Cher Jilano,

Cela fait bien longtemps que j'hésite à vous adresser cette missive. Oui, j'hésite, je doute, je tente de me raisonner. Pourquoi écrire à un mort ? Pourquoi écrire à un inconnu ? Pourquoi vous écrire ? Peut-être me posais-je trop de questions... Néanmoins, des réponses me sont parvenues petit à petit ; écrire à Jilano Alhuin ne peut être le fruit du hasard !

Qu'ai-je dis ! Écrire à un mort ? Quel mort ? Après tout, Jilano Alhuin est un chevaucheur de brume; qui dit que ses cendres ne sont pas devenues brume ? Qui ne ressent pas sa présence en pensant à lui ? Qui le pense définitivement rayé du registre du monde ? Pour qui a connu cet être d'exception, cela paraît insensé. Il doit bien rester une part de lui qui erre parmi de fines bandes de brume... C'est pour le coup ce que je pense, et comme vous êtes du genre à rester dans les mémoires, je crois pouvoir affirmer sans proférer d'inepties que vous ne mourrez jamais. Il s'agit peut-être d'une chimère, d'un souhait irréalisable, mais je suis du genre rêveuse... Tout porte à croire que vous adresser une missive n'est donc pas totalement absurde.

De plus, je ne pense pas écrire à un inconnu. Non, j'ai appris à vous connaître, chevaucheur de brume, à travers les mots. À travers vos voyages, vos quêtes, vos bonheurs, vos malheurs... À travers votre histoire. Je ne l'ai pas découverte au début, je n'en ai malheureusement pas eu le loisir. Je n'ai commencé à suivre votre histoire que vers la fin : vous aviez déjà vécu tellement de choses quand vous avez rencontré Ellana ! Mais malgré mon arrivée tardive, j'ai eu tout le loisir de profiter de vous jusqu'au couchant. Si vous saviez combien je me délecte de vos aventures ! Au moins, je vous qualifierais de connaissance, au mieux, d'ami intime. Évidemment, ces appellations ne sont pas réciproques étant donné que vous, vous n'avez jamais aperçu ne serait-ce que la couleur de mes yeux...

Enfin, je vous écris car je vous admire. Vous êtes pour moi une source d'inspiration, d'une part pour votre idéologie, d'autre part pour votre façon d'être. Vous me direz que votre idéologie n'est autre que celle des marchombres en général, et c'est vrai que j'aime cette manière de vivre. Cette liberté, cette poésie. J'écrivais déjà des vers avant de découvrir les marchombres, mais ce n'étaient que de simples rimes comme peut en faire tout enfant, maintenant, cela représente bien plus dans ma vie. Les marchombres m'ont ouvert à une grande liberté d'écriture, mais également à un tout nouvel état d'esprit. Chercher à se dépasser soi-même et non les autres, suivre sa Voie, saisir sa liberté lorsque l'occasion se présente... Être libre, de corps comme d'esprit. Mais justement, les marchombres sont des êtres libres, et interprètent donc leur liberté de multiples manières. Vous saurez certainement où je souhaite en venir : l'interprétation de l'idéologie marchombre sur laquelle je prends exemple n'est autre que la vôtre, Jilano ! J'aime cette manière avec laquelle vous voyez la liberté, votre harmonie avec la nature. Et surtout, Jilano, votre aura de mystère me fascine.

Voilà pourquoi je désirais vous écrire, maître marchombre. Pour coucher sur le papier tous mes sentiments et impressions qui vous sont destinés. En effet, voyez-vous, il se peut que vous trouviez cela ridicule mais je vous considère comme un mentor. Vous m'avez guidée sur la sinueuse route de la vie en m'apprenant la pensée et la réflexion, mais sans jamais me faire escalader des montagnes ou combattre. Si n'être marchombre que d'esprit est possible, je pense que c'est ce but que j'aspire à atteindre ; car malgré ma détermination, je n'ai pas les capacités physiques nécessaires pour en devenir une à part entière. Apprendre de vous est pour moi une véritable ouverture sur la vie. C'est pour cela que, depuis le début, je ne voulais écrire cette lettre que pour vous remercier de tout ce que vous m'avez légué.

Merci Jilano. Merci pour tout.

Axelle, votre présomptueuse mais sincère élève autoproclamée.

Post-scriptum : Un soir d'hiver, je lirai cette lettre à la bise glaciale, puis je la brûlerai et disperserai ses cendres au vent. Ainsi, peut-être mes mots vous trouveront-ils un jour, Jilano. Si ce n'est pas le cas, cette lettre aura au moins eu le mérite de me soulager de bien des pensées.

Enchanté, cher Monsieur Fourque.
   Je parcours Gwendalavir depuis quelques dizaines d'années, pourtant l'histoire de cette jeune fille que vous avez recueillie et aidée il y a sept ans de cela demeure aujourd'hui encore la plus extraordinaire qui soit. Une histoire qui n'aurait pu être contée dans la joie et la bonne humeur sans votre intervention.
   Si je vous écris ces mots, c'est pour vous conter combien votre apparition dans cette épopée m'a secoué, c'est pour vous conter combien j'aimerais vous rencontrer pour que nous échangions quelques sages paroles autour d'un modeste vin de noix. Je vous rassure, à ce sujet, je ne dispose pas d'autant de capacités impressionnantes qu'Ewilan, aussi ne me risquerai-je pas à faire apparaître de nulle part une bouteille de saint-émilion grand cru 89.
   En revanche, je sais votre amour pour la nature ; et je comprends mieux que quiconque, malgré mon jeune âge à vos yeux, que vous ayez souhaité vous éloigner des hommes ; alors je pourrais éventuellement vous montrer mes talents propres, voyez-vous je suis fleuriste et je prétends en ce domaine surpasser notre éblouissante source d'inspiration aux yeux violets.
   J'aime aussi les bêtes ; vos chèvres ne sauraient me déplaire ! Au Japon - car c'est là d'où je viens - nous avons des saros : ils sont un peu différents, mais on les élève de la même façon. Je n'ai pas encore eu l'occasion de revenir sur Terre depuis mon irruption en Gwendalavir, mais la faune et la flore française, ainsi que les paysages occidentaux m'interpellent et attisent ma curiosité. J'espère sincèrement que le moment venu ne viendra pas trop tard : sans grossièreté aucune, j'ai connaissance de vos quatre-vingt quatre printemps et des conséquences qui en découlent.
   Vous êtes bien plus qu'un simple berger, Maximilien, vous êtes le héros caché de l'histoire, le sage dont chaque parole a été à la fois un baume pour les plaies d'Ewilan, une leçon de vie pour le jeune Salim et un écho de ma propre pensée. J'espère pouvoir trouver la paix intérieure comme vous l'avez fait. Vous êtes bien plus qu'un simple berger : vous représentez l'achèvement de toute une vie.
Respectueusement vôtre, Kanjou Uzumaku.

Chère Ellana c'est avec appréhension que je vous écrit ces quelques lignes.
 Enfin je dis "vous" je devrais peut être dire "tu". Vous/tu ne savez/sais pas qui je suis, je suis une parfaite inconnue, vous ignorez tout de moi. 
De mon aspect général à ce qui rythme mon esprit (enfin vous/tu devez/dois vous/te douter que ce n'est pas toujours très harmonieux) mais moi je vous suis depuis très longtemps, depuis mes huit ans lorsque petite fille mon regard c'est posé sur une pile de livres que mon grand-frère avait mise de coté et que l'enfant que j'étais a saisi un livre assez épais avec pour couverture deux adolescent dans une foret agressés par une immonde bestiole; croisement entre un lézard-géant et une mante religieuse. Et cette petite enfant c'est assise sans savoir ce qui l'attendait et elle a voyagé. 
Elle a dévoré les mots inscrit sur le papier, sans saisir tout ce qu'impliquait l'histoire qu'ils comptaient mais dans son jeune esprit ils se lovaient, il se faisait une petite place bien confortable auprès de bien des choses qu'elle avait lue et vue sans bien comprendre mais qui c’étaient elles aussi logées tranquillement dans son esprit.
Là bien ancrées des choses comme les aventures d'un chat noir et blanc anthropomorphe dans les Etats-Unis des années cinquante, les aventures hilarantes d'une bande d'aventuriers bras-cassés pour récupérer une statuette dans un donjon, les mythes grecs et romains, l'histoire d'un jeune sorcier à lunettes et j'en passe.
Ils attendaient patiemment que la fillette en grandissant se replonge en eux. Quand elle serait plus grande. 
Et Bjorn, Salim, Edwin, Maître Duom et une marchombre répondant au nom d'Ellana en faisait partis. j'ai suivi vos aventures, je ne les aient jamais lâchées, elles ont pris une dimension nouvelle avec le temps c'est tout.
Sans le savoir tu, je te côtoies depuis trop longtemps pour le vous je me rends compte, m'a accompagnée dans toute mon enfance et mon adolescence qui aujourd'hui s'étire doucement vers sa fin (mais faut pas se mentir je reste objectivement une sale gamine inexpérimentée bien loin d'une adulte responsable, et ça ne me presse que moyennement on va dire...).
Tu es avec le recul une des figures féminines qui m'a marqué et enseignée beaucoup de choses, et il le fallait pour compenser le Barbies,les Winx (demande à Ewilan pour plus d'informations à tes risques et périls) et autres qu'ont me balançait comme modèles à la face sans aucun remord.
Je n'ai pas eu une enfance et une adolescence super agréable avec les autres enfants, pour un tas de raisons que je n'exposerais pas ici, mais je trouvais toujours refuge dans les autres mondes, ceux d'encre et de papier, de dessins et de rêves. 
Je prenais la route, et celle que j'ai parcourue avec toi  est l'une des plus importantes, des plus belles qu'il m'a été donné d'arpenter. Sans doute la plus magnifique que j'ai vue au fond. 
Parce qu'elle m'a montré une porte,parce que une personne souriante et lumineuse m'a donné une clef à travers ses mots. Elle l'a posé au creux de ma petite paume d'enfant, m'a chuchoté à l'oreille doucement "Vas-y explore je serais là pour te guider. N'ai pas peur", et l'a fait. Elle m'a guidé m'a montré les merveilles de son monde, m'a offert un refuge, un endroit où j'ai put prendre de quoi me construire.
Un endroit dont j'ai rêvé, dont je rêve encore, m'a présenté une myriade de personnages que j'ai suivi avec toujours plus de plaisir. Dont toi Ellana. 
Et puis un matin comme beaucoup je me suis retrouvée seule, en pleurs. Sans vraiment pouvoir y croire, j'ai toujours du mal à y croire. Mon guide était parti, en un instant envolé. J'ai beaucoup pleuré,et je pleure encore lorsque je vais trop loin dans le livre et que tombe sur la petite biographie.
Mais même si le guide a dut s'absenter, il nous a laissé son monde et ses merveilleux habitants. Il a laissé la porte grande ouverte.
Et aujourd'hui c'est avec plaisir que je parcoure encore les plaines de Gwendalavir, que j'admire Al-Jeit et la Citadelle et que je rêve de chevaucher la brume.
Et tu n'y es pas pour rien. Ellana merci pour tout.
Merci, pour m'avoir accompagnée durant tout ce temps, pour être aussi formidable et être ce modèle pour l'enfant que j'étais et ma jeune fille que je suis et la femme que je serais.
J'ai conscience que ma missive est quelque peu décousue mais c'est que je ressens.

Je ne vous oublie pas, Affectueusement  Luned Avalon.