Elles se rendirent à une autre auberge plus petite mais plus accueillante, et prirent une chambre comme à leur habitude. Killian laissa Luna aller doucher et en profita pour nettoyer ses armes ainsi que les affûter.

Quand ce fut son tour d’aller doucher, elle prit son temps pour soigner les quelques coupures reçues et réfléchir. Ce village cachait quelque chose. Le barman avait dit qu’ils étaient obligés. Donc elle déduisait que les villageois étaient forcés de se plier et que quelque chose les retenaient d’agir. Les bandits avaient-ils pris des otages ? Maintenant qu’elle y songeait, elle avait vu peu d’enfants dans les rues. Les bandits avaient très bien pu kidnapper les enfants et faire chanter les autres villageois, avec la menace de tuer les petits. Bordel si c’était ça il était temps d’agir pour les libérer de ce joug injuste.

En sortant, elle regarda Luna qui tirait une drôle de tête. Elle lui donna un billet. Oublier ce qu’elles avaient vu ? Trop tard ! Killian ricana, froissa le papier et le jeta dans sa poche avant d’imiter la jeune fille et d’aller se coucher.

Vers l’aube, elle fut réveillée par un cri et craignit une attaque. Mais ce n’était que Luna. Killian se leva.

-Et si tu me parlais de tes cauchemars ? Ne crois pas que je n’ai rien vu, ce n’est pas la première fois que tu en fait.

Le soleil commençait à poindre à l’horizon et la Marchombre s’assit sur le bord du lit de Luna, attendant sa réponse.

Il y eut un long moment durant lequel Luna réfléchit, prenant soin de formuler sa réponse :

- Tous mes cauchemars ont un point commun, une personne meurs, jamais la même et je ne sais jamais qui est le tueur. Moi-même je n’en sais pas la cause, plusieurs psys m’ont dit que c’était du au traumatisme de la mort de mes parents, mais je n’y crois pas vraiment.

Killian pencha la tête. C’était donc lié à la mort de ces parents. Oui c’était fort possible. Elle-même avait fait des cauchemars après la mort de son bébé.
Mais avant qu’elle ne puisse répondre, la jeune fille c’était levée et avait ouvert la porte, lui demandant si elle venait avant de disparaître dans le couloir. Bon… Killian se leva et la rejoignit donc. Elle avait déjà commandé les petits-déjeuners, c’était bien !

-Je sais que tu ne veux plus en parler mais c’est important. Cela risque de te freiner dans ta vie. Je comprends ce que tu peux éprouver. Le manque, ce vide en toi qui aspire ce que tu es, je connais. Mais tu dois t’en servir pour en faire une force. Ce manque, comble le de souvenirs heureux avec tes parents. Ils peuvent te pousser à aller de l’avant, si tu leur laisse la chance de le faire.

Elle se tut, et la serveuse arriva avec leurs plats. Killian ne revint pas sur le sujet, préférant laisser à Luna le choix de suivre ou non son conseil.

-On va enquêter aujourd’hui. Je pense que les bandits détiennent les enfants des villageois pour les obliger à obéir. Du chantage pur et cruel. Si on trouve les bandits, on trouve les enfants, et on peut les sauver. Mais il faut agir discrètement. En plus, avec la bagarre de hier soir, on doit être surveillées. Je compte sur toi pour trouver des moyens de mener à bien cette mission. Tiens, cela te fera un entraînement. Tu me dis ce que tu pense faire et j’obéirais. Sauf si c’est infaisable, auquel cas je t’expliquerais.

Oui, et ainsi elle pourrait prendre de la confiance en elle. Diriger une mission n’était pas aisé. Mais après plus de quatre mois d’entraînement et d’apprentissage, Luna avait de bonnes bases pour parvenir à prendre des décisions. Et Killian était là pour la rectifier et lui dire quand ce n’était pas très bon ni judicieux.

Luna prit le problème à bras le corps et réfléchit. Killian pendant ce temps termina son repas et but. Et quand Luna rouvrit les yeux, elle sut que son apprentie avait trouvé. Sans un mot elle alla parler à l’aubergiste et revint avec une carte.

Intéressant… et la logique de Luna aussi. Un grand bâtiment isolé. En effet le cercle qu’elle pointait correspondait, c’était à l’écart du village, près des bois.

-Je te suis.

Killian sourit et paya l’aubergiste avant d’emboîter le pas à son apprentie. Elles sellèrent leurs montures et allèrent au trot vers la zone ciblée. Mais non loin de là elles s’arrêtèrent et descendirent. Il ne fallait pas être visible tout de même.

-Prudence.

Devant elles se dressait un long bâtiment type grange. Il semblait délaissé depuis longtemps. Rien ne bougeait aux alentours pour l’heure. Killian vit un arbre dont la branche surplombait l’édifice. En silence, elle fit signe à Luna d’y grimper. D’en haut, elle aurait une meilleure vue des lieux.

Quant à elle, Killian s’approcha du mieux possible de la grange et s’adossa contre. Elle devait vérifier les occupants, s’il y en avait… tout était trop calme. Et puis il y avait surement des sentinelles. Levant la tête, elle observa Luna. A elle de lui dire la suite.

Quand la jeune fille lui fit son rapport, Killian fronça les sourcils. Le bâtiment était mieux agencé que prévu. Elle réfléchit donc.

-Le mieux serait peut-être que tu passes par la fenêtre. Discrètement. Si tu peux, débarrasse-toi des hommes, les assommer suffira, et bâillonne-les aussi. Là tu attends avec les enfants. Moi je passe par la grande porte. Comme ça ceux de devant seront occupés et ne pourront pas répondre à l’appel de ceux derrière.

Elle ne voyait pas d’autre solution. Elles ne pouvaient pas appeler du renfort, les villageois avaient trop peur des représailles et c’était compréhensible. Elle ferait pareil si c’était son enfant. Ou pas. Elle foncerait dans le tas. Se séparant, Killian espéra que Luna s’en sortirait.

Elle-même fit le tour lentement, et une fois contre le mur près de la grande porte, elle tourna la tête pour observer. Un garde. Seulement ? Elle siffla et se plaqua au mur. Le garde ne mit pas longtemps à approcher, épée au clair, prêt à en découdre. Dès qu’il apparut, elle l’agrippa, main sur la bouche, et l’assomma avant de l’attacher. Un de moins. L’installant à l’ombre, elle continua sa route.

Les portes étaient entrouvertes. Killian se faufila à l’intérieur et se cacha. Il faisait sombre et ça sentait le renfermé. Sa greffe l’informa de la présence des hommes et leur position approximative. Il y en avait deux à côté d’elle, trois près de la porte du fond – celle qui devait donner sur la pièce aux enfants – et deux assis dans un coin. Cela en fait sept pour l’heure. Killian choisit la solution risquée mais simple : elle se releva et marcha au centre de la grange comme si elle visitait. Les réactions furent rapides et les bandits l’encerclèrent, lui enjoignant de lever les mains et se laisser faire. Elle sourit, et obéit. Mais naïfs comme ils l’étaient, se délectant de pouvoir profiter d’une femme, ils ne se méfièrent plus autant. Dès que l’un d’eux fut assez proche, elle lui envoya un coup de genou dans les parties, et l’envoya sur son copain. Le combat s’engagea.

Killian pria pour que Luna s’en sorte. Les six bandits lui sautaient dessus et attaquaient simultanément, ce qui n’était pas simple à gérer, mais la Marchombre se coula dans la danse et feinta, para, et attaqua. Elle n’avait guère besoin d’arme et en plus, elle était seule contre tous, elle n’avait pas à faire attention au risque de blesser un allié, contrairement à eux.

Elle écopa encore de quelques coupures légères, mais très vite le nombre de combattants en face d’elle se réduisit jusqu’à ce qu’il n’y ait plus personne. Essoufflée, elle contempla les bandits qui gémissaient au sol, et courut vers la porte.

Elle l’ouvrit, espérant que Luna ait réussit.

Elle s’attendait à tout sauf ça. En ouvrant la porte, elle heurta Luna de plein fouet, l’envoyant au tapis, la main sur le nez. Les enfants rirent sous cape, et Killian les imita bien vite en voyant que son apprentie n’avait rien de cassé. Analysant les lieux, elle vit très vite que Luna avait réussit sa mission avec brio.

-Bien joué Luna.

Elle lui sourit, puis se tourna vers les enfants et leur parla d’une voix douce.

-On va vous sortir de là. N’ayez pas peur d’accord ?

Ils acquiescèrent doucement et Killian ouvrit la marche, laissant Luna la clore, assurant ainsi leurs arrières. Les hommes étaient à moitié conscients quand ils passèrent dans la grande salle. Les enfants se serraient les uns contre les autres, effrayés par leurs kidnappeurs.

Presque parvenus à la grande porte, celle-ci s’ouvrit et dévoila d’autres bandits, armes aux poings.

-Tiens, tiens… qui voilà ? Des fouineuses…

C’était un homme de taille moyenne, à la carrure frêle comparée à ses sbires, mais qui se tenait droit comme s’il était roi. Il émanait de lui puissance, confiance, intelligence et autorité. Le chef de toute cette mascarade.

-Je crois que l’on va remettre les choses au clair.

Il claqua des doigts et ses hommes se déployèrent dans la salle, entourant Killian, Luna, et les enfants qui gémirent, apeurés. Flûte elle leur avait dit que tout irait bien !

-Laissez les enfants partir. Ils sont innocents.

Il se mit à rire.

-La phrase typique ! Pourquoi je les laisserais s’en aller hein ? Si je le fais, leurs parents n’écouteront plus ! Allez embarquez-les et attachez-les solidement ! Fouillez ses dames, elles ont sans doute des armes sur elles !

S’il n’y avait pas eu les enfants, Killian aurait pris le risque de se battre pour se frayer un chemin et fuir. Mais avec les enfants, le mieux était de se plier pour le moment. Elle laissa donc ses hommes les entraîner vers l’autre salle.

Ligotée et désarmée, Killian réfléchissait. La pièce était barricadée par de lourds volets et les deux portes étaient sans doute closes et étroitement surveillées. Les enfants eux, se collaient les uns aux autres pour se rassurer.

C’est Luna qui brisa le silence en parlant au plus âgé, Léo. Grâce à lui, elles purent être libérées et Killian sourit, le remerciant dans un murmure. Elle se leva et observa Luna. Son apprentie en avait fait du chemin tout de même, elle en était fière.

-Je ne sais pas si c’était une bonne idée de tenter d’ouvrir les portes Luna. Maintenant ils savent peut-être qu’on est détachées.

Pas forcément mais il fallait prévoir ce cas. Si ça s’avérait juste, peut-être viendraient-ils vérifier. Ce serait leur chance alors. Sortir par la fenêtre était trop risqué avec les enfants. Killian réfléchissait à toute vitesse et au même moment la porte commença à s’ouvrir. Killian fit chut du doigt et s’approcha, se collant à côté. Dès qu’elle s’ouvrit, laissant voir le bandit, elle l’agrippa et lui frappa la tête contre le mur, le laissant retomber.

-Attendez ici. Luna, protège les.

Elle prit l’épée du bandit et la lança à Luna avant de partir. Tout de suite les bandits l’encerclèrent. Et elle entra dans la danse. Elle n’était pas invincible mais parvint à en mettre trois au tapis avant d’être heurtée à la cheville. Aïe ! Elle boitait, se demandait si sa cheville n’était pas foulée, mais continua le combat. Une épée lui cingla le visage de son plat, et elle crut qu’on l’avait giflée. Elle faiblissait, après tous ses affrontements sans repos. Mais elle devait y arriver. Aussi plongea-t-elle dans la Voie, se laissa transporter, et reprit sa danse. Les bandits ne purent plus grand chose tant elle était vive et rapide. Un à un, ils tombèrent, assommés.

A la fin, il ne restait plus que leur chef qui faisait les gros yeux en voyant une femme à l’allure frêle mettre au tapis tous ses gros bras.

-Ca suffit. Tu vas libérer ces enfants et arrêter ton chantage sur ce village. Le banditisme ne te rapportera rien hormis la prison ou la mort.

-Qui es-tu pour me donner des ordres ?

-Celle qui te laisse une chance de reprendre la vie du bon chemin. Tu as le choix : ou je t’emmène avec moi et on te largue en prison, soit tu pas loin d’ici et tu oublies tes idées de banditisme.

Il gronda, et se mit à fuir. Super. Mais elle ne pouvait pas courir avec sa cheville, alors elle le laissa s’en aller. Il était seul et meurtri dans son amour-propre.

En boitant, elle revint vers la salle.

-C’est bon, vous pouvez y aller, on va vous ramener auprès de vos parents.

Elle sourit et porta une main à sa joue. Putain la gifle de l’épée était violente tout de même. Se tenant au mur, elle attendit que les enfants sortent.

Killian sourit en voyant les yeux de ses enfants briller, et quand Luna lui tendit la main, elle acquiesça. Une sacrée équipe en effet. L’aide de son apprentie ne fut pas de trop pour l’aider à sortir, et elle grimpa sur Taï’Dashar en grimaçant. Elle s’en voulait de laisser des enfants marcher, mais elle en prit un devant elle, et Luna en avait deux sur sa selle. Taï’Dashar se mit au pas du groupe, et tous ensemble ils arrivèrent en ville au bout de quelques heures.

Les parents retrouvaient leurs enfants, les larmes aux yeux, vérifiant qu’ils n’avaient rien de cassé, et Léo retrouva les siens, les aubergistes. Le père leur offrit repas et chambre, en remerciement et excuse pour la veille, et elles acceptèrent avec joie, avant qu’il n’envoie sa femme chercher un rêveur.

-Encore pardon pour hier.

-Ce n’est rien, avec la vie de vos enfants en jeu, je peux tout à fait comprendre. Mais à présent, vous êtes libres de reprendre vos existences en main.

Il lui sourit, et les mena à la chambre. Luna l’aida à s’asseoir et elle la remercia, puis attendit. Le rêveur vint rapidement, et en un rien de temps, sa cheville était guérie, sa joue et ses coupures aussi. Tant qu’à faire, Killian lui demanda d’ausculter Luna pour la retaper également. Elle avait un entraînement à poursuivre !

De nouveau seules, Killian dit à son apprentie :

-Nous allons pouvoir repartir je pense. Mais avant tu joueras avec l’eau de la rivière, jeune fille ! Tu n’y couperas pas !

Elle rit en voyant l’air de Luna, et elles s’installèrent ensuite pour manger. Cette mésaventure avait du bon au final : ça avait permis à Luna d’apprendre beaucoup de choses.