Un fragment du passé refait surface [PV Garrus-Nel]
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Mon personnage Sexe et âge: Femme d'une petite trentaine d'années, MORTE Aptitudes: Guerrière émérite, grande conteuse et bonne résistance à l'alcool.
Neleam
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08.05.16 0:15
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Mon personnage Sexe et âge: Homme - La trentaine Aptitudes: Maître de la lame, maître du combat à mains nues, compétent au lancer de couteaux, compétent à l'arc, compétent au combat à deux lames, compétent en toutes disciplines d'agilité et de discrétion, peu efficace au combat à l'arme lourde.
Garrus Auraya
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15.05.16 2:22
Le guerrier était tenu allongé sur la croix d'acier glacé et rouillé pendant que ses ravisseurs s'affairaient dans son dos. Il ne pouvait regarder que le sol de pierres humides du sous-sol dans lequel il était retenu. Par intermittences, un ruisselet de sang qui cascadait d'une fraîche plaie au torse s'écrasait en silence sur le sol. Une flaque noire s'y était formée au cours des cinq dernières heures qu'il avait dû passer sur l'instrument de torture. Le guerrier ne résistait plus désormais, et attendait sa sentence. Tout d'abord, l'on s'était amusé avec lui. Tout d'abord, l'on avait essayé toutes sortes d'objets de mort sur son corps, et il ne comprenait pas pourquoi il était encore en vie. Des jours, des semaines, des mois entiers passés sous le fouet, à espérer la cicatrisation d'une plaie dont la douleur ne cesse que pour faire place à une autre entaille et la laisser vomir sa bile vermeille jusqu'à satiété de ses geôliers. Mais alors, ils en vinrent à une nouvelle méthode. Un traitement que seuls les objets inanimés ou les êtres déjà morts peuvent tolérer. Le prisonnier entendit quelqu'un s'approcher. Une seconde personne le rejoignit. Il entendit un bruit métallique et obscur. Avec une plaque aux bords affûtés et faite d'un matériau rugueux, ils commencèrent à poncer son dos. Il hurla au premier contact.
Devant ce qui semblait être un feu de campement, une silhouette sombre s'éleva en sursaut, une courte lame à la main. L'homme encapuchonné soupira à la fois de dégoût et de soulagement quand il s'aperçut que le danger n'était pas immédiat. Il se rassit, en tailleurs devant les braises encore chaudes. La tunique ample et noire, boueuse et poussiéreuse qu'il portait ne soulignait pas son corps trop maigre. De son capuchon dépassait une masse inégale de cheveux bruns crasseux de sueur et de sang ainsi qu'une barbe fournie et collante. Des tâches de sang bordaient sa bouche et élargissaient ses lèvres rouges en un sourire hilare et dément. Ses cernes maquillaient ses yeux mieux qu'aucun fard d'Al-Jeit. Son regard tremblant et les spasmes irréguliers de son corps, son visage creusé et sa saleté, sa posture et son allure semblaient être les attributs d'un rescapé, d'un miraculé qui n'aurait pas dû échapper au destin. Pourtant, quand il s'éleva et observa le ciel, l'on croyait observer une sentinelle, un guerrier sur le point de partir à l'assaut, un commandant s'apprêtant à donner l'ordre qui déterminerait l'issue de la bataille. Et l'homme était un peu tout cela à la fois. Autrefois guerrier, erre désormais ; en mission il rencontra son sort et de peu échappa à la mort. Tout le monde devait l'avoir oublié, là où il se rendait. Il y avait trop longtemps qu'il aurait dû être de retour. Alors qu'il ramassait son épée bâtarde, le souvenir encore cuisant de la torture s'imprima une fois encore sur sa rétine, et un feu glacial lui parcourut l'échine. A l'époque, il avait simplement songé qu'ils le torturaient pour le plaisir. Si cela leur arrivait, ce n'était pas le cas de ce jour précis : ils lui avaient retiré une partie de la peau de son dos pour y imprimer un motif. Avec une encre spécifique ils avaient tracé une sorte de tête de loup stylisée sur son dos à vif. Puis, à l'aide d'onguents et de fumées hallucinogènes, il fut remis sur pieds. Peu à peu, la peau recouvrit l'encre en un ensemble diaphane. Il fut ensuite offert comme gladiateur à un chef des hommes-cochons. Leur technique était barbare et absolument insoutenable, mais il fallait avouer que le résultat était unique : un loup à l'air menaçant et aux yeux jaunes semblait flotter sur ses omoplates et prêt à bondir à la moindre occasion. Il était noir, pourtant son encolure était rouge. Ses yeux étaient d'ambre et un éclat de vie l'animait tout entier, comme si le coup de vent tiède qui souleva la toge miséreuse de l'homme encapuchonné avait aussi remué les poils de la bête.
Le sommeil fuyait, et le guerrier n'avait pas atteint sa destination. Alors lui aussi fuyait. Il fut bientôt sorti du bois qu'il arpentait, et la gigantesque plaine qui s'offrait à ses yeux pleins d'étoiles lui redonna espoir. Des mois dans la souffrance, et des semaines à s'en échapper. Depuis qu'il avait fui, il avait à peine mangé, à peine bu, il avait dû vaincre ses poursuivants à plusieurs reprises, survivre aux dangers de la route, affronter l'obscurité, le froid, la peur, l'asphyxie, la fatigue… Il voulait mettre le plus de distance possible entre ce lieu de malheur et lui. Mais il devait aussi revenir au seul endroit où il était possible que quelqu'un l'attende. Et il touchait cet endroit du bout des doigts. A quelques lieues à peine, l'immense citadelle suspendue dominait toute la région. Au-dessus, les étoiles suivaient leur cours tranquille et impassible, comme autant de minuscules pierres scintillantes exposées dans la vitrine d'un bijoutier de renommée et, joyau parmi les joyaux, Al-Jeit elle-même. Il tomba à genoux, l'émotion rappelant à lui l'état réel de son corps. D'une main hagarde il tâta son flanc droit et retira ses doigts couverts de sang. Il grogna et vérifia l'état de son épaule. Le bandage était imbibé, et la blessure était toujours ouverte. Il grogna une seconde fois. Il grogna une troisième fois quand une flèche venue de nulle part vint s'écraser devant lui. Il tourna vivement la tête et aperçut à la lueur de la lune une petite forteresse, trop éloignée pour le toucher à l'arc mais suffisamment proche pour obtenir son attention en tirant au hasard. Des bandits qui se terraient ici et qui agressaient vraisemblablement les passants l'avaient pris pour cible. Ils avaient pris pour cible un chevalier qui revenait de mission. Ils avaient pris pour cible un chevalier qui s'en revenait après une absence terriblement longue et des supplices qu'aucun d'entre eux n'aurait pu supporter. Il se redressa et tira une épée longue suspendue dans son dos. D'un pas calme et maîtrisé, il partit vers la forteresse. Au moment où l'éclat de la lune se refléta sur la lame de son arme, un éclair rugit. Bientôt, une lourde pluie d'été se joignit au tableau. L'eau voilait le paysage et rendait le tir impossible. Le chevalier entendait siffler les flèches non loin de lui, mais il était assuré que les tirs étaient parfaitement aléatoires. De vulgaires bandits comptaient empêcher son retour, et ils allaient regretter de s'en être pris à celui qui jadis exterminait les hommes comme eux, sans aucun scrupule. Arrivé aux portes, le chevalier attendit. Il y avait du bruit derrière les portes, et bientôt elles s'ouvriraient. Quand ce fut le cas, six hommes en arme le chargèrent. Il dansa parmi eux. Ils avaient les cheveux collés au visage et ils peinaient à le voir. Ils s'en remettaient uniquement à leur vue. Après des jours passés dans l'obscurité, l'on apprend à se servir de ses autres sens, n'est-ce pas ? Le chevalier en désarma un, esquiva un coup latéral auquel il répondit d'un coup du talon dans le genou. La jambe visée se tordit d'une drôle de manière. Le bandit se tordit de douleur. Il esquiva encore deux coups, en para un, virevolta autour du bandit et lui planta sa lame au travers de la gorge. Le sang l'éclaboussa, il retira sa lame de la trachée qu'elle remplissait et para de justesse un coup lancé vers son visage. Il contre-attaqua de manière volontairement grossière, un coup chargé, de haut en bas. Les lames s'entrechoquèrent, et pendant un instant les bandits crurent avoir une ouverture. Le chevalier utilisa la force de ses jambes pour faire reculer son adversaire, alors que leurs lames grinçaient encore l'une contre l'autre. D'une main il tint son épée, de l'autre il dégaina sa lame courte avec laquelle il ouvrit le ventre de son adversaire : ses entrailles se répandirent dans un bruit de succion sur le sol frais et fleuri de la plaine. Les trois derniers bandits arrivaient dans son dos. Il se retourna et dans le même mouvement lança sa lame courte, qui se planta dans l'oeil du vieil homme qui le chargeait. Les deux derniers hésitaient. Le chevalier encapuchonné baissa sa garde, la pointe de l'épée vers le sol, les incitant à l'attaquer. Pas un mot ne fut échangé ; l'un après l'autre, ils tentèrent de le toucher. L'un avait une masse ridiculement lente, et l'autre une épée longue manifestement trop lourde pour lui. Il esquiva le coup de masse, détourna l'épée. Il fit un pas de côté pour esquiver à nouveau, puis redressa son épée pour détourner la lame qui arrivait vers lui. Ils continuaient d'essayer, alors qu'ils savaient tous deux qu'ils étaient perdus. Un sourire naquit sur les lèvres du chevalier. Il détourna une autre attaque. Il ricana. Nouvelle tentative, nouveau ricanement. Les bandits tentèrent leur chance une fois de plus. Le chevalier noir éclata de rire. Les deux hommes, enragés, chargèrent ensemble, comme ils auraient dû le faire depuis le début. Une esquive, une feinte, un coup qui sectionna les tendons derrière leurs genoux et les deux homme se retrouvèrent aux pieds du chevalier, qui les tenait à sa merci. Il riait toujours, et toujours plus fort. Il se tourna soudain vers l'emplacement qu'aurait pris un archer qui attendait l'occasion parfaite de lui tirer dessus. Alors le chevalier redressa sa large lame contre laquelle s'écrasa la flèche qui lui eût été fatale. Il se tut un instant, fit mine d'être étonné, et rit de plus belle. En un mouvement désintéressé, il assassina les deux derniers bandits. Il rit à gorge déployée ; les bandits moururent à gorge déployée également. Le chevalier noir était couvert de sang, qui coulait lentement sur lui à mesure que la pluie le lavait de ses crimes. Il se dirigea vers les portes pour attraper l'archer et mettre fin au nettoyage de cette forteresse de misère. Il s'agissait d'un adolescent. Ce dernier l'observait en pleurant, acculé au rempart. Il le suppliait de le laisser en vie, de lui accorder son pardon, qu'il pouvait lui donner ses économies s'il le désirait. Un rictus de dégoût jaillit sur les lèvres du guerrier. De l'argent… ce qu'il voulait, c'était en terminer avec ce cauchemar. Et les bandits avaient retardé son éveil. Il se pencha vers lui et chuchota quelque chose. Le gamin se leva, renifla un « merci » et détala. Il fallait bien que quelqu'un annonce son retour en ville et que commence la légende du chevalier revenu d'entre les morts. Seulement, il ne serait peut-être pas reconnu comme le sauveur qu'il était autrefois. Peu lui importait, le gamin allait sûrement raconter qu'un détraqué encapuchonné avait tué une dizaine de bandits à lui seul, et rien de plus. Il pensait en avoir terminé quand une porte claqua à l'autre bout de la muraille. Un homme, aussi grand que lui, en armure de cuir et une lame courte dans chaque main, s'avançait, les yeux pleins de défi. Ses cheveux étaient noués en une queue de cheval guerrière et il semblait être le danger le plus important du fort. Le chevalier noir fit tourner son épée dans sa main et s'avança pour en finir. Le salaud était rapide, et observa rapidement que le chevalier manquait de mobilité. Ses deux lames étaient un avantage considérable, et il les maniait adroitement. Il tournait autour du chevalier et lui ouvrit trois fois le flanc gauche avant que ce dernier ne décide d'en finir. Tous deux accélérèrent le rythme du combat, et les lames scintillaient dans la nuit. Une large entaille coulait le long du visage guerrier, l'une des lames avait pénétré sa cuisse, et sa gorge avait été manquée de peu, comme l'attestait la coupure qui l'arpentait. Le chevalier noir feinta vers la tête, et comme la fois précédente, son adversaire crut pouvoir l'embroche sur le flanc gauche. Le guerrier bloqua et d'un geste sec, lui trancha la main. Alors qu'il hurlait à la mort, le chevalier lui trancha la tête. Il repartit sous la pluie en direction de la ville.
Les quelques dernières lieues jusqu'à la ville furent particulièrement éreintantes, d'autant plus que le guerrier se vidait de son sang. Passées les immenses portes de la capitale, il dut trouver son chemin vers le quartier-général des chevaliers. Son ordre. Ses hommes. Sa supérieure. Elle avait été sa raison de survivre dans ses moments les plus sombres. Quand toute lumière le quittait, il pouvait voir ses deux grands yeux bleus l'observer, le supplier de ne pas mourir et de revenir. Quand il regardait l'horizon, c'est sa silhouette qu'il voyait au loin et qui lui faisait signe de continuer. Dans le silence assourdissant des battements de son coeur, c'est son rire qu'il entendait. C'est à elle qu'il devait revenir en premier. C'est à elle qu'il devait sa survie. Mais le pardonnerait-elle seulement de ne pas être rentré plus tôt ? Le pardonnerait-elle d'avoir pris si longtemps à se tirer du territoire Raïs ? Le soliloque intérieur fut interrompu quand il se retrouva devant la porte de la fameuse auberge. D'une main pleine de sang, l'autre tenant ses côtes trouées et ruisselant de fluide, Garrus poussa la porte. Il entra dans le bruit, dans la mêlée générale qu'était toujours l'endroit. Il ne reconnut aucun visage. Les temps changeaient, et les chevaliers n'étaient pas réputés pour leur longue durée de vie. Personne sûrement ne se souvenait de lui. Son entrée fut discrète : il n'était qu'un étranger, un nouvel arrivant. Garrus songea qu'on lui adressa alors quelque regard désapprobateur d'avoir ouvert la porte et laissé entrer les moustiques. En vérité, Garrus était immanquable : il était couvert de sang et de crasse et laissait une traînée sanglante sur ses pas. Il était lent. Il était mourant. Il s'appuya sur le comptoir, alors que sa vue se troublait. Il marmonna quelque chose en rapport avec la boisson, sans se rendre compte que presque tout le monde l'observait et se taisait peu à peu. Garrus tenta de mieux s'exprimer mais ses lèvres étaient soudain engourdies et sa langue refusait de se mouvoir. Le sol trembla sous ses pieds et tout fut soudain obscur. Il n'entendait plus qu'un vrombissement sourd provenant de la cohue soudaine qu'il avait créée. Il aurait voulu leur dire qu'il était désolé, qu'il ne voulait pas avoir de problèmes et qu'il ne voulait que boire une chope fraîche. Mais il était tellement fatigué. Tellement épuisé de son long voyage. Il était à destination maintenant, peut-être avait-il le droit de dormir un petit peu ? Il n'entendait plus le bruit de la taverne à présent. Il n'entendait que le bruit de son coeur qui cognait dans sa poitrine. Les battements étaient irréguliers. Et il y en avait de moins en moins. Il était tellement fatigué...
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Neleam
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15.05.16 19:23
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Garrus Auraya
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21.05.16 18:36
Depuis sa geôle sous l'arène, il entendait les acclamations du peuple barbare venu assister au bain de sang. Le bruit sourd le dérangeait. Agenouillé en une position de méditation, il se préparait à son prochain combat. Il inspira profondément et tranquillement. Il bloqua l'air dans ses poumons. Il écouta son coeur palpiter dans sa poitrine et calmement, laissa l'oxygène s'échapper. Il répéta l'opération plusieurs fois. Quand sa respiration fut tranquille et les battements de son coeur réguliers, il se leva. Bientôt les gardes vinrent le chercher et on lui fit porter une armure de cuir qui laissait apparaître le sceau canin dans son dos. On lui remit une épée convenable et un petit bouclier cerclé de fer. Après avoir traversé les corridors sombres sous la menace des gigantesques piques des geôliers, il arriva face à une volée de marches tachées de sang qui menaient au maelstrom. Quand il entama son ascension, une lourde grille s'abattit derrière lui comme pour lui rappeler qu'il ne pouvait faire marche arrière, et que seule sa victoire assurait le retour à l'inconfort de sa cellule. Au moment où il posa le pied sur le sol sablonneux de l'arène, des percussions commencèrent à faire vibrer le sol et les murs, mais il ne broncha pas. L'habitude d'escalader les marches puis d'entendre les tambours annoncer son arrivée rendait ses gestes machinaux. Il quitta l'ombre du couloir et sentit bientôt la morsure du soleil sur sa peau blême. La foule s'agita de plus belle. Garrus leva les bras et salua un peuple qui lui était inconnu. Ces animaux réclamaient la violence et Garrus la leur donnait, en échange de quoi ce dernier était convenablement nourri et on lui accordait un relatif repos. Prisonnier turbulent, il avait plus tôt été envoyé à l'un des chefs Raïs pour se battre pour son divertissement. Ses victoires s'accumulant, il s'était fait une sorte de réputation tragique en ce lieu, et, à chaque combat, il devait lutter plus dur pour s'en tirer. Garrus savait qu'il devait agir bientôt s'il ne voulait pas mourir, blessé à mort, dans la prison humide. Le combat fut rude, mais il y était habitué. On le fit affronter des soldats et des animaux. Le défi était moins important que d'habitude. Alors que Garrus retirait son épée des côtes d'un Raïs, il entendit un pas de course dans son dos. Il se retourna vivement et esquiva le javelot qu'un fantassin qu'il pensait mort tentait désespérément de lui enfoncer dans le crâne. Il le trancha en deux hémisphères inégaux. A ses pieds reposait la lance dont la pointe se réfléchissait au soleil qui entamait sa descente. Au-dessus, dans la tribune réservée aux hôtes d'honneur, trônait le chef. Le problème majeur était qu'une toile de tissu violet était disposée de telle manière que repérer le trône derrière le tissu était impossible, probablement pour empêcher les tentatives d'assassinat. Mais rien ne l'empêchait de tenter sa chance : la tribune n'était pas très loin, et une occasion pareille ne se présenterait plus. Le bruit des acclamations résonnait encore autour de lui, la tension de la victoire était encore palpable. Pourtant son corps était encore raidi de la concentration guerrière du combattant. Il n'avait pas accompli sa tâche. Il empoigna la lance, visa, et en un éclair, tira. Le silence dans l'assemblée et le bruit des chairs arrachées attesta de son succès. Garrus ne comprenait pas le calme qui l'entourait. Il y aurait dû y avoir une émeute, une mêlée générale, les officiers auraient dû tenter d'assouvir leur domination sur le trône ou au moins s'entre-tuer. Garrus avait déjà remarqué que les Raïs changeaient régulièrement de chefs à cause de leur dynamique de coups d’État. Mais alors, on écarta le rideau et Garrus comprit. A la place d'un homme-cochon, une jeune femme se vidait de son sang. Karliah. La jeune femme était proche du chevalier, et avait été capturée avec lui. Tous les hommes de Garrus étaient morts lors de l'embuscade des Raïs, sauf Karliah et lui-même. Ils furent séparés dès le premier jour. Et aujourd'hui, ils avaient encore remporté une victoire sur lui. Il était désormais seul en territoire inconnu où personne ne souhaitait le voir ailleurs que sur ce gigantesque cercle de sable et de sang. Il fut emporté et ramené à sa cellule sans qu'il ne résistât. Les jours suivants furent dédiés à la torture de son corps. Cela ne fut rien en comparaison à son esprit détruit. Il avait lui même assassiné la dernière survivante de son escouade. On l'entendit hurler à la mort pendant les séances de torture qui s'ensuivirent, mais ses cris ne résonnèrent que pour l'unique raison qu'il ne désirait plus exister. Il hurlait car son esprit se désagrégeait, rongé par la culpabilité acide d'avoir échoué du début à la fin.
Garrus se réveilla en sursaut, avec toute la vigueur dont son corps était capable. C'est à dire que ses yeux s'ouvrirent. La première sensation qu'il ressentit fut la quantité incroyable de sueur qui le retenait collé aux draps du lit. C'était inconfortable. Quelqu'un marchait non loin dans la chambre, et Garrus préférait ne pas avoir à tenir une conversation pour le moment, ainsi ferma-t-il les yeux. L'obscurité et le silence envahirent ses sens. Quand il se réveilla la seconde fois, une lumière chaude baignait la pièce et des voix étouffées conversaient, probablement à son sujet. Une porte claqua doucement et il sentit bientôt le passage délicat d'un tissu mouillé et frais sur son visage. La porte claqua une seconde fois et le silence régna dans la pièce, délice dont il tacha de ne pas profiter trop longtemps. Un œil après l'autre, le chevalier tenta sa chance. Il lui sembla d'abord étrange qu'on le laissât seul, mais il s'estima heureux de pouvoir revenir à la réalité par ses propres moyens, par lui même, dans la solitude qu'il chérissait tant. D'un lent mouvement, il observa ses alentours et comprit qu'on l'avait allongé dans une chambre de l'étage. Il ne se souvenait pas de l'endroit en particulier mais connaissait la disposition générale des chambres de l'établissement. L'endroit était accueillant mais plutôt spartiate. Une commode en chêne à sa gauche comportait une toilette, et c'était la première chose que Garrus voulait atteindre. Il tenta une première fois de se lever. Les multiples blessures aux côtes et au torse le brûlèrent avec intensité, et il lâcha un maigre glapissement. Il remarqua en posant une jambe au sol avec difficulté que ses blessures avaient été nettoyées et bandées. Les bandages étaient immaculés. Ses plaies avaient eu le temps de cesser de saigner. Combien de temps avait-il dormi ? Malgré sa faiblesse, il ne songea pas d'abord à trouver à manger, et son désir de revoir son visage pour la première fois en plus d'un an l'emporta sur la nécessité de retrouver des forces. Quand il pensa avoir un appui ferme sur le sol, il tenta de se lever. En dépit de sa maigreur, son corps pesait un poids incroyable et n'était qu'une seule et immense douleur, comme si chaque pas impliquait un effort immense et soulevait une douleur équivalente à celle provoquée si ses muscles étaient remplis d'acide. Il trébucha et se retrouva au sol. Il grogna et s'appuya sur le lit pour se redresser. Malheureusement il agrippa la couverture qui glissa avec lui et fut entraîné à nouveau vers le sol dans un bruit sourd. Il grogna à nouveau, agacé. Plus tard, après deux nouveaux efforts infructueux et beaucoup de douleur musculaire, il finit par tenir sur ses jambes pour finalement s'asseoir sur le tabouret face au miroir à main et au bol d'eau claire qui reposaient sur le meuble en bois. Il n'était pas convaincu que l'image que lui renvoyait la glace était fidèle à la réalité, mais il dut éventuellement se convaincre que cette masse capillaire et ce visage creusé lui appartenaient bel et bien. Ses cernes étaient effrayantes et une balafre lui parcourait le visage, encore fraîche. Garrus se saisit d'un savon artisanal posé là et le trempa dans l'eau jusqu'à ce qu'elle soit trouble et odorante. Il imbiba un pan de tissu et nettoya ses cheveux qui désormais effleuraient ses épaules. Quand il eut terminé, l'eau était presque noire et sa crinière dépossédée de son armure de poussière avait retrouvé une part de son éclat. Comme si l'on avait préparé son réveil, un rasoir en argent trônait à côté du miroir. Il noua ses cheveux en une queue de cheval guerrière et déplia la lame en argent. Il trancha la chaume sombre qui dissimulait son visage. Il mit à nu sa peau blême et redécouvrit la mâchoire dessinée de son visage fin. Observant ainsi son reflet, il crut observer un étranger. Le regard dur et les traits tirés lui semblaient incompatibles avec le sourire qu'il arborait couramment jusqu'alors. L'homme du reflet inspirait la crainte et la cruauté là où l'on attendait l'espoir et la vivacité. Les yeux surtout, exprimaient la douleur. Sur une chaise des vêtements sobres étaient disposés. Il revêtit donc une chemise de lin blanche ainsi que d'épaisses braies noires. Ses vieilles bottes sombres étaient posées là également, unique vestige qu'on lui avait laissé de son voyage aux enfers. Cela lui fit remarquer qu'il n'avait plus aucune arme. Il était vulnérable. Il s'empara du rasoir d'argent et le glissa dans sa ceinture. D'un pas encore incertain, il se dirigea vers la porte : il devait se restaurer et récupérer des forces, il en aurait besoin pour faire faces aux événements qui se précipitaient sans aucun doute à sa rencontre. Avant de tirer sur la poignée, il colla son oreille à sa porte. Il n'entendit personne parler ni marcher dans le couloir. Il se concentra sur son ouïe et n'entendit personne respirer non plus. Sans s'en rendre compte, l'expérience qu'il avait subie prenait déjà le pas quant à sa façon de se comporter. Il guettait les dangers, se tenait prêt à tout et mettait en œuvre des capacités apprises dans la douleur. Pouvoir entendre quelqu'un respirer à travers un obstacle en était une. Il s'immisça discrètement dans le couloir et plus loin descendit les escaliers qui menaient à la salle principale. L'avancée du jour lui fit penser que personne ne devait se trouver dans les cuisines à ce moment et que la grande salle serait vraisemblablement vide. Cette dernière était d'ailleurs étonnamment intacte -à première vue du moins- de tout grabuge de la veille. La taverne était certes marquée et les meubles semblaient avoir souffert, mais nulle trace de régurgitation intempestive ni d'alcool renversé ne salissaient son sol entretenu. Le chevalier déchu boita péniblement jusque derrière le comptoir d'où il se glissa dans la cuisine. Du pain levait paisiblement au-dessus des braises rougeoyantes, de solides morceaux de viande pendaient dans un coin non loin duquel étaient suspendus des gousses d'ail frais, à côté du meuble à épices et du panier à œufs. Il entreprit de s'activer aux fourneaux. Il se composa un repas simple mais conséquent de pain aux herbes, de fromage et de viande. Il fit descendre le tout avec une pleine chope de bière. Il lui sembla qu'il n'avait jamais autant mangé ni goûté de mets plus raffinés. La boisson lui sembla être composée d'une centaine de nuances gustatives différentes qui redonnaient la vie à son corps. Pour quelques instants, le retour à la sécurité le rendit moins anxieux, et il baissa sa garde. Il se rendit alors compte que son réveil ainsi que tout son périple aux cuisines l'avaient vidé de toute énergie. Il écarta les plats devant lui et s'accorda quelques secondes de répit, les yeux clos. Il les rouvrit une dernière fois avant de sombrer dans un profond sommeil et observa les tâches de sang dont il avait marqué le plancher la veille. Il avait perdu tant de sang… il avait encore besoin de repos, songea-t-il en s'abandonnant sur la table.
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Chevalier__Membre
17.01.17 22:36
Quand ses paupières descellèrent ses yeux d'ambre qui reflétaient la douce lueur éthérée de la nuit étoilée, il ne comprit pas. Les secondes s'égrenèrent tandis qu'il acceptait malgré lui que ses sens ne le trompaient pas. Il faisait bien partie de cette réalité que sa vue lui décrivait. Bien vite, il s'aperçut qu'on l'avait ramené à son point de départ : on voulait son bien, on faisait attention à ce qu'il puisse se reposer. Cette pensée lui fit l'effet d'un baume sur son esprit tourmenté, comme la chaleur d'une bougie tenterait de réchauffer un glacier. Le silence de la pièce fit écho à la quiétude de son flux de pensées : il s'était éveillé paisiblement. La douleur corporelle qu'il éprouvait n'était rien face à celle qu'il avait subie auparavant, aussi n'était-ce pas cela qui le faisait réellement souffrir. Non, ses éveils étaient depuis un certain temps dus au souvenir de la torture. Il avait laissé une part de son âme là-bas. Il était revenu changé, et son incompréhension profonde de sa propre obscurité psychique l'effrayait et le réveillait la nuit. Pire encore, il revivait les scènes où il était encore trop faible pour réagir en conséquence. Où il était encore trop faible pour protéger les êtres qui lui étaient chers. Pour les préserver de la douleur de son absence, pour les préserver de la mort. Mais alors, une pensée avait fleuri en lui comme fleurit la rose dans un jardin négligé, séduisante sanguine, harmonieuse par ses formes et gardée par ses piquants acérés ; y avait-il réellement des gens pour qui il comptait encore ? Son œuvre résidait dans le domaine guerrier et était tâchée de sang. Son choix de vie le condamnait à une mort prématurée, s'étonnerait-on de sa disparition ? Peu de temps s'écoulerait avant qu'on ne l'oublie. Ainsi avait-il constaté sa faiblesse : il avait tissé des liens qu'il avait été incapable de préserver. Il s'était pris d'affection pour des gens qu'il était incapable de protéger. Il était sensé incarner la justice, pourtant il était celui qui infligeait la souffrance. Cela devait changer. Il devait changer sa vision du monde, il devait changer son action dans ce monde, ne pouvait succomber à la facilité. Le pardon ne pouvait pas laver sa conscience. Même si cela impliquait d'être un loup solitaire, une lame dans l'ombre, un chevalier noir. Ce serait sa souffrance, son fardeau, celui qu'il n'infligerait à personne d'autre que lui-même. Mais il marchait alors sur le fil : dépossédé de son pouvoir de justice, il ne serait plus qu'un meurtrier. Il serait le Chaos. Un reflet lumineux intempestif le ramena à la réalité. Alors il réalisa que c'était l'absence d'intrusions oniriques dans son esprit qui l'avait dérangé à son réveil. C'était pour cette raison qu'il s'était senti apaisé et avait su profiter de l'instant. La réalité le rattrapa et il décida de précipiter les événements. Garrus devait retrouver Neleam. Elle était son ancre dans le sable mouvant de ses émotions. Elle était la seule qui pouvait le convaincre qu'il n'avait pas besoin de changer de chemin, qu'il avait le droit de vivre avec ses erreurs. Il lui fallait qu'elle le reconnaisse, qu'elle l'accepte et arrange le désordre dont il souffrait.
Il se redressa en s'appuyant sur le matelas de plumes épaisses sur lequel on l'avait allongé. Il posa ses pieds nus au sol. On lui avait visiblement retiré ses bottes. Il tâta promptement sa ceinture : le rasoir était toujours là. La main enfoncée dans l'épais cuir à sa taille, il inspira une profonde bouffée d'air, et l'expira en un soupir lourd de regret. Il regrettait sa transformation : on prenait soin de lui, personne ne tenterait de lui faire du mal, il n'avait pas besoin d'arme. Il avait besoin d'aide et de temps, mais pas de lame d'argent. Pourtant il ne s'en sépara pas. Qui savait quand le hasard mettrait à nouveau les dieux de la mort sur sa route ? S'étant brièvement rhabillé, il s'avança douloureusement vers la sortie. La nuit bruissait encore gaiement au dehors, mais le guerrier avait mieux à faire que de sortir humer l'air d'été, avec son épaisseur fruitée et ses charmes rieurs. Il devait toujours compléter sa mission. Il possédait autrefois une sorte de cabinet, un bureau dans lequel il remplissait nombre de documents officiels ou apposait le sceau officiel de la Guilde des Chevaliers sur d'autres morceaux de tissus abstraits, autant de tâches dont il pouvait se charger pour décharger Neleam de sa quantité importante de travail. Il s'avança dans le couloir sombre du rez-de-chaussée qui menait à ce qui était autrefois son sanctuaire. Il progressait comme dans un rêve, se remémorant, à chaque pas plus précisément, ce qu'était sa vie d'autrefois. Un à un, des instants animés de vie et de couleurs, parfois gris parfois rouges sang, tendres ou saisissants s'emparaient de lui. Il avait le droit d'être ici.
Sa main blême allongea ses longs doigts pour enclencher la poignée. Celle-ci grinça comme après une longue période sans avoir été manipulée. La pièce dans laquelle il pénétra était triste mais élégante. Désertée depuis longtemps, privée de vie, de chaleur et de lumière, rendue morose par l'absence, elle n'en demeurait pas moins sienne. Il retrouva les lieux tels qu'il les avait laissés, seulement, drapés d'obscurité et de solitude. En face de lui trônait son massif bureau de chêne, rangé avant son départ puis épousseté à répétition par les chevaliers de corvée. Derrière le fauteuil en bois sombre décoré d'entrelacs argentés, une majestueuse cheminée occupait une place majeure, et était secondée à gauche et à droite de deux bibliothèques s'élevant jusqu'au plafond. Juste devant la cheminée se trouvait également une meule comme on en voit chez les forgerons, qui servait à affûter ses lames entre la rédaction de deux lettres adressées à l'empereur. Garrus prit un instant pour s'asseoir à son bureau. Un halo céleste se faufilait à travers deux meurtrières à sa gauche, et se voyait réfléchi par les murs de pierre. De son trône il pouvait voir les râteliers qui soutenaient habituellement une collection singulière d'armes personnelles, sur le mur à droite de la porte. Un reflet métallique attira son regard vers sa gauche. Entre deux armoires et disposé sur un élégant tapis de fourrure d'un quelconque prédateur qui avait tenté d'atteindre à sa vie se trouvait un mannequin d'ébène. Il se souvenait de la commande qu'il avait passée au sculpteur qui avait envoyé son fils prendre les mesures. Il se sentit vieux. Sur ce mannequin, il y avait une tenue complète. Un ensemble noir, d'une fabrique exceptionnelle. Celle qu'il avait toujours privilégiée, celle qui l'avait toujours protégé. Le guerrier se dressa sur sa chaise et s'en approcha. Du bout des doigts il caressa l'étoffe, mais bientôt son geste fut interrompu par une protection en cuir. Cette tenue était une réponse parfaite à son goût de l'élégance sombre et des nécessités qu'un combattant a de pouvoir faire face au pire. Instinctivement, il tendit le bras et posa la main sur l'épaulière de vargelite qui accompagnait la tunique, comme s'il saluait un vieil ami.
Alors qu'il s'éloignait pour revenir à son bureau, il se retourna une dernière fois. Dans la lueur de la nuit, l'armure semblait forgée dans un ciel étoilé.
Un certain nombre de longues minutes plus tard, un feu éclairait et chauffait l'endroit. Une bouteille d'encre scellée et une plume taillée patientaient aux côtés d'un tas de feuilles neuves. Il passa les heures suivantes enfermé dans la pièce, et quand il eut terminé, il ne restait du feu qu'un amas de braises et de cendres ardentes. Il faisait toujours nuit, mais l'air se faisait plus léger. Un nouveau jour pointait à l'horizon. Pour la première fois depuis longtemps, Garrus signa un document et y apposa le sceau de la guilde. Entre ses mains se trouvaient, scellées, une liasse de pages noircies d'encre et de souvenirs brûlants. Il y avait détaillé toute son aventure, depuis le jour de son départ. Il n'avait rien omis, ni sa défaite ni sa soumission. Les tortures étaient explicitées également. La perte de son escadron d'élite également. Il n'avait mentionné aucun détail inutile lié à un quelconque état d'esprit, mais avait néanmoins été précis dans son rapport. Le chevalier se sentit vidé d'avoir retracé psychologiquement le chemin qu'il avait parcouru avant de se retrouver ici, et maintenant lourd de questions et de ressentiment, il entreprit, avant de remonter gagner son lit, de faire le vide dans ses pensées.
Sur le râtelier d'armes quelques pas plus loin, il restait une épée. Une seule, que personne n'avait estimé important d'entretenir ou de déplacer. Sa mort ayant été présumée, les chevaliers qui le connaissaient avaient vraisemblablement hérité de ses biens guerriers, et il le comprenait. Peut-être que l'une de ses lames avait même été transmise à une nouvelle recrue, et que le sang avait été versé en son nom. Mais une unique arme demeurait. Une arme de bonne facture, simple et équilibrée. Une épée en acier, longue, maniable à une main. Elle avait fait couler beaucoup de sang, et en avait accueilli beaucoup également : Garrus avait déjà eu l'honneur d'adouber de nouvelles recrues avec cette épée. Elle était unique dans sa simplicité, fidèle à son détenteur et ne l'avait jamais déçu. Il l'extirpa de son reposoir et fendit l'air. Légèreté, rapidité. Il transperça une cible imaginaire. Elle filait, extension du bras du chevalier, aussi rigide que celui-ci. Il exécuta quelques moulinets avant d'évaluer son équilibre. Parfait. Il résonna bientôt dans la sale un bruit strident de roue mal huilée. Le métal grinçait contre la pierre à affûter qui tournait et tournait sans s'arrêter, ravivant la lame de son tranchant d'autrefois. Alors que les premiers rayons du soleil pointaient à l'horizon, une goutte de sang perla du pouce de Garrus qui arborait un sourire de satisfaction face à l'épée scintillante qu'il tenait droite face à lui. Alors seulement il se releva, épuisé et courbaturé d'avoir tant agi en une nuit de supposée convalescence. Il se saisit du document scellé, passa sa lame au fourreau qui l'accompagnait puis se dirigea vers la porte. Quand il claqua la porte derrière lui, le mannequin était nu, recouvert d'obscurité.
Un long silence accompagna son sommeil et, si son précédent repos lui avait semblé tranquille, celui qu'il connut ce matin là fut sans égal. Il avait accompli sa mission. Bientôt, il saurait quoi faire. Il allait revoir Neleam. Alors il ne rêva pas, et se réveilla doucement, sans rapidité, attentif aux sons sourds et aux vibrations en provenance de la salle à vivre en dessous. Il n'avait pas la moindre idée de l'heure qu'il était, les volets étaient fermés, et il n'était pas certain de vouloir s'exposer à la lumière, ou à l'obscurité de la nuit dans l'éventualité où son repos aurait duré un cycle diurne complet. Ses yeux, de toute façon, s'adaptaient parfaitement à l'obscurité, même quand celle-ci se faisait dense. Il voulait se laisser le bénéfice du doute et flotter, pour un temps encore, dans un monde d'invisibilité et d'intemporalité. C'est dans le noir qu'il revêtit sa tunique de chevalier d'autrefois et qu'il boucla le ceinturon duquel pendait l'épée retrouvée, dans le noir qu'il s'humidifia le visage d'eau fraîche tirée d'un cruchon et d'un bol vide, qu'il arrangea sa coiffure et se rendit présentable. De longs cheveux sombres caressaient le cuir mat de sa tunique, entourant son visage sculpté dans le marbre. Ses sens l'avertirent que des pas, souples, mais audibles, s'étaient arrêtés devant la porte ; il ne put empêcher sa main de rejoindre la poignée de son épée. Alors, il s'avança sans bruit, jusqu'à la porte. Il sentait que quelqu'un se trouvait à quelques pas de lui, la pression traversait l'air et les murs. Il posa sans attendre plus longtemps sa main sur la poignée. Il ouvrit énergiquement la porte, ne supportant plus d'attendre. La porte ouverte devant lui, il se glaça. Une paire d'yeux bleus, comme brillants, l'observaient, du haut d'une silhouette féline. Un sourire pâle sur le visage, Garrus tira la liasse de feuilles noires de sa ceinture et la tendit à sa supérieure, le sceau officiel de la Guilde, dessiné dans la cire rouge, en évidence. Il ne pouvait quitter la femme des yeux, happé, fasciné par l'océan de saphir illuminé qui lui retournait son regard.
« Garrus Auraya. Au rapport. »
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Mon personnage Sexe et âge: Femme d'une petite trentaine d'années, MORTE Aptitudes: Guerrière émérite, grande conteuse et bonne résistance à l'alcool.
Neleam
Chevalier__Admin
20.01.17 23:07
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Mon personnage Sexe et âge: Homme - La trentaine Aptitudes: Maître de la lame, maître du combat à mains nues, compétent au lancer de couteaux, compétent à l'arc, compétent au combat à deux lames, compétent en toutes disciplines d'agilité et de discrétion, peu efficace au combat à l'arme lourde.
Garrus Auraya
Chevalier__Membre
21.01.17 1:45
Comme elle est admirable, celle qui pleure le combattant disparu. Plus magnifique encore celle qui pleure son retour. Un ruisselet de perles cristallines miroitait sur ses traits blêmes d'incrédulité. Un filet de sel se répandait sur ses joues à mesure que l'air chargé de sentiments imprononçables osait à nouveau s'aventurer par le bout de son nez rougi comme par un froid glacial. En ouvrant cette porte, il avait libéré un blizzard d'émotions contradictoires, et se retrouvait lui-même plongé dans l'obscurité de l'incertitude. Avait-il seulement le droit d'effleurer sa peau délicate de ses doigts impurs, lui qui lui avait infligé tant de souffrances ? Etait-il seulement en droit de se tenir face à la reine de ses songes ? C'est alors qu'il réalisa qu'il avait élevé sa main au niveau du visage de la brune aux yeux de glace qui se tenait devant lui, comme pour lui adresser une tendre caresse de compassion. Sa main tremblait. Son corps entier tremblait. Il puisait sa force de l'espoir de revoir cette femme ; sa faiblesse provenait du fait qu'elle se tienne enfin face à lui. Elle l'avait reconnu, de cela il était certain. Il franchit le pas qui les séparait et se sentit comme au-dessus d'un gouffre sans fond. Il susurra, d'une voix plus grave que celle qu'il se connaissait.
« Je suis rentré. » Il eut du mal à prononcer la suite. Quelque chose d'humide parcourut ses traits sculptés par la douleur. « Je suis parti… il y a trop longtemps. »
De sa stature, il dominait la jeune femme, pourtant il se sentait écrasé par sa présence. Il ne se sentait pas le droit de lui infliger aucune douleur que ce soit. Avait-il fait le bon choix ? Son retour avait rouvert une plaie profonde : elle s'était évidemment fait une raison, elle avait fini par accepter qu'il était mortel et qu'une quête finirait par avoir raison de lui. Mais il était revenu. Il avait agi. Il était bien trop tard pour revenir en arrière. Les secondes s'égrenaient à mesure qu'il levait les mains vers le visage de la guerrière. Il crut percevoir un semblant de mouvement de recul, mais, compréhensif, ne s'arrêta pas. Il, autant qu'elle, avait besoin de ce contact. Avec toute la délicatesse du monde il sécha ses larmes. Quand ses doigts fins touchèrent enfin sa peau, quand il saisit son visage comme une merveille fragile susceptible de lui échapper à tout instant, il clôt les yeux. Chaque instant lui était plus précieux que toute la liberté qu'il avait pu éprouver alors qu'il s'échappait de sa prison de feu et de sang, quelques semaines auparavant. Aussi faible qu'il était, il amena le visage de Neleam contre sa poitrine, et bientôt ils se fondirent tous deux en une étreinte de chaleur, un entrelacement de passions contenues trop longtemps. Reposant sa tête sur la sienne, le nez enfoui dans ses cheveux rebelles, il huma son parfum si singulier. Alors qu'il se plaisait à contempler l'éternité dans la présence-même de sa belle guerrière, il sentit en lui comme un déchirement. Il rouvrit les yeux pour constater qu'il ne voyait que le néant. Le monde s'écroula autour de lui, et, puisant dans les quelques fragments de conscience qui luttaient encore, pria sincèrement pour ne pas se vider de son sang dans les bras de son aimée.
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Autre(s) Compte(s) : Caym Cali
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