Monsieur De Clouves, libertin reconnu, désire séduire Mademoiselle de Leyers, une jeune fille de la très haute bourgeoisie. Naïve et ingénue, la belle ne se doute pas de l'emprise qu'elle exerce sur notre amoureux transi.



Paris, ce 22 octobre 1756


"Chère Mademoiselle de Leyers,

Je vous écris cette missive, que dis-je, cette énième lettre afin de vous prouver tout mon amour. J'ai besoin de vous. Cette nuit m'a parue longue, sombre et sans fin. Je n'ai pas fermé l'œil tant je pense à vous. A votre sourire. Votre rire. Votre visage délicat qui ne demande qu'à s'épanouir sous mes caresses. Mon âme toute entière résonne de cet amour intarissable que je vous porte et que vous ne voyez pas. Mon corps tremble lorsque vous me frôlez, dans votre naïve inconscience d'un simple inconnu à côté duquel vous passez.

Puis-je espérer une quelconque réaction de votre part ? Puis-je me bercer de cette douce illusion d'une réciprocité de nos sentiments ? Rejoignez-moi que je puisse mourir dans votre regard, votre regard brillant de vie. Jamais je n'ai ressenti une émotion si douce et si merveilleuse. Si dévastatrice. Elle m'empêche de vivre en paix. Ne m'abandonnez pas et venez à moi. Ce ne sont là que des mots, mais sachez qu'ils contiennent une part de moi.

Permettez-moi d'appuyer ma demande par deux tercets de Pierre Ronsard :

"J'ai beau pleurer, protester et jurer,
J'ai beau promettre et cent fois assurer,
Qu'autre jamais n'aura sus moi puissance,

Qu'elle s'ébat de me voir en langueur,
Et plus de moi je lui donne assurance,
Moins me veut croire, et m'appelle un moqueur."


Je dois interrompre cette lettre. La bougie n'éclaire plus suffisamment ma feuille, mes mains sont fébriles en relisant mon courrier. J'espère que vous saisirez l'ampleur de mes mots et comprendrez la véracité de mes propos. Jamais je n'ai prononcé ou écrit ces mots pourtant si simples…je vous aime."


Monsieur De Clouves