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L'archipel Bonaé
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26.07.07 17:34
Chapitre 1 : La nuit et la mer

La mer animait le reflet du ciel étoilé de doux ondoiements. Le clapotis des vagues, les chants animales de la jungle et le bruissement des feuilles constituaient une atmosphère immensément apaisante et sereine. Curieusement, la profonde mélancolie de la silhouette recroquevillée sur la grève s’en trouvait accentué. Elle ne pleurait pas, elle n’était même pas chagrinée; ce qui lui était arrivé ne l’atteignait pas encore assez. Elle était seulement déprimée. Immensément déprimée. C’était comme si une drogue circulait dans son cerveau et détruisait son sens des réalités. Une drogue qui devait être ce décor d’infinité naturelle. Un vent chaud vint caresser avec presque tendresse son visage et ses cheveux de jais se soulevèrent. La jeune fille poussa un profond soupir qui évacua une partie de ses soucis. Elle s’étendit dans le sable blanc et frais et une poignée de minutes suffirent à ce que la berceuse qu’offrait la nature l’envoie dans un sommeil réparateur et dénué de rêves.
***
Un miaulement qui s’apparentait davantage à un roucoulement l’éveilla. Ses yeux dorés ensommeillés s’entrouvrirent et ceux identiques de l’animal lui répondirent la curiosité. Comme tout ceci prenait son sens maintenant…Elle s’étira longuement, se redressa et caressa la tête du félin. Ils s’observèrent un moment, elle détaillant la fourrure orange brûlé, courte et taché de noirs de son vieil ami. Le corps presque efflanqué aux pattes minces et le grand masque noir qui faisait ressortir les yeux ambrés. Lui, regardant la peau brune, les longs cheveux noirs, la petite mais mince silhouette de l’adolescente.
-Tu as réussi à me retrouver finalement…Mais ça ne te donnes pas le droit de me réveiller et d’exiger des félicitations. fit-elle
L’animal ne comprenait pas un traître mot de ce qu’elle disait mais il comprit qu’elle était heureuse de le revoir et c’était tout ce qui comptait. La jeune fille se leva et marcha hésitante vers l’écume des vagues mourantes. L’eau vivifiante de l’aube trempa ses pieds, elle observa un moment le ciel gris que le soleil commençait à embrasser près du pâle dessin de la demi-lune. Le jeune kaojia la rejoignit en trottant. Loéna laissa son regard et ses pensées dérivés sur l’océan et ses souvenirs lui revinrent à l’esprit. C’était, hier, le jour de sa Révélation. Comme en ce moment, la nuit faisait place à l’aube. Sa mère l’avait éveillée et aussitôt une angoisse instinctive l’avait envahie et avait noué son ventre. Ce jour là elle allait connaître quel serait son animal totem. Cette cérémonie immémoriale répandue dans tout l’archipel aidait les gens à savoir qui ils étaient et à quoi ils étaient destinés. Elle prenait énormément de place dans leur culture et beaucoup de mystères et de préjugés l’alimentaient. Encore à jeun on l’avait menée jusqu’à la tente du chaman et la tradition avait pris son cours. La fumée âcre voilait la silhouette du vieil homme et sans qu’un mot ne soit échangé il lui avait ordonné de s’asseoir. Quand elle eut obéit, il avait saupoudrée le feu entre eux deux de poudre. La fumée était devenu presque instantanément blanche et parfumée. Si omniprésente… Au bout de quelques minutes elle avait fait son oeuvre Loéna était entrée en transe. Elle avait senti la main du chaman sur son front pendant que des images assaillaient son esprit.
La nuit était là. Obscure et mystérieuse. Mais ça n’avait absolument aucune importance puisque jamais elle n’avait aussi bien vu. À pas feutrés, équilibrés elle se faufilait en silence entre les hautes herbes. Soudain, un bruissement infime attira son attention de chasseuse. Elle bifurqua et aperçut sa proie. Qui pour le moment ne se doutait de rien…Elle se tint parfaitement immobile dissimulé dans les fougères puis elle contracta ses muscles pour bondir et ses pupilles se dilatèrent au maximum. Tout son être concentré dans un unique but. Un cri retentit dans la jungle brisant le moment et faisant détaler sa proie. Frémissante de frustration, ne sachant plus que faire de l’énergie sauvage qu’elle avait rassemblé ses yeux balayèrent les lieux et ses oreilles se rabattirent vers l’arrière,. Elle aperçut du coin de l’œil une ombre entre les branches et instinctivement elle pivota dans un élan vif et ses griffes frappèrent les plumes sombres de son ennemi. Un nouveau cri semblable au précédent déchira la nuit. Une mélopée langoureuse et un peu mélancolique se fit entendre sans qu’elle puisse définir si c’était une voix ou un instrument qui l’interprétait. Puis…le néant.

Elle était revenue à elle avec un mal de tête assommant et machinalement elle avait regardé l’intérieur de son poignet gauche où devait maintenant se trouver l’image tatouée de son animal totem. Il s’y trouvait. C’était le dessin d’une tête de kaojia. Son animal favori était donc son animal totem. Cette constatation l’avait emplie de ravissement sans qu’elle y songe. Elle avait relevé les yeux et sa joie était tombée…Le chaman la fixait durement avec un évident dédain. « Kaojia… » Avait-il dit laconiquement. Les mots et le courage s’étaient défilés. Le kaojia était synonyme de malheurs, l’avoir comme totem était la pire des malédictions dans sa tribu natale. Puisque leur animal emblématique; la massive tortue Toengo avait pour ennemi le Kaojia qui possédait entre ses coussinets de velours la seule arme capable de venir à bout du reptile; un venin puissant. Il avait pris son poignet et l’avait serré avec force. Et il l’avait traînée sans ménagement au dehors devant toute la tribu rassemblée. « Elle porte la marque du Kaojia! » avait proclamé le chaman tandis que Loena plissait les yeux face à l’aveuglante clarté. Un murmure de consternation et sur les visages était apparu la haine et l’horreur. Pourtant peu étaient réellement surpris; depuis qu’elle était toute jeune Loena s’était appropriée une réputation d’enfant un peu sauvage et donc marginale. L’adolescente non plus n’était pas saisie; après tout n’avait-elle pas réussi à apprivoiser un jeune koajia…« Vas t-en! »Avait persifler le vieil homme. Un jeune garçon s’était penché pour prendre une pierre. Ce simple geste avait fait déferlé dans le corps de l’adolescente une puissante vague d’adrénaline. Son regard était tombé sur celui larmoyant de sa mère, le projectile avait sifflé, Loéna s’était libérée de l’étreinte du chaman et avait couru comme jamais auparavant. Elle avait fui le village qui la reniait, semant dans la forêt ceux qui maintenant la poursuivaient. Trouvant finalement un refuge temporaire mais rassurant sur cette plage.

Le soleil se leva. Si son avenir avait pris un tournant différent au moins la terre continuait de tourner…
Maigre consolation…
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26.07.07 19:09
Waouh! O_O j'adore ton style continue comme ca =)
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26.07.07 21:02
Super! J'adore, continue!
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13.10.07 15:44
Désolée, pour le temps que j'ai mis pour écrire la suite, le pire c'est qu'il n'y même pas de raison...Alors voilà n'hésiter pas à dire exactement ce que vous en pensez

Chapitre 2 : Leur arrivée

Elle devait partir avant qu’ils ne la trouvent, ça valait mieux pour elle et le kaojia. Les Toengors ne pousseraient jamais leur haine jusqu’à la tuer mais elle était cependant assez forte pour que si un groupe tombait sur elle, Loena était certaine qu’elle aurait des sérieux problèmes. Elle se mit alors à longer la plage les pieds toujours baignés par l’eau, les vaguelettes estompant ainsi toute trace de son passage. Des bribes confuses de sa transe apparurent dans son esprit. La chasse, l’ennemi invisible, elle-même... Ça la laissait songeuse. Sa marche continua ainsi environ une heure…avant que son estomac lui signifie par une plainte prolongée qu’un déjeuner ne serait pas de trop. Ses yeux balayèrent les environs et elle décida de s’enfoncer dans la jungle à la recherche d’un quelconque fruit. Son ami la suivit lui aussi poussé par la faim ce qu’il prévoyait mangé s’avérait toutefois bien différent. La jeune fille se hissa sur la pointe des pieds une fois qu’elle eut trouvé un arbre fruitier et en cueillit un gros fruit jaune orange. Elle le croqua en observant le kaojia disparaître silencieusement entre les arbres. Elle ne s’attarda pas sachant que le félin ne reviendrait pas avant un bon bout de temps. Elle regagna la plage et à son grand soulagement un village bâti sur pilotis se profilait au loin. Heureusement, pour elle ce n’était pas toutes les tribus qui détestaient les porteurs de kaojia et peu étaient aussi…expéditifs.
***
Que faire? C’était la question qui la taraudait depuis qu’elle déambulait sur les ponts de bois sombre du village. Car maintenant elle devait se rendre à l’évidence. Elle était perdue. D’une façon qu’elle ne savait pas possible. Elle était sans maison, sans famille. Elle pouvait toujours essayer de trouver un travail, un moyen de subsister…Mais elle connaissait trop peu de cette tribu, de la manière de l’aborder. Et ce n’était pas faute de ne pas avoir voulu apprendre. Petite, elle harcelait ses proches de questions variées sur les autres communautés de l’archipel. Mais la réponse était invariable : À quoi ça te servirait de savoir ça?
Vivre dans la forêt à la limite pouvait être envisageable. Après tout, elle aimait et connaissait la nature. Mais une colère froide excluait cette solution : c’était ce que sa tribu aurait voulu. Qu’elle vive jusqu’à la fin de ses jours dans l’isolement...
-Tu n’est pas du coin, n’est-ce pas, petite?
Une affirmation plus qu’une question. Prononcé avec une grande douceur et une bienveillance attentionnée qui arracha pourtant d’un coup sec et brutal Loena au tumulte de ses pensées. Une seconde décontenancée, elle hésita.
-Non.
L’homme qui l’observait par-dessus son étal de poissons multicolores était grand et costaud. Il aurait pu paraître intimidant s’il n’avait pas dégagé cette aura puissante de bienveillance. Il poursuivit.
-Es-tu perdue?
-Je…Je crois que oui…
Il lui offrit un sourire rassurant.
-Où veux-tu aller?
-Je n’en sais rien.
Une pointe de surprise apparut sur son visage qui n’altéra cependant pas son sourire.
- Alors je te proposes de te reposer ici le temps que tu voudras, dit-il en désignant son arrière boutique.
Loena redevint d’un coup méfiante. Cet homme lui apparaît sympathique, certes, mais de là à accorder aussi facilement sa confiance. Qu’est-ce qui le poussait à l’inviter ainsi chez lui? Elle envisageait de refuser lorsque l’homme asséna le coup de grâce :
-Tu as peut-être faim…Je pourrais te donner quelque chose à manger.. ,suggéra t-il
Il lui semblait soudain que le fruit qu’elle avait mangé dans la jungle était lointain..
-Bon, c’est d’accord.
Un sourire encore plus grand illumina son visage.
La maison du marchand était faite de bois et possèdait un toit de chaume qui laisse filtrer la lumière d’après-midi et donne au lieu un aspect chaleureux...
Une jeune fille est attablé à la table qui trône, inévitable au milieu de la pièce. Elle lève les yeux du panier qu’elle tresse, dévisage un instant, Loena et reporte son regard sur son père en une expression interrogatrice.
-Mérya, voici une jeune fille et j’aimerais que tu lui tienne compagnie.
Mérya acquiesce mais son regard conserve quelque chose d’insistant comme si on avait omis un détail important.
-Ah oui, bien sûr. Quel est ton nom?
-Loena
-Loena, voici ma fille…Je dois vous laisser pour le moment mais avant…
Il se pencha vers un petit panier et sortit quelques galettes qu’il tendit à Loena.
-Merci.
Et sur ce il ressortit à l’extérieur sans manquer de lui faire un dernier sourire que la jeune fille répondit de manière pâle.
Loena remarqua le regard suppliant de Mérya à l’adresse de son père elle semblait voulait dire quelque chose. Mais elle n’émit aucun son et se renfrogna.
Loena s’assit hésitante et un peu mal à l’aise en face de Mérya qui lui servit malgré tout une expression avenante.
Elles se dévisagèrent un instant par curiosité et la jeune fille reprit son tressage.
-Veux-tu que je t’aide? , proposa doucement Loena mais si elle détestait royalement tresser des paniers.
Son hôte fit un signe de tête pour signifier son refus.
Pendant que Mérya s’affairait, Loena remarqua le papillon imprimé dans la chair de son avant-bras.
-Moi aussi j’ai eu ma révélation il y a peu de temps…fit Loena amère.
Mérya releva des yeux intrigués et son regard se posa pendant une seconde sur le koajia tatoué. Elle se leva, se dirigea vers un panier sur le sol et en ressortit un morceau de parchemin et une craie noire. Elle se rassit et griffonna rapidement : tu as les même yeux qu’eux.
-C’est gentil…répondit-elle tout en se demandant comment n’avait-elle pas pus comprendre plus tôt que Mérya était muette.
Mérya poursuivit : D’où viens-tu? Écrivit-elle
-Je…, commença Loena hésitante.
Elle fronça les sourcils et termina avec aplomb.
-Je viens d’un village pas très loin d’ici.
Son hôte acquiesça et n’insista pas, complétant seulement par un regard compréhensif.
Loena baissa les yeux, un peu troublée que cette inconnue soit aussi attentive à son égard.
Était-ce de l’hypocrisie, ne put-elle s’empêcher de se demander à son grand regret.
***
Un vent soufflait, étrangement lourd, et les feuilles bruissait sous sa caresse. Les nuages gris masquaient le timide soleil de début de journée et les vagues roulaient inlassables et de plus en plus fortes. Un orage se préparait, il n’y avait aucun doute possible là-dessus.
Le jeune kaojia ne semblait pas s’en déranger outre mesure. Il frémit cependant lorsqu’une rafale plus violente que les autres effleura ses grandes oreilles noires. Il évoluait en silence dans la jungle sombre et trompeuse. D’une démarche souple et nonchalante. Un bruit infime lui parvint, aussitôt son oreille droite pivota et il se figea. Preuve indéniable, qu’il était malgré tout sur le qui-vive. Le bruit infime ressemblait à des voix humaines. Pas comme celle de Loena car son instinct lui hurlait de se méfier. Pourquoi alors se faufila t-il entre les hautes ramures exubérantes? Il se retrouva à nouveau face à la plage dissimulé à la lisière de la forêt une chose immense semblable à une baleine échouée se profilait dans le gris entremêlé du ciel et de l’océan. De grosses vagues venant s’éclabousser sur cette construction étrange comme si elles voulaient le ramener à la mer. Des humains s’affairaient criant et gesticulant avec ce que l’animal savait être de la colère et de la frustration. L’un deux s’approcha très près de lui en déposant un baril qui exhalait une odeur appétissante (probablement du poisson), tout ça sans même se douter de son existence. Le félin attendit un moment et émergea tranquillement de sa cachette, poussé par la curiosité. Il approcha son museau du tonneau (définitivement du poisson), et grimpa dessus ce qui faillit le faire basculer. Un cri d’avertissement se fit entendre et il retourna ses grands yeux d’ambre immédiatement dans une expression perplexe, ses oreilles se rabattirent, et sa fourrure se hérissa. Un jeune humain s’approchait en courant et en hurlant. Pendant une fraction de seconde le kaojia envisagea de s’en aller. Puis le jeune s’immobilisa pour écouter ce qu’un plus vieux non loin de là avait à dire. Il fit des pas prudents pour contourner le piédestal de l’animal qui commençait à sérieusement penser qu’il en avait assez vu. Il bondit pour retourner dans la jungle, mais une douleur fulgurante modifia radicalement sa trajectoire et il s’effondra en poussant un gémissement de souffrance. Le projectile de bois s’était ancrée dans sa chair et l’adulte s’approcha de lui en l’examinant impassible mais fier de son coup. L’orage relâcha à cet instant, sa pluie et son tonnerre.
***
Loena frémit d’horreur sans savoir pourquoi. Il fallait qu’elle s’en aille. Tout de suite!
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