Le matin, Dewën ouvre les yeux quand un serviteur entre dans sa chambre pour écarter les rideaux. Une chambre luxueuse. Des murs recouverts de tapisseries coûteuses, des meubles en bois sombres, et au milieu de cette chambre, un grand lit à baldaquin entouré de rideaux pourpres. Un lit bien trop grand pour son occupant. Wën n'est alors que dans sa neuvième année. Et quand on mesure un mètre quarante, on se sent un peu perdu dans un lit comme celui-ci. Mais le jeune garçon n'est pas perdu. Loin de là, il est habitué. Depuis qu'il est né, il est élevé dans un luxe que tout le monde n'a pas. Et il en a conscience. Mais il ne peut pas s’empêcher de trouver cela horrible. Comment peut on aimer une chambre comme celle ci lorsque l'on a neuf ans ? Quand il regarde ces lourds rideaux pourpres, ces meubles noirs, il a envie de s'en débarrasser. Si ça ne tenait qu'à lui, il aurait déjà tout brûlé. Seulement ce n'est pas le cas et s'il le faisait, il récolterait la plus grosse punition de sa vie. Avec des parents stricts comme les siens, ça ne rigole pas. Wën ne sait pas grand chose d'eux. Il ne les voit que rarement, et quand il les voit, il ne sont pas enclins à la discussion. Mais le petit garçon a compris qu'ils ne le sont jamais de toute façon. Ce sont donc des serviteurs et des professeurs engagés par ses parents qui s'occupent de son éducation. Une éducation qui ne doit rien laisser de côté. Lecture, écriture, language, manières, … Dewën est parfois un peu perdu et s'éloigne souvent de la conduite qu'il est censé adopter. Ses professeurs ne disent rien, mais quand son père rentre à la maison, Dewën est vite remis à sa place. Voilà à quoi se résume la vie du garçon. Heureusement, il y a son frère, Erwan. Il est plus vieux de quatre années, mais cela n'empêche pas Dewën de passer du temps avec lui. Parfois, Wën questionne son frère sur leurs parents, mais quand il le fait, le visage d'Erwan se crispe et il se tait. Un silence plane alors entre eux, mais Dewën change rapidement de sujet de conversation, de peur de la réaction que son frère pourrait avoir s'il insiste. Le soir, quand il va se coucher, il pense toujours à la même chose. Qu'est ce que ses parents cachent ? Ils ne sont jamais là, quand il les voit rentrés ils sont parfois blessés ou couverts de sang et quand ils sont là, ils ne parlent jamais de ce qu'il font. Qu'est ce que se parents lui cachent ? Cette question, il se la retourne sans cesse dans la tête, mais jamais il ne trouve la réponse qui lui convient.






Wën est dans la forêt avec son père. Il l'a emmené à l’extérieur d'Al-Jeit dans un bois. Pour chasser. C'était l'argument qu'il avait eu, mais Dewën n’est pas bête. Son père ne chasse jamais, il se contente d'acheter de quoi se nourrir avec la fortune que lui et sa femme possèdent. Il l'a emmené ici pour une autre raison et Wën sait que cela va avoir un rapport avec la profession de ses parents. Alors que le fils marche en compagnie de son père, ce dernier prend la parole.

Dewën, tu as quinze ans maintenant et il est temps que je te forme. Tu es un peu jeune, mais je suis ton père. Moi seul décide de ton éducation.

Le jeune homme tourne la tête vers son père.

Pour servir le chaos ...

Il lui à répondu d'une voie calme et pensive. Ceci, il l'attend depuis longtemps. Devenir mercenaire du chaos. C'est alors que Erwan fait son apparition. Dewën a du mal à le reconnaître. Son frère a maintenant dix neuf ans et la dernière fois qu'il l'a vu, c'était il y a quatre ans. Erwan avait alors l'âge de son jeune frère, quinze ans. Il était rentré en trombe dans la maison, avait pris ses affaires à la va vite et était parti sans que mon père puisse le rattraper. Erwan jette un rapide coup d’œil à son frère avant de lancer un regard noir à son père.

Alors tu vas faire la même chose qu'avec moi ? Tu vas le transformer en tueur ?

Et alors Wën compris. Son père avait dit la même chose à son frère quatre ans plus tôt. Il lui avait dit qu'il deviendrait envoleur. Et apparemment Erwan avait refusé. C'était donc la raison de son départ de la maison. Ce que Dewën ne comprenait pas, c'était pourquoi son frère avait refusé. Le Chaos offrait la puissance, le pouvoir. Comment pouvait on refuser cela ?
La dispute entre son frère et son père se prolongea et Dewën ne préféra pas y prendre part. Erwan allait sûrement finir par partir et ne jamais revenir, comme il l'avait fait des années auparavant. Il s'éloigna donc d'eux et s'assit contre un arbre quand il entendit un grognement. Wën releva la tête et trouva face à lui un puma au pelage roux qui le fixait de ses grands yeux noirs. Ceux ambrés de Dewën s'écarquillèrent et il regarda avec affolement autour de lui. Il remarqua deux petits félins derrière lui. Sûrement ceux du puma. La panique s'empara alors du jeune homme et avant qu'il ait pu faire quoi que ce soit, la bête se jeta sur lui et Dewën sentit les griffes de l'animal déchirer sa peau. Il s'écroula sous le poids de l'animal toujours sur lui et porta une main à son visage ensanglanté. Un long frisson parcourut alors sa colonne vertébrale et le corps de garçon se mit soudain à trembler. Dewën ferma les yeux et quand il les rouvrit, il n'était plus au sol avec un animal deux fois plus lourds que lui sur le ventre, mais à quatre pattes sur le sol , face à l'animal.




Dewën ne comprit pas, mais quand l'animal se jeta sur lui, il n’hésita pas, il fit un bond en avant, referma ses crocs sur le cou de son adversaire et ses mâchoires puissantes tuèrent la bête sur le coup. Il était un puma. Wën avait du mal à le croire. Il était à moitié animal. Une bête vivait en lui. 

Dewën a maintenant vingt ans et est devenu Envoleur. Son père lui a appris l'art du combat et à tuer. Il est devenu un serviteur du chaos. Il caresse la poignée de l'un de ses sabres accroché dans son dos. C'est le cadeau de son père. Il n'a jamais vu d'aussi belles armes. Légères et parfaitement équilibrées. Des lames recourbées et aiguisées, un rubis, un diamant. Des armes à lui. Des armes pour tuer.

Il repense à la semaine qu'il vient de passer. Sa dernière semaine à Al-jeit. Il a croisé son frère dans les rues de la ville.

« Wën marchait tranquillement, ses nouvelles armes accrochés dans son dos, il s'apprête à quitter la ville quand il rencontre quelqu'un. Des cheveux noirs, des yeux dorés, une peau mate. L'individu lui ressemble traits pour traits. Erwan. Dewën ne s'arrête pas, mais son frère aîné l'attrape par le bras et l'entraîne dans un ruelle. Wën se laisse faire. Erwan veut lui parler ? Et bien qu'il lui parle, ça ne changera rien. Son père lui à parler de la réaction qu'avait eu Erwan quand il lui avait annoncé qu'il allait devenir envoleur.
Sortant le jeune mercenaire de ses pensées, Erwan avait pris la parole.

Écoute, je sais ce que tu es devenu. Mais tu ne peux pas continuer. Je sais que tu as tué des gens et je sais que tu peux redevenir comme avant.

Un des sabres de Wën sortit de son fourreau à une vitesse fulgurante et la pointe de la lame se retrouva sur la gorge de Erwan. L'Envoleur prit alors la parole d'une voie teintée d'ironie.

Moi aussi, je sais ce que tu es devenu frangin. Marchombre ! Ne me fais pas croire le contraire, Papa me l'a dit ! Tu connais le boulot des Envoleurs, non ?

Dewën avait du mal à contenir sa colère. Son frère était un marchombre, il le savait, mais le voir en face de lui, comme s'il n'avait pas rejoint le camp adverse, le mettait hors de lui. Il sentait le puma qui prenait de plus en plus de place au fur et à mesure que la colère montait. Il rengaina son arme et s'approcha du marchombre. Ses pupilles devinrent verticales et son regard doré se plongea dans celui effrayé de son frère, qui n'était pas au courant du don de Dewën. L'envoleur approcha sa bouche de l'oreille d'Erwan et lui murmura quelques mots avant de s'éloigner en abandonnant son frère.
On tue les marchombres … »



Wën est devenu un excellent guerrier, Envoleur chez les Mercenaires, il n'a plus revu son frère et il a appris à contrôler la bête. Le puma est même devenu un moyen de défense en cas d'urgence, mais parfois il surgit sans prévenir. Et quand la bête se réveille, il vaut mieux ne pas se trouver sur son chemin …