maintenant elle entendait les voix du couple même éveillée. Si elle avait un jour souhaité les entendre, elle aurait à présent tout sacrifié pour les faire taire. Ses réveils devinrent de plus en plus silencieux. Elle encaissait mieux le choc et se contentait de trembler une minute recroquevillée sur elle-même. Au départ elle laissait ses larmes couler le long de ses joues, mais avec la brûlure du soleil elle refusait de pleurer, chaque larme salée traçant des sillons douloureux sur sa peau.
Son voyage se poursuivit, monotone.
Elle ne parlait pas aux gens qu’elle croisait, mais elle connu quelques confrontations délicates. Voleurs, voyous, mercenaires qu’elle ne connaissait pas. Tous ceux qui tentèrent d’entraver son chemin furent éliminés. Pour la plus part de façon définitive. Toutefois elle évitait de tuer désormais. Mais quand cela s’avérait nécessaire elle s’y contraignait. Et chaque fois des sensations qu’elle n’avait pas apprit à contrôler à Fériane s’abattaient sur elle, la laissant tremblante, nauséeuse, jusqu’à sa respiration qui se faisait sifflante. Angoisse, dégoût, colère… Elle découvrait la culpabilité.

Au fil des jours Blanc Lapin s’était fait plus rare. Depuis que les voix lui parvenaient même le jour il la laissait tranquille la nuit. C’est à peine s’il lui montrait encore le chemin, la laissant parfois seule plusieurs jours d’affilés. Nessa ne s’en inquiétait pas. Le nom de sa destination finale lui était inconnu, mais elle savait où elle allait, sans se l’expliquer. Au Gour elle vola un petit bateau, le mania avec aisance, et l’abandonna dès que le rivage fut visible, préférant nager. Elle traversa une forêt, parvint jusqu’à la Citadelle… Paradoxalement le froid gerçait ses lèvres mais le soleil continuait de brûler sa peau.

Elle rencontra les premiers Frontaliers dans un triste état. Le dessous de ses bottes s’effritait, son pantalon en cuir marron de siffleur était tailladé à de nombreux endroits, quant à son haut blanc il dévoilait plus de peau qu’il n’y avait encore de tissus. Pour le reste elle avait triste mine. Sa cicatrice était encore nettement visible, quoi que d’un rose pâle très sain, sa bouche en sang et son visage noirci de crasse. Son teint halé cachait mal les tenaces brûlures du soleil qui striés sa peau, la faisant paraître cinq ans de plus. Tout en elle criait qu’elle venait de loin. Les Frontaliers s’inquiétèrent de ses intentions même si la détermination de son regard leur plaisait. Quand ils lui ordonnèrent de décliner son identité et sa destination elle donna son nom en entier, sans conviction, et jura qu’elle-même ignorait où elle devait aller si ce n’est que c’était au-delà de la Citadelle et qu’elle devait franchir une montagne. Mais pas les Frontières de Glace. Les Frontaliers lui apprirent que la seule montagne au-delà de la Citadelle autre que les Frontières de Glace menait à l’Œil d’Otolep.
Elle déclara que c’était là qu’elle devait se rendre, et jura sur l’honneur qu’elle n’avait pas de mauvaises intentions et qu’elle ne ferait que passer.
Elle fut reçue, avec méfiance, et une fois tout doute écarté, traitée en hôte. Durant son très court séjour (deux jours à peine) elle se trouva attirée par un jeune Frontalier qu’elle ne laissa pas non plus indifférent. Leur relation se serait sans doute développée si elle n’était pas partie si rapidement, laissant cœur et chair frustrés.


Escalader la montagne fut la pire épreuve du trajet. Nessa se découvrit une peur bleue du vide. Elle avait pourtant gravit des mâts dans son enfance et avait sauté dans la mer à partir de rochers situés à plusieurs mètres de haut, mais il fallait croire que la mer était un réceptacle infiniment plus sécurisant qu’une terre hostile aux cailloux tranchants. La descente s’avéra encore plus dangereuse et bien qu’elle le haïsse pour avoir ouvert son esprit aux voix, elle fut soulagée de voir apparaître Blanc Lapin qui lui indiqua les prises sûres. Tout le temps que dura son ascension puis sa descente elle ne regarda jamais en bas. Elle s’interdisait formellement de voir cet « Œil d’Otolep » sans avoir les deux pieds au sol, stable.
Elle arriva enfin aux deux derniers mètres et se laissa tomber, n’y tenant plus. Elle ferma les yeux un instant, retrouvant son équilibre et chassant son vertige. Quand elle les rouvrit elle ne voyait qu’une vaste étendue au loin. Un malaise inexplicable lui tordit l’estomac.

Les souvenirs s'achèvent pour revenir au présent.
Elle marche, chacun de ses pas encrés de certitude. Sa destination lui apparaît évidente et Blanc Lapin sautille près d’elle. Une violente migraine s’empare d’elle, lui déchirant la tête pourtant elle accélère l’allure. L’Œil l’appel et la repousse en même temps. Son cœur la supplie d’avancer encore, son cerveau lui hurle de fuir… Deux entité semblent se livrer un combat à mort à l’intérieur d’elle. Nessa hurle de douleur et pleure de joie ou hurle de joie et pleure de douleur sans arrêt, tombant à genou une première fois, se relevant. Pour retomber quelques mètres plus loin. Le lac se dessine plus nettement mais sa vue se brouille de larmes. A terre elle avance à quatre pattes quand un coup invisible frappe son dos la projetant face contre terre. Elle avale du sable en criant mais relève la tête et continue d’avancer. En rampant.
Et là, enfin, ses yeux s’ouvrent et elle discerne tout près d’elle l’étendue majestueuse, débordant de puissance. Nessa ouvre la bouche, ignorant la douleur, et son don explose.
Ce n’est plus un lac qu’elle voit, c’est un autre monde. Une immensité infinie d’une beauté incomparable parait de couleurs inconnues, de paysages fantastiques et de créatures extraordinaires. Des centaines d’esprits longent des chemins tantôt tortueux tantôt larges et droits, empruntant telle ou telle chose avant de disparaître. Des Dessinateurs.
Les Spires.
L’Imagination.

Nessa sent un nœud se former au creux de son ventre et pour la première fois elle sourit. Pour de vrai. Un sourire qui fait saillir sa fossette et plisser le coin de ses yeux, dévoilant ses dents moins que son cœur.
La douleur reflue et disparaît en même temps que sa perception. Le lac redevient l’Œil d’Otolep tourbillonnant.
Ce même tourbillon qui l’avale chaque nuit depuis près d’un an.
L’Œil qui l’espionne et la plonge dans cet autre monde.

Nessa se relève vaillamment sous le regard attentif de Blanc Lapin. Elle accepte de croiser son regard et il lui saute dans les bras. Dans une étreinte tout deux se demandent pardon, lui de l’avoir torturé toutes ces nuits, et elle de n’avoir pas comprit plus tôt. Quand elle le relâche enfin il l’invite d’un signe de tête à le suivre et court se jeter dans le lac. Nessa prend une grande inspiration et s’enfonce dans ses eaux, nageant respectueusement vers son centre. Le tourbillon s’emballe et elle se laisse aspirer sans lutter.

Nessa comprend qu’elle va devoir vivre son cauchemar une toute dernière fois…
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Nessa Minyatur
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26.08.11 20:31
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(Avant dernière partie)

Ses poumons implorent de l’oxygène mais elle patiente encore. Ce n’est que lorsqu’ils menacent d’exploser qu’elle prend une goulée d’air, et ouvre les yeux.
Le décor, bien qu’elle l’ai vu des centaines de fois ces derniers temps, continue de l’impressionner. Non le mot n’est pas exact. De l’
émerveiller. Les rêveurs lui ont conseillé de prendre le temps d’identifier ses nouvelles émotions et de les nommer avec le plus d’exactitude possible afin de les cerner au mieux.
Nessa prend une grande inspiration et détail les lieux. Identique à ses souvenirs et pourtant bien plus éclatants, plus grands, plus beaux, plus… vivants. Des sons inconnus résonnent dans l’air offrant une douce mélodie à l’ouïe attentive. L’odeur est délicieuse. Fleurie, légère, enivrante… Par la Dame et le Dragon comment des fleurs de cristaux peuvent-elles embaumer ? Du bout des doigts elle frôle un tronc d’arbre transparent. Tiède, doux, il semble vibrer à son contact. Nessa se laisse aller à la contemplation des centaines d’arbres et de fleurs d’espèces insoupçonnées qui s’étalent en une infinité de nuances. Au loin elle perçoit un vol de créatures trop imposantes pour être des oiseaux mais dont elle ne distingue pas les détails. La luminosité d’un soleil invisible lui fait plisser les yeux et détourner le regard. Celui-ci se pose sur une nouvelle plante. Une fleur à la tige et aux feuilles mordorées tintées d’argent. Un somptueux mélange gâché par des veinures pourpre. Comme si la fleur saignait de l’intérieur. Tableau macabre renforcé par l’assemblage complexe des pétales. De couleur bleu océan, ils semblent former une prison cristalline. Posée en son centre, une sphère violette presque éteinte agonise, projetant faiblement ses éclats lilas.
Nessa la reconnaît, bien sûre. Les battements de son cœur s’accélèrent.
Boum boum…
Elle fait un pas en arrière, elle n’aime pas ce bruit qui résonne à l’intérieur d’elle et perturbe l’apparente sérénité du lieu. Pendant une folle seconde elle envisage de fuir et tan pis pour le fin mot de l’histoire. Mais une ombre voile le ciel, passe au dessus d’elle et se pose à quelques mètres de la fleur-cage.
Entièrement noir, aux yeux d’un vert éclatant d’intelligence et de sagesse malgré son évidente jeunesse. Des muscles ciselés et des proportions parfaites. De larges ailes de chauve souris, une démarche et une pupille reptilienne. Une bête magnifique. Qui laisse échapper une volute de fumée mauve en grognant.


- Pardon. Pas une bête. Bien plus que cela. Un dragon. Ma faible perception ne te rendait pas hommage. Tu es superbe Blanc Lapin…

Blanc Lapin piétine de fierté sous le compliment et bat vigoureusement des ailes, manquant de déclencher une mini tornade. Nessa goûte avec délice le vent qui fouette son visage et dérange ses cheveux. Quand la tempête cesse elle se sent prête à affronter la suite.

- Où sont-t-ils ?, demande-t-elle d’une voix qu’elle espère ferme et déterminée.

Le dragon s’écarte un peu, découvrant deux individus qu’il pousse de son museau vers elle. La femme lui chatouille le cou avec reconnaissance et avance. Pourtant c’est l’homme qui est le plus rapide. Il trace vers Nessa avec force et assurance. Grand, bien bâti, ses traits ont un caractère qu’elle reconnait bien. Des cheveux châtain coupés court, des yeux bleu barbeau perçants… Son physique musculeux et ses mains calleuses lui donne un air rude aux premiers abords. Pourtant il est incontestablement beau, irradiant de charisme.

- Vous êtes un Pirate, affirme Nessa sans l’ombre d’un doute.

Il la fixe sans ciller.

- Je l’étais. Mais j’ai choisi d’endosser un tout autre rôle. Tu devine lequel ?

La femme restée jusqu’alors en retrait, intervient.


- Primaël, vas-y doucement, menace-t-elle gentiment.

- On a plus le temps, Meredith, rétorque-t-il sèchement. Répond, petite. Sais-tu qui je suis ?

Bizarrement, bien que le ton soit aussi rude que le personnage, elle ne le prend pas mal. A vrai dire la sincère inquiétude qu’elle lit dans ses yeux le trahi et elle éprouve immédiatement un grand respect pour cet homme. Encore incorrect. Plus que du respect, c’est de l’affection.
Nessa hoche lentement la tête.

- Je ne sais pas. L’âge ne correspond pas.

- Oublie la raison, ici elle n’a pas lieu d’être,conseil la jeune femme.

Nessa s’agite. Elle connaît cette voix. « Viens ! » Elle l’a trop entendu dans ses rêves, ses cauchemars… et même avant.

- J’ai répondu à votre appel. Dites-moi ce que vous attendez de moi.

Le couple échange un regard entendu.


- Pour commencer j’aimerais que tu me pardonnes.

Nessa se contenta de la fixer, la mine circonspecte, attendant la suite.

- Tout est de ma faute j’aurais dû agir plus vite, à une petite seconde près je…

- Tu n’as rien à te faire pardonné. C’est moi qui aurais dû voir venir l’attaque ! Toi tu l’as sauvé…

La femme secoue la tête d’un air triste, comme si elle portait un terrible fardeau.

- Mais à quel prix ?

- Au prix de quelques années qu’elle pourra rattraper si elle se dépêche, cesse de te torturer.

Nessa, ne supportant plus d’être mise à l’écart, éclata.

- Hey ! J’ai passé la pire année de ma vie à cause de vous et je viens de me taper plusieurs centaines de kilomètres à pied ! J’ai cramé, manqué un super coup avec un Frontalier, et failli crever de vertige pour vous retrouver alors par la Dame je jure que vous allez m’expliquer le pourquoi des cauchemars et de tout ces « viens » angoissés ! Et sans tourner autour du pot, c’est clair ?

Elle reprit sa respiration et ajouta :


- Et pour info ce que je ressens là c’est de la colère ! Alors ce n’est pas une très bonne chose de me contrarier !

Contre toute attente le dénommé Primaël hausse les sourcils de surprise mais ne se fâche pas. Il ébauche un sourire satisfait pendant que Meredith souffle de lassitude sans qu’on sache que ce soit à cause de Nessa ou de son époux.

- Par la Dame ! Cac’est ma fille !

- Primaël !

- Quoi ?!

- Elle a dit de ne pas tourner autour du pot, alors je vais droit au but !

- Mais enfin pas comme ça ! Alice est-ce que ça va ?

Nessa encaisse le coup, bouche entrouverte sur une contestation muette. Elle avait deviné bien sûre. Peut-être même depuis toujours sans se l’avouer mais c’est en le voyant lui est ses yeux trop reconnaissables et elle avec sa voix d’antan qu’elle avait eu confirmation. Sauf que l’âge ne correspond pas. Ses parents ne peuvent pas avoir cette demi
douzaine d’années en plus qu’elle. Voir moins pour Meredith.
Sa réaction laissa le jeune couple pantois.


- C’est qui Alice ?

Ce nom lui disait bien quelque chose mais impossible de mettre la main dessus. Meredith voulu poser une main su son épaule mais Nessa esquiva discrètement le contacte.


- Enfin ma chérie, c’est toi voyons !

- Je m’appelle Nessa Minyatur, répliqua-t-elle du tac o tac.

Primaël siffla entre ses dents.


- "Petite déesse" ? Et bien tu ne manque pas d’air ! D’où tiens-tu ce nom ?

- Les Pirates me l’ont donné quand ils m’ont adoptés parce qu’ils ont cru que j’avais Dessiné Blanc Lapin à seulement trois ans.

- Mais ce n’était pas toi ?

- Non. Il est apparu, c’est tout.

- Et tu ne l’a pas dit ?

- Non. Ca n’aurait pas été très intelligent.

Primaël acquiesça.


- Sans doute. Un comportement digne d’une Pirate !, dit-t-il avec fierté.

La pauvre Meredith semblait atterrée par cette situation.


- Et ton grand-père ne t’a pas reconnue ?,tenta-t-elle en désespoir de cause.

- Arrête tous les bébés se ressemblent comment veux-tu qu’il l’ait reconnu !

Nessa commençait à être fatiguée de voir le couple poser les questions et y répondre sans qu’elle puisse intervenir. Elle soupira bruyamment.


- Vous vous souvenez quand j’ai dit que j’étais en colère ? TT

Primaël la jaugea durement du regard et fini par exploser de rire. Avant qu’elle ait pu réagir il la serra dans ses bras et la fit décoller du sol avant de la jeter par-dessus son épaule, la portant comme un vieux sac. Nessa voulut l’offusquer d’un tel traitement mais bizarrement cela l’amusa et elle fini par rire aussi. Meredith sourit aussi, ravie de voir le père et la fille s’entendre à merveille. Elle laissa donc son époux balancer et faire tourner Nessa encore un peu, se disant qu’il s’agissait sûrement là d’une marque d’affection que seul des Pirates pouvaient apprécier.
Le jeu prit une toute autre tournure quand la jeune fille décida de passer à son tour à l’attaque. En une fraction de seconde elle se laissa tomber au sol, roula sur elle-même et faucha les jambes de son père d’un coup de pied circulaire. Il perdit l’équilibre et se retrouva sur le derrière, stupéfait. Avant qu’il n’ait pu réagir elle se jeta sur lui, et avec une rapidité stupéfiante le cloua au sol.


- Vas-y je le tiens !, cria-t-elle à l’intention de sa mère dans un élan d’instinct filiale.

Meredith resta surprise un instant, époustouflée par l’agilité de sa fille et passa elle aussi à l’action, chatouillant Primaël jusqu’à ce qu’il crie grâce.
Nessa jubilait. Jamais elle ne s’était autant amusée. Les rares camarades qu’elle avait eût n’avaient jamais joué avec elle de cette façon et elle-même n’avait jamais ressentit ce besoin. Fascinant de voir avec quelle rapidité elle avait apprit à être une fille…


* Mais qu’est-ce qui m’arrive ? Je me sens bizarre ! *

Elle porta une main sur son cœur. Boum boum… quelque chose n’allait pas. Son vide, le problème venait de son « rien » chérie qui demeurait depuis toujours au fond de sa poitrine. Il s’était rempli cette année. De façon désagréable, douloureuse… mais toujours partielle.
Boum boum
Meredith et Primaël cessèrent de se chatouiller en s’esclaffant, voyant leur fille l’air visiblement inquiet, une main posée sur le cœur. Ils échangèrent un regard entendu et s’assirent en tailleur. Oui, ils désiraient plus que tout au monde continuer à profiter de leur enfant perdu.

Mais le temps pressait.
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Nessa Minyatur
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25.09.11 15:04
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(fin)

Assis, parents et enfant se toisaient en silence. Silence que rompit Meredith.


- Alice… (elle jeta un coup d’œil à la sphère mauve qui brillait de plus en plus faiblement). Tu dois savoir certaines choses…

Elle prit le poignet de Nessa qui le serrait sur son cœur, et l’y ôta.

- Attends, laisse la commencer. Elle risque de ne pas vouloir nous parler si tu lui dis tout avant.

Meredith acquiesça d’un hochement de tête.

- Vas-y, ma fille, raconte nous ce qui s’est passé après que tu sois arrivé sur l’Archipel Alines.

Nessa s’efforça d’ignorer son malaise et raconta aussi brièvement que possible ses près de dix huit dernières années. Elle ne chercha pas à édulcorer les détails de sa vie de Mercenaire. Elle n’en éprouvait aucune honte. Juste un certain dégoût tout nouveau quand elle se rappelait ses meurtres. Meredith elle dût à plusieurs reprises taire un petit crie d’horreur en se plaquant une main sur la bouche. Elle avait failli tourner de l’œil en apprenant que sa fille avait rejoint les « méchants », et chaque énonciation de tuerie l’atterrait de plus en plus, la chargeant de culpabilité. Nessa ne comprenait pas pourquoi, ce n’était pas de sa faute… Primaël, lui, fronçait les sourcils, songeur. Il ne semblait pas fâché cependant, juste troublé.

- Pirates et Mercenaires ? Des échanges entre eux ? C’est inacceptable ! Mon père n’aurait jamais permit cela ! Nous avons notre propre code d’honneur et s’il est vrai que nous avons le sang chaud et que tuer n’est qu’une formalité lors des abordages, jamais nous ne ferions quoi que ce soit pour aider à la réalisation d’une prophétie ridicule prônant le Chaos ! Faut-t-il que notre peuple soit tombé bien bas !

- En fait ce n’est que de rares clans qui commercent avec les Mercenaires, certains ont refusé, s’empressa d’expliquer Nessa.

- Les Tîwele ?

- Ils font partit de leur plus féroces opposants, ils ne supportent pas l’idée que les Pirates s’abaissent au niveau des Mercenaires.

Primaël eut un sourire à la fois fière et sadique.

- Tan mieux ! Qu’un Mercenaire se frotte à notre clan et qu’il crève sous nos lames ! Oui pardon chérie je me calme ^^" ajouta-t-il devant le regard noir de Meredith qui devait régulièrement freiner les élans trop patriotiques de son époux.

Cela amusa Nessa qui reprit son histoire d’un ton plus léger, insistant sur l’aide de Blanc-Lapin, parlant des gens qu’elle avait rencontré, du nouveau comportement de son camarade qu’elle s’était mise à craindre, de ces rêves et de cette affreuse année qui comblait ses nuits d’effroi et de douleur…
Elle conclu sur sa réconciliation avec Blanc-Lapin et son plongeon dans l’œil d’Otolep.


- Mais j’aimerais comprendre, qu’est-ce que cette plante là bas ? Pourquoi ais-je la sensation qu’elle est très importante pour moi ?

Meredith et Primaël échangèrent un regard entendu. A leur tour de lui raconter leur histoire…
Tour à tour ils expliquèrent comment ils s’étaient rencontrés, Nessa apprit donc sa demi-appartenance à l’Autre Monde, pourquoi ils avaient quitté l’Archipel… Ils narrèrent, le cœur gros, l’attaque Raïs et la nécessité d’un Pas sur le Côté …


- Pourquoi vers l’Archipel ? Vous veniez d’être banni, c’était dangereux…

- C’était un choix impulsif, j’ignorais où nous serions à l’abri des guerriers cochons. Tout ce qui m’est venu c’est l’Archipel et je savais que ton grand père ne permettrait pas que l’on te fasse du mal, tu serais en sécurité, quand à nous peu importait.

- Ce raisonnement n’est pas très logique question survie...

Meredith rit froidement.


- Le raisonnement d’une mère n’inclus que la survie de sa progéniture.

Nessa ne comprenait pas cela. Elle-même ne faisait pas grand cas de sa vie ni de la vie d’autrui –jusqu’à l’année dernière du moins- mais jamais au grand jamais elle ne se serait sacrifiée. Pour qui que ce soit. Elle fit toutefois mine d’acquiescer pour ne pas interrompre leur récit. Elle percevait l’empressement dans leur voix et leurs regards inquiets vers la fleur au cœur mauve… De toute évidence ils étaient pressés d’en finir.

- Une chose m’intrigue toutefois… Une fois là-bas ton grand-père n’a pas pu ne pas te reconnaître, tu as les yeux des Tîwele. Bleu barbeau, profond comme l’Océan, vaporeux comme l’écume des vagues…

Primaël se gonfla de fierté, de même que Nessa quand elle saisi la portée des révélations de sa mère.


- Je suis une Tîwele ? Ce sont les chefs d’un des plus puissants clans de l’Archipel ! J’avais comprit que père en faisait partit mais pas qu’il était son descendant ! *-*

- Et oui, ton père est l’équivalent d’un Prince sur l’Archipel,dit Meredith d’un ton moqueur avant que son mari n’explose d’orgueil. Mais laisse-moi finir s’il te plaît j’ai du mal avec ce passage.

Effectivement sa voix se faisait un peu roque.


- Bien sûre…

- J’en étais au Pas sur le Côté… Malheureusement il fut avorté par la mise en place du Verrou Ts’lich au même moment. Ton père et moi ne sommes jamais arrivés à destination. Nous sommes restés bloqués ici, et toi… tu n’étais plus là, tu…

Elle ferma les yeux, tout à ce souvenir douloureux et Primaël prit la relève.

- Tu avais pu passer à temps. Ton corps du moins. Une partie de toi est restée coincée dans l’Imagination.

Nessa comprit tout à coup.

- La fleur ? Celle que je vois en rêve ? C’est pour ça que vous vouliez que je vienne ?

Primaël hocha vivement la tête.


- Oui et non. C’est la sphère violette qui compte. La fleur n’est qu’un hôte Imaginaire hébergeant ta conscience. Elle a grandit en même temps que toi, s’est tâchée de sang quand tu tuais, elle fait l’étalage de ton parcours, l’état de ton cœur.

Nessa haussa un sourcil interrogateur et jeta un œil à la sculpture florale. La base était magnifique, mêlé d’or et d’argent d’une pureté incomparable. Mais gâché par des veinures pourpre porteuses d’un macabre message.


- C’est si moche que cela ?

- Tu le sentiras en récupérant ce qui t’appartient.

- Non merci.

Le ton était net, sans une once d’hésitation. Primaël haussa un sourcil – parfait miroir d’expression de Nessa-, Meredith resta stupéfaite, et même Blanc Lapin au loin renâcla d’impatience.

- Comment ça non merci ?, fit-t-il d’une voix menaçante.

- Je préfère redevenir comme avant. Cette année a été un pur enfer pour moi, je me suis mise à ressentir des choses vraiment désagréables, et j’ai hâte de retrouver ma quiétude de Mercenaire. Je me sentais mieux avant vos interventions nocturnes.

Une baffe monumentale manqua de séparer sa tête de sa colonne vertébrale. Elle ne s’y attendait pas le moins du monde et fut donc incapable de l’esquiver. Se prendre une grosse paluche dans la tronche lui secoua les idées.


- Par la Dame tu es rapide !, s’exclama-t-elle, admirative en se frottant la joue.

Mais Primaël ne releva pas. Ses yeux lançaient des éclairs et Nessa se sentit rétrécir…

- Qui es-tu ?, beugla-t-i de sa puissante voix.

- Quoi ?

Une nouvelle baffe lui fit comprendre que ce n’était pas la bonne réponse. Heureusement plus préparée, cette fois elle pu amoindrir l’impact.
La question la turlupinait, résonnant avec force dans son esprit. Qui le lui avait posé déjà ? Ah oui… le Marchombre…


- Nessa Minyatur ?

La réponse avait l’intonation d’une question. Refusant de se prendre une nouvelle claque Nessa bondit sur ses pieds aussi vite que son père et para sa main de l’avant bras.

- Primaël arrête !, implora Meredith.

Ni lui ni Nessa ne tint compte de son intervention. Père et fille se jaugeaient du regard. Un regard en tout point similaire, crépitant de tension.
Pourquoi était-t-elle incapable de répondre avec conviction ? L’angoisse l’étreignit et pour une fois elle n’avait rien à voir avec la proximité de son âme. Elle était causée par son rien intérieur qu’elle avait si longtemps chéri.
Et qui maintenant la mettait en échec. Elle s’aperçue soudain qu’elle n’avait aucune idée de qui elle était vraiment. Jusqu’à il y a quelques heures elle ne connaissait même pas son véritable nom. Pire, elle comprit que jusque là sa vie avait était vaine, privée de sens, de choix et de décisions personnelles… Elle n’avait fait que suivre Blanc Lapin, reposant toute son existence sur le dragon. Non seulement elle ne ressentait rien mais
en plus elle n’était rien. Rien ni personne, rien qu’une coquille vide…
Une larme coula le long de sa joue et elle tomba dans les bras de son père, bien vite rejointe par sa mère qui l’enlaça tendrement.


- Chhhut c’est fini ma belle, c’est fini…, chuchotaient-t-ils à son oreille.

Elle resta blottit entre ses parents encore quelques minutes, le temps de retracer mentalement son parcours et d’en mesurer la nullité. Quand le flot de ses larmes se tarit enfin elle releva fièrement la tête, s’essuya les yeux et donna le signal d’un hochement de tête signifiant qu’elle était prête.
Ses parents la guidèrent donc vers ce qui lui manquait de conscience, s’arrêtant deux mètres avant pour la laisser accomplir cela seule.


* * * * *

- Pourquoi la fleur cherche à se refermer ?

- Parce que rien d’étranger à l’Imagination ne peut prétendre habiter indéfiniment les Spires. Comme pour nous. Nous avons été réels un moment puis nos corps, privé de possibilité de retour, ont cessé d’exister.

- Pourtant je vous vois.

- Parce que nous appartenons aux Spires désormais, l’Imagination est devenue notre réalité. Mais nous ne sommes plus fait de la même chair, il nous ait impossible de rejoindre Gwendalavir.

- Blanc-Lapin le peut pourtant. Et si un Dessinateur expérimenté vous faisait basculer dans la réalité ?

- Nous serions éphémère, et retournerons ici à très court terme.

- Blanc-Lapin peut rester autant qu’il veut !

- C’est un dragon. Il peut choisir d’emprunter un corps Dessiné et de le maintenir réel par sa volonté. Mais il est toujours revenu et ne peut quitter les Spires sous sa forme originelle. Ce droit est réservé au Dragon, avec un D majuscule, son père.

Nessa réfléchis à tout cela. Elle ne s’était jamais intéressée aux particularités de l’art du Dessin. Pourtant avec tout ce qu’elle venait d’apprendre, certaines choses s’éclairaient.


- Je perçois la nature et l’origine des Dessins. C’est parce qu’une partie de moi est ici n’est-ce pas ? Si je la récupère, je perdrais ce don.

Primaël et Meredith se concertèrent du regard. Le Pirate semblait presque aussi largué en matière d’Imagination que sa fille.


- Tu le sauras en la récupérant. Mais ta mère est une Dessinatrice bizarre, tu as très bien pu hériter d’une forme dérivé du Don…

Meredith ne releva pas le fait que son époux qualifie ses Pas sur le Côté de bizarre et encouragea Nessa d’un signe de tête. Elle voyait bien que la jeune fille tentait de perdre du temps avec ses questions.


° Très bien, d’accord… j’y vais. Je récupère ce qui m’appartient. °

* * * * *

Sa main effleura un pétale. Froid. Non, glacial. A la fois cristallin, organique et métallique. Un alliage inconnu à la fois fascinant et un rien dérangeant. Vivant sans vraiment l’être… Nessa déglutit et se décide.
Boum boum…
Sa main a du mal à passer entre la prison de pétales trop serrés. Peut-être est-t-elle arrivée trop tard ?
Elle insiste et force le passage. Ses doigts se referment sur la sphère mauve. Elle est juste tiède pourtant elle semble bouillante comparée à la froideur de la plante. Nessa la tient serrée au creux de sa main, se demandant comment agir. Voyant que la sphère lumineuse ne pénètre pas sa main elle comprend qu’elle doit la sortir avant de pouvoir l’absorber. Mais si sa main à déjà eu du mal à passer, son poing semble incapable de retraverser.
Sur sa peau la lumière violette crépite, semble implorer sa libération. Nessa se bat pour la délivrer, quitte à s’arracher la peau. Au sens propre du terme. Elle tire aussi fort qu’elle le peu, les pétales cristallins tranchants comme le fil d’un rasoir lui entaille sévèrement le poignet, racle le dos de sa main, manque de sectionner une partie du pouce et écorche ses phalanges au point d’en mettre les os à nus. De tout ses combats, de tout les coups qu’elle s’est déjà prit, même de ceux qui auraient du la tuer, Nessa n’a jamais ressentit une telle douleur. Un cri de panique mêlée de souffrance sort de sa gorge, vrillant ses propres tympans. Pourtant pas une seconde elle ne songe à lâcher son trésor. Elle croit entendre vaguement les exhortations de ses parents et le grondement de Blanc-Lapin plus loin, mais cela peut tout aussi bien être un délire de douleur.
C’est dans un état second, quand le mal atteint son paroxysme, qu’elle parvient enfin à se libérer. Son cri cesse aussitôt et elle s’effondre sous elle-même, évanouie, serrant sa main endolorie.


* * * * *

Primaël et Meredith ne voit leur fille que de dos. La mère a voulu se jeter sur elle pour la relever dès qu’elle l’a vu tomber mais il l’en a empêché. Une sage décision étant donné que Nessa baigne dans un halo violet flamboyant qui semble grésiller d’énergie. Cela fait plusieurs minutes déjà et seule la respiration erratique de la jeune fille indique qu’elle est toujours en vie. Progressivement, avec une lenteur désespérante, la lumière s’estompe, diminue, semble se résorber. Investit sa place d’origine, celle qu’elle n’aurait jamais dû quitter.
Le cœur de Nessa.


* * * * *

Elle ouvre les yeux, comme au réveil d’un profond coma. Ses souvenirs flottent en brume flou et légère autour d’elle, parsemée d’éclat de voix et de sensations fugaces. D’un battement de cil elle dissipe le brouillard et sa vu s’accommode au lieu. Un sol doux et nappé de lumière sous elle, une fleur aux pétales grands ouverts et rougeoyant dispensant une clarté diffuse, telle un halo bleuté. Un ensemble complexe de couleurs chaudes et froides, de veinures sombres s’estompant... Sa mémoire à court terme lui revient et elle place vivement sa main devant ses yeux, l’observant sous toutes les coutures. De profondes cicatrices rosâtres témoignent de sa torture, mais pas la moindre trace de la sphère violette. Inquiète, Nessa cherche autour d’elle craignant de l’avoir fait tomber en s’évanouissant. Mais rien. Prise de panique elle palpe le sol à pleine main mais a tôt fait de s’arrêter. En effet la douleur n’a pas disparut, le moindre contact déclenche des flots de douleur du bout de ses doigts jusqu’à son avant bras. Par réflexe elle ramène son membre tremblant sur sa poitrine comme pour le protéger.
Boum boum
C’est là qu’elle comprend. Elle n’a rien perdue, au contraire, tout à été retrouvé. Fascinée elle écoute encore battre son cœur et en savoure l’effet apaisant des vibrations. Un sourire ébahi de nouveau né étire ses lèvres et elle se tourne vers ses parents. Ceux-ci accourent au premier regard et s’agenouillent près d’elle. Trop heureuse Nessa essaie de parler mais les mots s’emmêlent.

- Al…ce Tîw…le…

- Quoi ?

- Elle est sous le choc, elle divague !

Nessa secoue vivement la tête.


- Non… C’est mon nom !

Ces quelques mots à peine articuler, elle retrouve l’usage total de la parole et proclame haut et fort avec toute la fierté de son rang restitué.

- Alice Tîwele ! Rebaptisée Nessa Minyatur par les miens, les Pirates des Alines. C’est ce que je suis.

Forte de cette constatation, la jeune Pirate part d’un rire franc et libérateur qui lui fait venir les larmes aux yeux. Primaël et Meredith se joignent à elle avec stupeur.

- C’est ça la réponse à ta question père ! Qui je suis, une Tîwele, une Pirate ! C’était tellement évident !

Au final les parents, dépassés par le débordement de joie de leur fille durent l’aider à se calmer. Elle ne gérait absolument pas le trop plein d’émotions et la « maîtrise de soi » n’était qu’au stade de concept. Elle devrait apprendre à canaliser, gérer, voir taire parfois, ce qu’elle ressentait pour vivre normalement sans risquer d’exploser, d’imploser, ou de décapiter quelqu’un sur un coup de tête (sans mauvais jeu de mots)…
Une fois remise de sa première impression, Nessa se releva totalement, goûtant avec plaisir la nouvelle mécanique de son corps. Étrange de voir comme un simple regard pouvait contenir autant d’affection. Presque aussi étrange que le fait qu’elle saisisse le mot « affection ». Jusqu’alors ce n’avait été qu’une idée abstraite, et un pâle aperçu cette dernière année. Elle tenta de décortiquer sa nouvelle analyse. Avant tout était simplissime. On lui parlait, les mots passaient directement de ses oreilles à son cerveau. Ce dernier traitait machinalement l’information et elle n’avait plus qu’à répondre selon le résultat de l’analyse. Désormais elle pouvait identifier une nouvelle étape. Avant de traiter l’information, celle-ci était envoyée quelque part dans sa poitrine et revenait avec une nouvelle forme d’argumentation qui ne reposait sur aucun schéma préétabli. Perturbant… mais aussi tellement grisant ! Sa logique tordue trouvait une nouvelle inclinaison, faisant un détour automatique vers la case Émotionnelle plutôt que de filer droit sur celle Intellectuelle. Pour l’instant Nessa trouvait cela plutôt amusant… Puis le contre coup surgit et elle ressentit de la mauvaise conscience. Pour tous les gens qu’elle avait tué sans même savoir exactement pourquoi. Ou pour une mauvaise cause. Quand cela avait été pour se défendre, elle n’en éprouvait aucun regret. Mais quand il avait s’agit d’exécuter sous les ordres des Mercenaires elle se sentait rongeait par les remords. Tout à coup ce n’était plus si drôle d’être humaine ! Elle grimaça et s’efforça de se reprendre… Elle y parvint au bout de quelques secondes de respirations contrôlées.

- C’est bien tu y arrives ! C’est une coriace, je le savais U.U

Alice lui sourit, ravie de faire la fierté de ses parents. Puis son regard se posa sur Blanc-Lapin qui semblait bouder plus loin. Elle le rejoint et posa sa main intacte sur son flanc. Il tourna son immense tête vers elle et la jaugea de ses yeux émeraude. Sans réfléchir elle passa ses bras autour de son cou et colle sa joue contre ses écailles noire, agréablement tiède.

- Tu m’as toujours guidé, sans jamais flancher même quand je t’ai haï tu es resté. Sans toi je n’aurais jamais revu mes parents ni récupéré mon âme. Pourquoi ? Pourquoi t’être encombrer de moi alors que tu vis dans ce monde fabuleux ?

Blanc-Lapin ne pouvait pas parler. Pourtant Alice savait qu’il allait lui répondre. Une certitude qui ne reposait sur aucun raisonnement logique, mais qui pulsait dans ses veines. Et effectivement, le dragon émit un grondement sourd avant de poser son museau sur le front de Nessa, juste entre les deux yeux. Son souffle manqua de la rendre chauve mais elle tint bon. Des images défilèrent dans son esprit, sans paroles aucunes mais toutes parfaitement compréhensibles. Elle vit un très jeune dragon noir approcher ses parents en pleurs, tenter de réconforter le couple terrorisé… Elle le vit frapper le sol de la patte, créant une jeune pousse florale et prendre la sphère violette des mains de Meredith pour la placer au dessus. Elle sentit sa peine et sa compassion pour les jeunes humains prisonniers des Spires. Puis, comme il le faisait en ce moment avec elle, il entra en communication avec les parents. Sauf qu’il ne se contenta pas de leur parler, mais qu’il fouilla aussi leur esprit. Il y trouva un moyen de les aider : le compte de la mère, « Alice aux pays des Merveilles », et sa phrase fétiche « suis toujours le Lapin Blanc… ». C’est ainsi qu’il choisit d’emprunter cette forme pour ramener la fille perdue à ses parents. Le couple lui en fut reconnaissant mais le dragon refusa de leur transmettre les faits et gestes de Nessa, jugeant que les affaires des mortels ne regardaient pas les immortels des Spires. Et surtout il ne voulait pas les angoisser. La Dame sait ce qu’il lui aurait fait s’ils avaient su que la seule opportunité qu’il avait trouvé pour ramener leur fille sur le continent était de la faire rejoindre les Mercenaire du Chaos ! Pour le reste il était aisé de comprendre que chacune de ses apparitions avaient eu un but précis : la mener jusqu’à l’Œil d’Otolep. Un travail long et harassant car Nessa refusait de comprendre et d’écouter ses rêves. Le transfert de conscience se conclu sur l’image d’Alice retrouvant son cœur. Sa mission avait été menée à bien. Blanc-Lapin rompit le contacte.
Nessa le serra une nouvelle fois dans ses bras, chargée de reconnaissance.


- Merci Blanc-Lapin. Et pardon de t’avoir causé tout ce mal…

Le dragon lui donna un coup de langue phénoménal dans le cou en guise de réponse. La cicatrice, dur souvenir de sa rencontre avec le Marchombre, disparut tout à fait. Symbole d’un nouveau départ. Alice déposa un baiser bruyant sur la tête de son ami. Derrière elle ses parents toussotèrent.


- Il est temps maintenant.

Nessa ne demanda pas de quoi. Elle savait. De partir. Mais elle ne le voulait pas du tout.


- Oh non ! Je suis bien ici avec vous et Blanc-Lapin, rien ne m’attend sur Gwendalavir. Je pourrais rester et devenir comme vous, appartenir aux Spires.

Meredith lui envoya un triste sourire compatissant.

- Ce serait mon désir le plus cher, Alice, mais cela ne fonctionne pas comme ça. L’Œil nous a acceptés car il n’y avait pas d’autres choix à l’époque, nous étions coincés. Mais aujourd’hui la voix est libre et tu
appartiens à Gwendalavir.


- Tu dis que rien ne t’attend là-bas mais tu sais désormais que tu es une Pirate ! Il ne tient qu’à toi de concrétiser ce que tu es.

Ils avaient raison bien sûre. Et puis l’Œil finirait par l’expulser de toute façon. La mine défaite elle acquiesça lentement.

- Mais hors de question que tu nous oublies ! Tout bon Pirates possède une arme. L’avantage quand on vit dans les Spires c’est qu’on peu peindre…

- Dessiner TT

- C’est pareil ! Même sans avoir le Don x)

Primaël siffla Blanc-Lapin qui comprit aussitôt. Ensemble ils s’afférèrent sur le tronc d’un arbre à l’alliage tout aussi inconnu que sa plante. Meredith fit mine de trouver cela désolant mais Alice ne fut pas dupe. Ils ne furent pas longs à finir et Primaël apporta fièrement son œuvre à sa fille.
Une épée.
Absolument superbe. De couleur or et argent, plus tranchante que tous les métaux, dégageant une aura pleine de force et de promesses. Grande. Vraiment très grande. Alice pâlit de honte.


- Elle est magnifique… Mais, je suis désolée, je ne sais pas m’en servir.

- Quoi ? O_O Tout les Pirates savent jouer des armes, comment survivrions-nous aux abordages sinon ?

Cette fois elle rougit violemment, un peu vexée.


- Le maître d’arme à tenter de m’initier au combat armé mais je suis nulle ! C’est toujours trop lourd, trop encombrant, pas assez maniable, cela bousille mes réflexes, ça me ralentit. Je n’ai pas le temps de penser à bouger une charge supplémentaire, j’ai déjà tout mon corps à diriger.

La déception de Primaël ne dura qu’une seconde, le temps que Blanc-Lapin souffle sur l’épée et en orne la poignée d’un pétale tâché du sang de Nessa.


- Essaie-la.

Nessa soupira mais tenta tout de même le coup, désireuse de faire plaisir à son père. Étrangement elle n’eut pas à fournir le moindre effort pour la soulever. Un miracle compte tenu de sa taille impressionnante.

- Comment est-ce possible ?

- Blanc-Lapin l’a amélioré. Cette épée est faite pour toi, n’obéit qu’à toi. Personne d’autre ne peut la soulever. Elle ne répond qu’à ton sang.

- Le maître d’arme de mon clan disait toujours qu’une arme doit faire partie de soi. Je suis sûre qu’il ne pensait pas que cela puisse être prit au sens stricte !, fit-t-elle avec un sourire un brin carnassier.

Le Dragon s’agita sur place, forçant Primaël à continuer.


- Et ce n’est pas tout. Ce n’est pas un Dessin éternel, ta mère est contre le fait de « perturber l’équilibre » avec des créations immortelles. Cette lame devra donc toujours revenir aux Spires. Sers-t-en au besoin mais sache qu’elle disparaîtra après usage.

Alice ne trouva qu’une chose à dire :

- Super. Pas encombrant.

Elle fit quelques essais avec sa nouvelle arme et fut agréablement surprise de constater qu’elle n’entravait en rien ses mouvements, se fondant parfaitement à sa volonté. Ils venaient de lui offrir la seule et unique arme qu’elle saurait manier.

- Merci, dit-t-elle une fois qu’elle eut fini de jouer. Je l’appellerais Draël. Un mélange de dragon et Primaël. Nos ennemis trembleront à l’évocation de ce nom.

- Par la Dame ! Elle a hérité de ton patriotisme extrémiste pour les Pirates des Alines ! Gwendalavir court droit à la catastrophe…

La petite famille partit en fou-rire quelques instants, puis Meredith reprit la parole.

- J’ai l’impression de ne t’avoir rien légué pour ma part si ce n’est la forme de mon visage.

Alice ne supporta pas son air triste.


- Tu te trompes. Blanc-Lapin m’a peut-être guidé toutes ses années mais si j’ai accepté de le suivre c’est seulement parce que tu me l’avais demandé. C’est ta voix qui m’a accompagné et sauvé sur l’Archipel. Qui sait quel accueil j’aurais subit si tu ne m’avais pas dit de suivre Blanc-Lapin. Je n’aurais été qu’une bâtarde perdue. Au lieu de ça on m’a appelé petite déesse.

Tant rassurée qu’émue, Meredith serra Nessa dans ses bras. Celle-ci ne songea pas à se dérober et lui rendit l’accolade.

- Et puis on qualifie mes reflexes de surhumains, peut-être que je fais des Pas sur le Côté comme toi ! Version mini.

Elle en doutait très fortement mais le sourire de sa mère valait bien ce petit supplément. Finalement Meredith lui offrit un petit pendentif, prêt à apparaître chaque fois qu’Alice aurait besoin d’un soutient psychologique. Elle ajouta que tout ne se réglait pas au fil de la lame et la fit rire en lançant un regard chargé de sous-entendus à Primaël.
L’heure des adieux arriva.


- Comment pourrais-je vous remercier ?

- En rejetant définitivement le Chaos, affirma Primaël très terre à terre.

- Et en suivant toujours ce que te dicte ton cœur, ajouta Meredith.

Ce qui angoissa très légèrement Nessa. Effectivement si elle ne pouvait plus suivre Blanc-Lapin il ne lui restait que cette solution.


- Je vous le jure.

Dernières embrassades, quelques larmes maternelles, et Alice grimpa sur Blanc-Lapin.


- Je suis prête, lui murmura-t-elle. Ramène-moi à la maison.

Le dragon ramassa tout son poids et décolla dans une impressionnante manifestation de puissance de ses larges ailes d’ébène. En bas les parents n’avaient plus qu’une taille de fourmi. Nessa leur adressa un salue de la main et la brume l’enveloppa.
« Adieu mon ami », dit-t-elle dans son esprit sachant que Blanc-Lapin l’entendrait… Il lui répondit d’un gémissement amical et elle se sentit aspirée par une mer qu’elle connaissait bien.

* * * * *

Le retour fut moins désagréable que l’aller. Quand elle ouvrit les yeux sur la plage de l’Œil d’Otolep, les lamentations du dragon résonnaient encore à ses tympans. Elle resta recroquevillée sur le sable le temps de réhabituer ses yeux à ce monde puis se releva. Sa main blessée lui faisait toujours mal mais elle l’ignora. Le sentiment de solitude qui s’empara d’elle fit vaciller ses jambes. Plus personne à suivre, aucune adorable boule de poil pour la guider… Elle se sentit perdue dans un monde trop vaste pour s’y retrouver et l’angoisse lui serra la gorge. Aussitôt le pendentif de sa mère apparu autour de son coup. Un navire d’argent poussé par le vent. Une brise s’éleva dans son dos. Un sourire se peignit sur son visage et elle se mit en marche. Le pendentif disparut.
La difficulté suivante résida dans l’ascension de la montagne pour rejoindre la Citadelle. Ayant été aidé par Blanc-Lapin à l’aller elle craignait de céder au vertige sans lui. Mais hors de question d’abandonner, d’autant que la proximité de l’Œil la mettait mal à l’aise.


- Draël !, appela-t-elle en tendant le bras au dessus de sa tête.

L’épée de son père se logea dans sa main et Nessa y puisa du courage. Elle était une Pirate nom d’un Raïs ! Et s’il fallait escalader un gros rocher pour rentrer chez elle, elle le ferait. Draël regagna les Spires dès qu’elle la lâcha et Nessa entama l’ascension.
Quelques heures plus tard elle frappait une nouvelle fois aux portes de la Citadelle. Elle fut accueillie avec surprise et admiration. Elle ne comprit pourquoi que lorsqu’elle croisa son reflet dans un miroir.
Sa petite baignade l’avait changé. Sa cicatrice au cou avait disparue, cela elle le savait, mais il n’y avait pas non plus trace de brûlure ou de gerçure sur sa peau. Elle faisait enfin son âge, 21 ans. Mais le changement se ressentait aussi à d’autres niveaux. Son expression peut-être, ou son regard… C’était une gamine amochée qui était entrée et sortie de la Citadelle, mais une jeune femme saine et pleine d’assurance qui en revenait. Nulle ne pouvait douter de son passage dans l’Œil d’Otolep. Mais aucun Frontalier ne lui demanda ce qu’elle y avait vu. Ses précédents hôtes se chargèrent simplement de lui fournir des mitaines de cuir pour dissimuler et apaiser sa main mutilée. Elle se déplaça peu mais chaque fois qu’elle le faisait des Frontaliers la saluaient avec respect. Tous savaient d’où elle venait et pour un peu, son ego flattait, elle serait restée parmi eux.
Mais l’appelle de la mer serait toujours le plus fort. Et trop de questions restaient en suspend. Pour l’heure il lui fallait retrouver son grand-père et régler cette histoire d’exil. Prouver son appartenance à l’Archipel et faire entendre raison aux clans parias se liant au Chaos. Et dire qu’elle avait craint de ne pas savoir que faire sans guide ! C’était de savoir comment tout faire qui lui posait problème, oui. Décidée à reprendre la route, elle remercia les Frontaliers et leur jura de revenir un jour pour payer la dette qu’elle avait envers eux. Et qu’en attendant tout membre de leur peuple qu’elle croiserait trouverait en elle une alliée. Elle du parler avec honneur car cela leur plut. Une fierté qui se tinta d’amusement ou de fou-rire quand avant de quitter la Citadelle elle trouva le Frontalier qui lui avait fait tant d’effet à son premier passage. Elle fonça droit sur lui et, sans l’ombre d’une hésitation, planta un baiser passionné sur ses lèvres. Quand ils s’écartèrent l’un de l’autre leurs regards brûlant se croisèrent, et Nessa reprit son chemin. Momentanément insensible au froid…


Elle marche.
Pour une fois ses pas ne sont motivés par aucun ordre direct, aucune soif de salaire. Pour la première fois elle avance vers un but qu’elle a choisit et dont la seule récompense sera la vérité.
Elle marche.
Et son voyage ne fait que commencer.



[FIN DE LA PÉRIODE MERCENAIRE DU CHAOS]
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