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À la lueur de nos mensonges [PV Ethan et Ari]
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08.07.13 12:27
Ari ne courrait pas pour s’amuser, non, la vérité était qu’il fuyait. Ce qui était devenu une sorte d’habitude pour lui, quand bien même il se refusait de l’avouer. Ses pas frappaient avec force et détermination les pavés luisants d’Al-Far, ses yeux recherchaient désespérément une issue éventuelle, tout son esprit était occupé à la préparation d’un plan de secours, n’importe lequel qui puisse le tirer de cette affaire qui, d’une certaine manière, avait fini par mal tourner. Ari ne connaissait pas Al-Far aussi bien qu’il l’aurait dû ; s’il avait pris le temps et la peine de jeter ne serait-ce qu’un misérable coup d’œil à la carte de la cité, il aurait pu espérer se souvenir tout à coup d’une adresse, une auberge ou un bâtiment officiel qui lui aurait servi de refuge. Mais non, rien, il avait préféré croire qu’il ne resterait pas assez longtemps pour avoir des ennuis ; d’où les quatre hommes armés jusqu’aux dents et au-delà qui le poursuivaient en envahissant l’air de leurs exclamations rageuses. Ces cris étaient absolument ridicules et inutiles aux yeux d’Ari, qui saisissait à force de course-poursuites effrénées la nécessité d’économiser son souffle. Cependant, ils servaient d’annonce aux passants. Ceux-là s’écartaient précipitamment à leur arrivée, emportant avec eux à l’abri leurs biens et leurs familles, enfants comme vieillards. Ari songea vaguement qu’ils devaient avoir l’habitude…

« Mais que quelqu’un l’arrête, ce sale voleur ! hurla quelqu’un, quelque part dans son dos mais personne ne broncha. »
Pourquoi faire ? Ari courrait assez vite pour les semer ; bientôt, il finirait par trouver la sortie de la ville, et n’attendrait pas qu’on le rattrape pour continuer sa route jusqu’au sud. Il ne se sentait pas à son aise dans ce dédale de rues suintant la pauvreté et la médiocrité, et le poids du couteau volé dans sa poche commençait franchement à l’agacer. Il ne parvenait pas à comprendre les raisons d’un tel acharnement, lui-même n’ayant subtilisé l’objet que pour se moquer de son infortuné
ex-propriétaire, un marchand à l’air trop honnête pour l’être tout à fait. L’homme, qui n’était au fond que l’énième ressortissant d’une espèce terriblement banale à Al-Far —les arnaqueurs— affirmait crânement à une de ses clients que le manche du couteau de cuisine qu’elle tenait en main était taillé en véritable os de tigre des prairies. Bien sûr, s’était dit Ari, et moi je suis le confident particulier de l’empereur Sil’ Afian ! L’instant d’après, l’ustensile, fruit de toutes les spéculations mensongères, était à lui pour rien d’autre qu’un effort minime ; il lui avait suffi de tendre le bras par-dessus l’épaule de la cliente, s’en était emparé facilement et presque sans aucune résistance. Le marchand n’avait même pas eu le temps de voir son visage, Ari en était persuadé.

« Hé ! pensa-t-il soudain comme une illumination tardive. S’il n’a pas vu mon visage, je n’ai qu’à m’en débarrasser et accuser le premier venu à ma place ! Puisqu’ils tiennent tant à un coupable, je me ferais un plaisir de le leur offrir, surtout si cela assure ma propre sécurité en retour… »
De toute façon, ce n’était pas comme si le couteau avait une quelconque valeur à ses yeux, ou à ceux des autres ; sa vie et son périple jusqu’à la mer qu’il devait à tous prix achever étaient au moins mille fois plus importants. Au moins.


Le coupable idéal se présenta, tapi parmi les ombres d’une ruelle, sous la forme d’un garçon à l’âge incertain. On distinguait à peine les traits de son visage tant il était noir de suie, de crasse ou de cendres. Ari n’aurait pas su le décrire précisément. Ses vêtements, simples bouts de tissu récupérés du mieux qu’on l’avait pu, flottaient autour de sa petite carcasse maigre. Son souffle était lourd, il était très certainement malade. Mais il avait surtout l’air de quelqu’un qu’on s’est obstinés à poursuivre à travers toute la ville sans aucune hésitation malgré sa jeunesse évidente. Un court instant, Ari ressentit comme un sursaut de pitié, se demanda s’il était juste d’imposer à un tel fardeau au gamin et —et de nouveaux hurlements de rage retentirent derrière lui. Alors il attrapa les mains de l’enfant avec sévérité et lui confia le couteau, souriant égoïstement, lâchement.

« Il est à toi désormais. Cadeau. »
Cadeau empoisonné, oui !

Une seconde plus tard, il prenait place derrière un étal garni de fruits trop mûrs que le propriétaire avait abandonné à l’entente des aboiements furieux des chiens de garde qui lui collaient au train. D’un ton serviable mais légèrement ironique, il avertit ces derniers que leur petit voleur s’était réfugié dans cette ruelle misérable, juste là à leur droite, ce coin d’ombre qu’une bande de joyeuses canailles devaient avoir élu comme repaire. Et, tandis qu’il s’éloignait discrétement, soulagé d'un poids, il entendit une dernière fois le rire gras, indubitablement satisfait, des colosses rassemblés en une meute infernale autour de l’enfant.

« Pauvre gosse, tout de même ! Je suis immonde, songea-t-il en se passant une main lasse sur le visage. » Mais ce n’était plus son affaire, maintenant…
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09.07.13 19:17
Il y avait très longtemps qu’Ethan n’était plus venu à Al Far ; à dire vrai, probablement depuis qu’il s’en était allé, laissant sa sœur se débrouiller avec son imbécile de compagnon, qu’il ne supportait pas. La ville était pour lui terrain connu, un terrain de jeu et de chasse silencieuse, mais en aucune façon un lieu de larmoiements apitoyés ou d’une quelconque recherche d’un passé dont il ne se souciait pas vraiment à l’heure actuelle. Il n’avait pas oublié sa sœur, pressentait qu’un jour peut-être il aurait besoin de la retrouver, mais pour le moment il n’y songeait même pas, et seul son inconscient lui dictait ces réflexions qu’il ne savait pas même lui avoir au fond de son esprit. Il faut dire que l’esprit d’Ethan était suffisamment tortueux et obscur pour s’y perdre facilement. Il semblait lumineux quand il parlait, personne ne s’en rendait donc compte cependant.

En attendant, il venait d’accomplir une mission sur les détails de laquelle il n’est que peu intéressant de revenir ici ; il l’avait achevée, voilà tout, et venait de toucher sa paye. L’air manquait de légèreté, il s’était donc posé à un bar, un verre à la main, et, l’air de celui qui se fiche royalement d’à peu près tout, il ne perdait pourtant pas une miette de tout ce qu’il se passait autour de lui. Al Far était pour lui familière, comme une amie d’enfance en un changement perpétuel et étourdissant qu’il était très amusant de retrouver, si semblable et pourtant tellement divergente de celle qu’il avait connue bien des années auparavant.

Son sens acérés, et en éveil du fait de l’intérêt certain que lui procurait la redécouverte de la ville qui avait vu naître son être et s’éveiller sa personnalité, il entendit les bruits familiers des voleurs de pomme que l’on poursuit, les cris des personnes lésées, les vociférations de ceux qui ne suivaient que par désir de défoulement ou de divertissement, la précipitation des citadins qui s’écartaient sur leurs passages, pour ne pas risquer de se faire bousculer… Tout cela avait été son quotidien, il avait fait partie de ceux qui se jetaient précipitamment sur le bas-côté de peur de se faire briser une côte, comme ce gamin tiens, qui se cachait là dans l’ombre. Il ne pouvait deviner qui il était mais se sentait, non pas proche mais peut-être un peu solidaire de ces ongles sales, de ces habits tout noirs et de cette face lugubre. Son regard accrocha un peu plus le gamin, il repéra la faiblesse dans ses traits, voire la maladie, qu’il connaissait pour l’avoir souvent côtoyée quand il croisait encore sa mère de temps en temps.

A dire vrai l’enfant avait l’air d’un ange déchu. On sentait qu’il aurait dû être heureux, mesquin, menteur, lâche, obséquieux et innocent car inconscient d’être tout cela. Il aurait dû avoir droit, lui aussi, à ne pas savoir que ce qu’il faisait était mal, à pouvoir dénoncer ses semblables sans avoir aucun remord, et ce pour la bonne raison qu’il n’aurait pas su toute l’étendue de ce qu’il y a d’écœurant dans ces procédés pourtant commun à tous les enfants. Mais le couperet et la malédiction étaient tombés trop vite sur son âme, et à présent il n’était plus qu’un petit oiseau blessé et apeuré qui se cachait dans un coin.

Ethan n’avait pas souvenir d’avoir un jour ressemblé à cela, et pour cause, il avait toujours fait partie de la catégorie de ceux qui tirent toujours leur épingle du jeu ; il n’avait pas non plus de réelle notion de bien ou de mal, cependant cette chétive créature lui inspira de la sympathie. De la compassion certes non, ce sentiment demeurera probablement à jamais inconnu à notre cher mercenaire, cependant la fragilité et l’absence de défense de ce petit bonhomme en chiffon.

Alors quand le jeune homme buriné par le grand air et l’effort qui était sans nul doute le voleur poursuivi à l’origine de la rumeur qu’il avait perçue quelques instants à peine auparavant s’approcha du gamin, il redoubla d’attention. L’autre venait de lui refiler un couteau, probablement objet du litige, qui ressemblait d’ailleurs plus à une grossière imitation de couteau de boucher qu’à un véritablement utile poignard. Il commença par trouver cela d’une lâcheté écœurante, puis d’une intelligence fine et fourbe. Quand cet intrigant personnage se planqua derrière un étalage et fit mine d’indiquer avec une obséquiosité incroyablement bien feinte le prétendu voleur à ses poursuivants, Ethan ne put s’empêcher de lever un sourcil.

Il était clair que celui-là était un menteur professionnel.

Ethan s’avança alors dans la lumière vers le gosse qui contemplait, éberlué, le couteau de pacotille dans sa main sans comprendre comment il s’était trouvé là. Il le délesta de ce poids détestable et lui offrit en échange trois ou quatre pièces d’or, sans avoir conscience qu’il venait d’accomplir une bonne action. Il avait fait cela comme il aurait occis quelqu’un le méritant, par intuition. La horde d’hystériques hurlants s’était arrêté sitôt qu’elle avait vue l’assurance extrême avec laquelle Ethan se mouvait. Ce dernier avait fini par s’habituer à telles réactions, et s’il n’avait pas été pourvu d’une douloureuse lucidité, cela aurait probablement fini par lui monter à la tête. En réalité, cela lui montait réellement à la tête, dans les apparences uniquement –car Ethan n’est pas grand-chose d’autre pour le commun des mortels que l’apparence qu’il veut bien laisser voir.

L’assemblée commença doucement de se dissoudre, sans même savoir ce qui les avait freinés. Ethan eut le temps de voir du coin de l’œil le petit garçon se terrer dans un coin en serrant fort ses pièces dans sa main. Il arborait un petit air apeuré qui rappela à Ethan que quelqu’un s’était amusé à ramener la faute sur un être plus faible que lui.

Il tourna lentement la tête, repéra celui qui était à l’origine des derniers troubles de cette rue d’Al Far qui, il faut bien l’avouer, ne devait cependant pas souvent connaître le repos et le calme. Il le toisa avec un air plus qu’indéchiffrable, ne sachant pas encore que penser de cet individu pour le moins singulier.

« Tu viens de commettre à la fois une lâcheté, à la fois ce que je pourrais prendre pour un affront personnel puisqu’il s’agit d’une offense à un être que j’aurais pu être il y a quelques années. »

Ces mots avaient été prononcés d’une voix sans trémolos ni tremblements, par des lèvres implacables qui pour une fois n’avaient pas envie de feindre un sourire amical. Il ne voulait inexplicablement pas présenter une image trop déformée de lui-même à celui dont il ne connaissait pas encore le nom.

« Je m’appelle Ethan, et je suis le seul ici à avoir compris toute la teneur de ton mensonge. Il n’est pas dans ma nature de pratiquer la délation, et je n’irai pas te dénoncer, mais sache que je désapprouve non ta tromperie, mais le mal que tu aurais pu occasionner à cet enfant. »

Il n’était certes lui-même pas le mieux placé pour faire ce genre de remarques ou de réflexions, mais cela l’autre ne pouvait le savoir.
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10.07.13 17:46
Ari jugeait son affaire classée, sagement reléguée dans un coin de son esprit et prête à être oubliée définitivement. Dans son dos, déjà, la foule recommençait à s’organiser comme elle en avait l’habitude. La rumeur d’un vol de couteau s’estomperait rapidement, après tout, qui à Al-Far risquait de se souvenir d’un méfait aussi banal lorsque des disparitions et des meurtres avaient lieu toutes les nuits ? Au fond de lui, Ari sentait confusément qu’un mauvais coup pareil, qu’il était parvenu à mener jusqu’au bout sans la moindre petite erreur, aurait dû lui inspirer une certaine forme de fierté —de la fierté malsaine, sans doute, mais de la fierté tout de même !— seulement, il ne ressentait rien d’autre que le besoin intense de quitter la ville pour ne plus jamais revenir. « Allez, va-t’en ! s’encouragea-t-il. » Il demeura prostré sur place, ses pieds solidement ancrés au sol, retenu par un sentiment qu’il n’était pas sûr de comprendre. « Tu es pathétique, songea-t-il, dégoûté de lui-même à un point que cela devrait être illégal. Et aussi certainement un peu fou. File, avant que quelqu’un te perce à jour et prévienne ces satanés molosses, ou pire encore, les gardes de l’Empire… » Il suffisait pour le faire hésiter de voir la suspicion dans le regard du légitime propriétaire de l’étal aux fruits trop mûrs. Avec peine, il lui adressa un sourire rassurant, presque complice, et s’éloigna vivement sans pouvoir s’empêcher de jeter un dernier coup d’œil au malheureux gamin qu’il avait condamné par sa lâcheté et son égoïsme.

Ari écarquilla les yeux, ahuri, choqué. Un homme qu’il ne parvenait à distinguer que de dos faisait office de rempart entre l’enfant et les chiens de garde du marchand. Ces derniers paraissaient douter de leur supériorité par rapport à cet intrigant personnage, leurs poings demeurant plaqués le long de leurs corps massifs. Ari devina qu’ils étaient décontenancés. Ils n’avaient certainement pas reçus d’ordre au cas où une bonne âme charitable —ou stupide, pensa le jeune homme, ironique— s’interposerait entre eux et leur objectif. Les quatre brutes finirent par prendre une décision, mais pas celle qu’espérait secrètement Ari ; ils se détournèrent, et l’autre, le trublion, le trouble-fête, n’hésita pas une seule seconde avant de se diriger vers lui. « Oh non, pitié, tout sauf ça ! se surprit-il à prier. » Il se montrait rarement impressionné, et encore moins réellement inquiet, juste prévoyant, sauf dans les cas exceptionnels, et sans doute —bien sûr qu’il s’agissait là d’un cas exceptionnel…

« Tu viens de commettre à la fois une lâcheté, à la fois ce que je pourrais prendre pour un affront personnel puisqu’il s’agit d’une offense à un être que j’aurais pu être il y a quelques années. »

Ari préféra se concentrer sur le ton de la voix de l’homme plutôt que sur les mots assassins qu’il proférait avec assurance. Il n’avait pas vraiment d’intonation particulière. Ce ton que l’on aurait parfaitement pu utiliser pour annoncer un spectacle ou le menu du jour à l’auberge, Ari le détesta aussitôt. Lui appréciait jouer avec les accents, les tremblements et les émotions soigneusement contenus dans une phrase, un mot, un son. Il avait appris il y a longtemps que le sens d’un mot changeait en fonction de la manière dont on le prononçait. Tout à coup, même un « Je t’aime » pouvait facilement devenir méprisant. Il pensait que la voix d’un homme était un miroir déformé de sa personnalité. Aussi ne jugeait-il pas une personne à ses paroles mais à son attitude. Quelquefois, il tombait face à un véritable comédien, quelqu’un à sa hauteur en somme, mais souvent, il ne se trompait pas. Là, on ne pouvait rien connaître à l’avance, il fallait deviner à tâtons. Ari ne savait pas encore s’il trouvait cela terriblement excitant ou, au contraire, profondément agaçant.

« Je m’appelle Ethan, et je suis le seul ici à avoir compris toute la teneur de ton mensonge. Il n’est pas dans ma nature de pratiquer la délation, et je n’irai pas te dénoncer, mais sache que je désapprouve non ta tromperie, mais le mal que tu aurais pu occasionner à cet enfant. »

Cette fois, il ne prit pas le risque d’ignorer l’homme —Ethan. À l’entente de ses paroles, il ressentit un soulagement coupable mais, presque aussitôt, le dégoût le rattrapa. « Ne me juge pas ! aurait-il voulu lui cracher à la figure. Tu ne sais rien ! Tu ne me connais pas ! » À la place, il réussit l’exploit de se contenir au prix d’un immense effort, et remarqua pour la première fois le charisme déboussolant qui émanait de l’être tout entier de cet Ethan. Déterminé à ne pas perdre le contrôle de lui-même, il s’en protégea grâce à ce qu’il maîtrisait le mieux. Le mensonge.


« Tu parles drôlement bien pour quelqu’un qui prétend être originaire d’Al-Far ! déclara-t-il d’un ton léger, sans aucune ironie décelable. Mais j’imagine que, comme partout, il existe des exceptions… Moi, c’est Jem, ajouta-t-il. »
Aucun moyen de démêler le vrai du faux. Il avait dit : « Moi, c’est Jem » comme un homme vraiment prénommé Jem aurait répondu à un autre qui venait de se présenter de la façon suivante : « Je m’appelle Ethan… » Il profita d’un court instant de silence pour monter dans sa tête le personnage de Jem, un garçon d’une vingtaine d’années inconscient des conséquences de ses actes mais incapable du moindre mal volontaire. Son remarquable ouvrage de dissimulation achevé, il crut naïvement qu'il avait enfin trouvé le courage d’affronter le jugement de l’homme apparemment décidé à ce qu’il reconnaisse sa faute.


Mais, sans qu’il puisse résister, le caractère de Jem vola en éclats dès qu’il prit la parole, laissant à Ari et ses scrupules la lourde tâche de se justifier. Inconsciemment, sa voix enfla sous l’effet de l’indignation : « Qu’est-ce que tu aurais fait à ma place, hein ? Dis-moi sincèrement, toi qui a l’incroyable culot de me faire la morale… »
Il aurait préféré mourir plutôt que d’affronter ses propres défauts.

Autour d’eux, des paires d’yeux de plus en plus nombreuses tentaient de les épier discrètement, en vain cependant. Les mains tendues au-dessus des étals échangeaient la monnaie, désignaient une marchandise tout en guettant le pas de travers qui leur permettrait de pointer un index accusateur sur leur étrange duo. Cette tension qui précédait les conflits, l'air en était chargé et se déployait dans la rue comme une toile d'araignée perfide ; c’était quelque chose d’assez commun à Al-Far, mais Ari ne savait pas se battre et n’en avait aucune envie en plus de ça.


« Il nous épie, ces charognes, grogna-t-il. Décidemment, je déteste cet endroit… »
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14.07.13 18:38
Les bras croisés, campé fermement dans sa position, il regardait l’autre se débattre dans ses méandres intérieurs ; impossible cependant de savoir ce qui s’y déroulait réellement, cet homme était une énigme complète. Un instant, il lui sembla discerner un soupçon de dégoût, d’exaspération profonde dans son regard, mais cette impression passa si fugacement qu’il se demanda s’il n’avait pas rêvé. A la place de celle-ci, un magnifique sourire qui semblait parfaitement franc vint fleurir sur son visage, et il répondit du ton de celui qui faisait simplement la conversation :

« Tu parles drôlement bien pour quelqu’un qui prétend être originaire d’Al-Far ! Mais j’imagine que, comme partout, il existe des exceptions… »

Ethan fut un instant consterné.

Premièrement, ce type n’avait soit aucune conscience, soit aucun brin de compréhension ; il n’avait apparemment pas saisi ce que venait de lui assener le mercenaire pour réagir ainsi, sans se soucier le moins du monde du fond pour commenter la forme. Cependant cette théorie ne tenait pas debout : il avait prouvé il y avait moins de cinq minutes être capable de l’intelligence la plus dangereuse qui soit, celle qui ne se soucie de rien d’autre que du but final. Il ne s’agissait en général pas de celle qu’utilisait Ethan, pour qui les moyens détournés étaient au contraire un amusement beaucoup plus certain que  
cet acharnement au résultat, malgré tout cette façon de faire pouvait tout aussi bien faire ses preuves et Ethan était incapable de la dédaigner ou de la mépriser. Il était d’ailleurs tout bonnement incapable de dédaigner ou mépriser l’homme qui se tenait en face de lui, alors qu’il eût bien aimé, tout simplement parce que le volte-face avec lequel il s’en était sorti était admirable en ceci qu’il contenait juste ce qu’il fallait d’imprévu, de préméditation, de lâcheté et de suicidaire. Celui capable de fomenter un tour comme celui-ci devait avoir quelque chose de désespéré qui plaisait assez à notre mercenaire.

Deuxièmement, ses origines avaient été percées à jour avec une rapidité et une facilité effarante, qui lui prouvaient pour le moins à quel point il était transparent. Ou bien était-ce son interlocuteur qui était d’une lucidité compétitive ?

« Je ne me rappelle pas avoir dit que j’étais originaire de cette cité. Mais j’imagine effectivement faire plus partie de la classe des exceptions que de toute autre. Et quelque chose me dit que je ne suis pas la seule exception par ici. »

« Moi c’est Jem. »

Voilà qu’il se présentait à présent, comme si de rien était ! Ce type est un crétin, ou alors il cache bien son jeu, songea Ethan. A cet instant, il eut été d’usage de répondre une formule de politesse selon laquelle cette recontre fortuite n’apportait que bonheur ; Ethan aimait user et abuser de ce genre de formules qui permettent d’être hypocrite sans l’être tout à fait, de mettre l’autre en confiance et de finalement le manipuler. Voici pourquoi il utilisa une fois de plus une de ces phrases convenues dont il avait le secret, mais dans lesquelles il injectait un soupçon d’intonation différente ou de sincérité feinte.

« Ravi de faire ta connaissance. »

Quelque part ce n’était pas tout à fait faux. Il sentit cependant qu’il avait fait preuve de trop d’ironie dans cette phrase et que Jem ne prendrait jamais.

Effectivement, ce dernier se mit tout à coup en colère, comme si un masque tombait, un masque indécelable et invisible par quiconque, si bien ajusté qu’on se demandait s’il ne faisait pas partie intégrante de l’être même.

« Qu’est-ce que tu aurais fait à ma place, hein ? Dis-moi sincèrement, toi qui a l’incroyable culot de me faire la morale… »

« A ta place, je ne me serais pas fait prendre. Ou alors j’aurais affronté les vautours. Quoiqu’il en soit, je suis d’accord avec toi sur le fait que je n’aie pas à te faire la morale, voici pourquoi je ne chercherais jamais à la faire à quiconque. En revanche, je peux te signifier que si tu continues à être agressif comme ceci envers moi, il est possible que je prenne ton acte comme un affront personnel, et que je prenne la rue entière à témoin de ce que tu as fait. Les gens sont bien souvent très faciles à convaincre dans ce genre de situation, crois-moi, et ils jureront bientôt leurs grands dieux avoir vu un homme voler un couteau puis le refiler à un enfant des rues si je m’en mêle.»

Des yeux inquisiteurs commençaient à se tourner dans leur direction, cherchant à happer au passage des miettes d’information ou de distraction (qui, il faut bien le dire, manquait cruellement à Al Far, à moins que l’on considère comme une distraction le fait de voler, de se faire agresser ou de tenter d’éviter les quartiers les plus mal famés). Cela n’échappa pas à Jem, (s’il s’appelait bien ainsi) qui lâcha dans un grognement exaspéré qu’il détestait le lieu.

« Que fais-tu donc ici en ces conditions ? »

Quand Ethan décida qu’il en avait assez de l’ambiance belliqueuse qu’il sentait monter subtilement, il reprit :

« Je n’ai pas l’intention de faire une esclandre. Je sais me battre, et si tu continues à crier comme cela je peux aussi te mettre au tapis en peu de temps. Alors tu vas te calmer vite, s’il te plait. »
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29.07.13 16:16
La réponse à ce qu’Ari prenait pour une provocation ne tarda pas à fuser, tournée de façon impitoyable, à l’image d’Ethan en somme :

« A ta place, je ne me serais pas fait prendre. Ou alors j’aurais affronté les vautours. Quoiqu’il en soit, je suis d’accord avec toi sur le fait que je n’aie pas à te faire la morale, voici pourquoi je ne chercherais jamais à la faire à quiconque. En revanche, je peux te signifier que si tu continues à être agressif comme ceci envers moi, il est possible que je prenne ton acte comme un affront personnel, et que je prenne la rue entière à témoin de ce que tu as fait. Les gens sont bien souvent très faciles à convaincre dans ce genre de situation, crois-moi, et ils jureront bientôt leurs grands dieux avoir vu un homme voler un couteau puis le refiler à un enfant des rues si je m’en mêle.»

Le jeune homme ne retient guère que : « j’aurais affronté les vautours » ; « il est possible que je prenne ton acte comme un affront personnel » ; « les gens sont bien souvent très facile à convaincre »… Cela devait vouloir dire que ce type fièrement campé devant lui savait se battre, et fort bien en plus de ça puisqu’il n’avait pas l’air de douter de ses capacités ; qu’il avait de l’amour-propre en plus d’un certain sens de l’observation et des priorités ; et, enfin, qu’il savait se servir de son charisme comme d’une arme afin de duper ou, dans ce cas, de convaincre —non, il n’oubliait pas qu’à l’origine, le fautif de l’histoire, c’était lui. Tout à coup légèrement hésitant, Ari contempla la foule avide de détails pressée autour d'eux, ces rapaces ennuyés par leur routine habituelle uniquement constituée de violence, et chercha à deviner combien de temps il leur faudrait pour se laisser gentiment embobiner par Ethan.

La réponse s’imposa naturellement, et le refroidit aussitôt. Ari cessa tout à coup d’être en colère ou même simplement énervé. Quelque part aux limites de sa conscience, un sursaut de méfiance le somma de prendre garde à cet homme qui prétendait refuser de faire la morale mais n’hésitait pas un unique instant à prendre la défense d’un enfant qui lui était à la fois inconnu et insignifiant face à un autre inconnu encore plus insignifiant. Seulement, il n’y prêta pas la moindre attention. Au-delà des sentiments de gêne et d’insécurité mêlés que lui inspirait Ethan, il voyait la véritable énigme humaine, et se demandait avec curiosité s’il parviendrait à la résoudre par les moyens dont il usait habituellement —chantage, vol et escroquerie. S’il prenait le risque de la résoudre ! « C’est certainement trop dangereux pour quelqu’un comme moi qui évite la confrontation au maximum, songea-t-il en faisant mine de se détourner. » Après tout, ils venaient de se présenter l’un à l’autre, il avait manqué de perdre le contrôle de lui-même et Ethan avait rétorqué sans rien perdre de sa prestance, prouvant qu’Ari ne possédait pas certaines qualités essentielles à un combat verbal —du moins, quand il ne se cachait pas derrière un énième masque. « J’ai affirmé que je m’appelais Jem mais, en réalité, pour une raison que j'ignore encore, je suis incapable d’incarner ce personnage face à cet individu. Je vais finir par faire une erreur, et si ça se trouve, ce sera une erreur fatale avec la chance que j’ai ! fulmina-t-il en pensées. » Dans tous les cas, il jugeait que la conversation était arrivée à un point où il pouvait se permettre de s’en aller sans trop paraître ridicule. Et puis, mieux valait s’éloigner le plus rapidement possible de cet étrange personnage...

La nouvelle prise de paroles d’Ethan le retint aussi sûrement qu’une chaîne d’acier :

« Que fais-tu donc ici en ces conditions ? »
— Bonne question ! s’exclama-t-il, amusé malgré lui par toutes les différentes possibilités de réponse. Qui suis-je ? Où vais-je ? Pourquoi ? Ne suis-je donc rien d’autre qu’une marionnette dont les moindres gestes dépendent de cette force mystique appelé « destin » ? Ou bien alors, les conséquences de mes actes sont directement reliées aux choix que j’ai effectués ? J’ai du mal à comprendre les raisons de ma présence à Al-Far, ajouta-t-il d’un ton plus bas, comme s’il faisait l’honneur à Ethan de lui livrer un incroyable secret. Je dois être possédé. »

Satisfait de lui-même à un point que cela devrait être illégal, Ari songea que c’est tout à fait ce que Jem aurait répondu. Peut-être était-il finalement parvenu à se contenir. Mais au fond, il sentait confusément qu’il se leurrait, une fois de plus : Jem était lui, d’une certaine façon, alors jouait-il vraiment la comédie ? Il avait du mal à faire la différence à ce stade…

« Je dois être possédé, répéta-t-il, vaguement songeur. Mais ça n’a aucune sorte d’importance. C’est toujours mieux que d’être un assassin sans aucun scrupule, j’imagine. À ton tour de répondre à une de mes questions, reprit-il joyeusement. Qui es-tu, en dehors d’un homme prénommé Ethan qui traîne dans Al-Far à la rescousse des gamins perdus ? »
Dans le même temps, il réalisa qu’il passait si vite d’une humeur à l’autre —colère à fascination, amusement à mélancolie— qu’il devait avoir l’air d’un fou ou d’un désespéré. Ari ne savait pas encore ce qu’il préférait. Qui pouvait se réjouir de perdre tous ses moyens face à quelqu’un assurément capable de vous mettre au tapis en moins de temps qu'il n'en fallait pour dire "canari" ?

Comme s’il pouvait lire dans ses pensées aussi clairement que dans un livre ouvert, Ethan se chargea de lui en fournir la preuve par les mots :

« Je n’ai pas l’intention de faire une esclandre. Je sais me battre, et si tu continues à crier comme cela je peux aussi te mettre au tapis en peu de temps. Alors tu vas te calmer vite, s’il te plait.
— Je ne crie pas ! protesta Ari, vexé. Enfin, plus maintenant… »
Il ne tenait pas particulièrement à se faire humilier publiquement. Et puis, il n’était plus un enfant, après tout, n’est-ce pas ? Il tenta de le prouver par un ensemble de formules de politesse qu’il trouvait surfait mais toujours efficace :

« Enchanté de t’avoir rencontré aussi, au passage. Tant qu’à faire. »
Tant qu’à faire, je vais m’arranger pour ne pas avoir l’air trop sincère. Même si c’est vrai. Tu es quelqu’un d’intéressant, Ethan —Ethan comment, d’ailleurs ?— mais je n’ai aucune raison de m’impliquer davantage dans cette conversation… Enfin, plutôt ce monologue alterné.

« Je… commença-t-il, avant de laisser sa phrase en suspens s’évanouir dans l’air putride d’Al-Far. »
Ari avait suffisamment d’expérience pour ne pas s’apercevoir que l’attention d’Ethan était soudain détournée de lui, et il fut absolument mortifié de se rendre compte que cela l’ennuyait prodigieusement…
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13.08.13 18:21
L’attention d’Ethan avait augmenté d’un cran. Elle était à présent entièrement focalisé sur Jem, son apparente folie qu’il venait d’ailleurs lui-même de confier posséder, à demi-mot, et le mystère complet qui se dégageait de toute sa personne. Notre mercenaire était pour le moins déconcerté par l’étrangeté de son interlocuteur, une étrangeté qui semblait malgré tout dosée à la perfection, réglée comme du papier à musique. C’était magnifique, Ethan eut envie d’applaudir.

« Moi je crois que tu es complètement fou, ou que tu caches bien ton jeu. Ou alors tu es très doué, parce que tu as réussi à détourner la conversation et à m’ôter l’envie d’insister pour connaitre la raison pour laquelle tu es ici. Je me contenterai donc de cette réponse, et supposerai que tu es l’objet de troubles démentiels qui te font raconter n’importe quoi. C’est plausible aussi. Quant à moi, je ne suis pas certain que tu aies réellement besoin d’en connaitre sur moi plus que mon prénom. Te raconter ma vie serait mortellement ennuyant pour toi, et je n’ai pas la moindre envie de t’importuner avec cela. »

Plutôt satisfait de sa réponse, Ethan se permit un instant d’étendre un peu le rayon de son attention, en se déconcentrant légèrement de Jem. Ce qui se passait autour d’eux s’était un instant effacé de son champ de vision, il n’y avait à vrai dire durant un instant plus existé qu’eux deux dans l’esprit d’Ethan, qui se demandait jusqu’à quel point l’affrontement irait. Pas si loin que cela apparemment, du moins pas physiquement, Jem assura qu’il ne criait plus et n’était visiblement pas désireux d’en venir aux mains. Cela arrangeait plutôt le mercenaire, d’ailleurs, qui n’aimait pas étrangler le borgne plus souvent qu’il ne le fallait.

Donc, il s’intéressait un peu plus à ce qui était extérieur à la tension qui liait les deux hommes. Enervée puis moqueuse pour Jem, détachée en apparence pour Ethan. Et là, il vit.
Son regard accrocha un homme qu’il reconnut aussitôt. Même de nombreuses années après, il était impossible pour Ethan de ne pas se souvenir, de ne pas connaitre toujours aussi bien cette personne. Il ne savait pas s’il en avait laissé rien paraitre, mais il était légèrement déstabilisé. Très, très légèrement. Ethan, Ethan, ne ferais-tu pas preuve de mauvaise foi parfois ?

Son ouïe perçut, comme de très loin, Ari prononcer une ou deux phrases qu’il imagina à l’image du bonhomme, c’est-à-dire pleine d’un mélange d’ironie, de moquerie et de sincérité, là où discerner le vrai du faux est impossible ; puis plus rien, il observait simplement Saëm. Car c’était Saëm qui se trouvait sur la même place que lui, et qui le regardait aussi. C’était à cause de cet imbécile qui avait su charmer sa sœur qu’Ethan avait quitté Al Far, il y avait si longtemps. Il poussa un juron entre ses dents serrées. Il avait tout imaginé, sauf un tête à tête avec ce crétin en revenant à Al Far. Il s’agissait tout de même d’une grande citée, que fichait-il donc justement ici, au moment le moins opportun puisqu’il venait quand même de s’opposer à bon nombre de citadins affamés de distractions ?

Le pire advint sans doute quand ce grand baraqué dont il ne savait même pas s’il était toujours en couple avec sa petite sœur ou pas lui fit une tête qui ne pouvait signifier qu’une seule chose : il avait tout vu. Il n’était pas certain qu’il ait vraiment compris la teneur de ce qui s’était passé, à vrai dire notre mercenaire en doutait fort vu les capacités intellectuelles limitées qu’il prêtait au personnage, mais quand il fit un pas dans leur direction, le message était très clair, il n’avait pas l’intention de les laisser filer. Certes, Jem courait sans doute un plus grand risque que lui-même, qui savait se battre et berner une foule –quoique pour ce dernier point, il était à peu près certain qu’ils possèdent tous deux le même degré de compétence, quoique leurs méthodes diffèrent. Mais il y avait une chose dont Ethan n’avait pas du tout, du tout envie, c’était un face à face avec de type. Pire encore, un dialogue ! Or c’était ce qui risquait fort de se produire s’il ne bougeait pas rapidement. Saëm fit encore un pas, un peu plus hésitant cette fois, sans doute était-il en train de reconnaitre son « beau-frère ».

Après être resté là, parfaitement et absolument immobile pendant un moment, Ethan se mit alors soudain en mouvement. Il attrapa le poignet de Jem qui n’avait probablement pas compris pourquoi la simple vision de cet ours se dirigeant vers eux provoquait une telle réaction chez lui, et il se mit en mouvement. Il partit pour être plus précise dans la direction qui était l’exacte opposée de celle d’où venait Saëm. Il lui sembla discerner de vagues protestations provenant de son persécuteur de gamins, il le pria sans autre forme de procès de bien vouloir se taire et avancer.

« Ferme-la un instant, on discutera plus tard, pour le moment on s’en va. Le gars qui est là-bas est un idiot fini et il a tout vu, s’il commence à crier tu es dans de beaux draps… »

Quand ils virent que l’autre les suivaient avec un peu plus de détermination, il s échangèrent un regard une fraction de seconde, et se mirent à courir tous les deux, pour disparaitre dans la foule et les tréfonds d’Al Far.

« C’est parfait, marmonna Ethan entre ses dents, j’intercepte un voleur en fuite pour devenir moi-même le gibier qu’on file ensuite… Jem, mon garçon, je sais bien que ce n’est pas de ta faute mais tout ceci commence à m’agacer… »

Il avait parlé trop inaudiblement pour être entendu, la rumeur de la ville avait caché aux oreilles de son compagnon ce qu’il aurait pu avoir entendu.
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21.08.13 13:22
Ari ne doutait pas qu’Ethan était à la base un être insaisissable, aussi lorsque l’attention de l’autre homme se détourna de lui pour fouiller les lieux du regard, il se demanda distraitement s’il parviendrait à deviner à quoi songeait-il rien qu’à voir les expressions de son visage. Mais c’est sans surprise qu’il constata que sa figure demeurait un parfait modèle de maîtrise, un chef d’œuvre en la matière ! Il ne s’attendait guère à autre chose que cette attitude détachée de la part de ce justicier improvisé, et il réalisa que tenter de décrypter ses émotions à l’œil nu relevait de l’arrogance pure et simple. Ari soupira, prêt à renoncer, lorsqu’un changement se produisit dans la physionomie d’Ethan, quelque chose de flou et de futile à la fois mais aussi de suffisamment inattendu pour l’alarmer et le surprendre. Une certaine raideur dans le dos, les yeux fixes dirigés vers un point précis, les lèvres qui se tordent en grimace… Tous ces minuscules, ridicules petits détails suffisaient à attiser sa curiosité.

Suivant le regard d’Ethan, il arriva à distinguer à travers la foule une silhouette massive qui les dévisageait sans aucune pudeur. « Soit, songea Ari sans réellement s’inquiéter. C’est un voyeur assez peu discret, mais juste un voyeur de plus. Et alors ? Pourquoi cette tension entre ces deux-là ? Quelque chose m’échappe… » Puis, il remarqua la profonde stupéfaction qu’affichait le colosse face à leur improbable duo, le regard perplexe qu’il posait sur Ethan, l’absence de sympathie qui le caractérisait et qu’Ari prit pour une annonce d’ennuis à venir —encore ! pensa-t-il, vaguement désespéré. Décidemment, cette journée était particulièrement éprouvante, verrait-il le soleil se coucher au travers des barreaux d’une geôle de la cité, avec quelques rats en guise de compagnie ?


C’est alors que le colosse, qui était certes d’un autre genre que les chiens de garde du marchand mais à la carrure tout aussi impressionnante, fit un pas vers eux, sans aucun doute le premier d’une longue série. Une nouvelle course-poursuite se profilait à l’horizon. Avant même qu’Ari ait le temps de se demander quoi faire —prendre les devants et fuir ou nier fermement son implication dans l'affaire ?— Ethan saisit son poignet avec une violence peu commune et l’entraîna avec lui dans une direction certainement choisie au hasard.

« Arrête ça ! protesta vaillamment Ari, quand bien même il savait pertinemment que cela ne servirait à rien. »
Évidemment, il n’y eut aucune réaction de la part d’Ethan, à part que le jeune homme eut l’impression d’accélérer encore un peu plus.
« Lâche-moi ! tenta-t-il d’ordonner. »
Mais, bien entendu, cela n’eut pas plus d’effet que s’il avait essayé d’arrêter un tigre des prairies à main nues et le torse à découvert.
« Ferme-la un instant, exigea Ethan qui, évidemment, n’avait pas prêté le moindre intérêt à ses exclamations. On discutera plus tard, pour le moment on s’en va. Le gars qui est là-bas est un idiot fini et il a tout vu, s’il commence à crier tu es dans de beaux draps… »
Cette réplique eut au moins le mérite de le faire taire. Durant deux secondes.
— En quoi ça te concerne, bon sang ?! D’abord tu débarques, prêt à me faire la peau et ensuite tu t’arranges pour me sauver la mise. Ça n’a aucun sens ! »
Seulement, on ne pouvait pas dire qu’il avait le choix et il accepta finalement de suivre Ethan d’un pas résolu même si légèrement forcé.

Devant ses yeux défilaient les tréfonds d’Al-Far comme il aurait voulu ne jamais les voir. Au bout d’un moment en apparence interminable, la rumeur de la foule finit par s’estomper et ils atteignirent un quartier qu’Ari n’hésita pas une seconde à qualifier « d’encore plus malfamée que le reste de la ville. » Sous la houlette douteuse d’Ethan, ils empruntèrent des ruelles étroites où rampaient des ombres grouillantes qu’Ari ne parvint pas à identifier, longèrent des murs si hauts qu’on les aurait dit tendus au-dessus de leurs têtes comme les griffes d’un monstre improbable, ignorèrent les rares places désertées par la vie et les portes obstinément closes. Cet endroit, misérable au-delà du supportable, possédait un vague air de famille avec les mouroirs dans lesquels les hôpitaux parquaient leurs futurs défunts afin de libérer quelques chambres pour ceux qui avaient encore une chance de guérir. Mais dans l’urgence de sa situation, Ari n’eut pas vraiment le temps de faire le lien entre ces deux lieux si semblables. Seuls comptaient les pas du colosse qui répondaient aux leurs en écho, signe qu’il était toujours là derrière eux, déterminé à les rattraper. « Pourquoi n’abandonne-t-il pas ? N’importe qui aurait déjà jeté l’éponge à sa place ! Ce n’est qu’un vulgaire couteau ! » Tout en se concentrant sur la route qu’ils empruntaient, il rencontra le regard d’Ethan et le mystère s’éclaircit soudain quand il se remémora la réaction de surprise figée qu’il avait eu face à leur poursuivant.
Ce n’était pas le couteau que ce type costaud convoitait, ni même lui l’auteur du vol, mais Ethan, et seulement lui. Cela dépassait les limites du simple délit. Cherchant à tâtons les raisons d’un tel acharnement, il devina qu’il était l’instigateur involontaire d’une rencontre que personne n’aurait eu la folie de désirer, quand bien même il ignorait ce que représentait réellement ce colosse aux yeux de son compagnon d’infortune.

« Attends ! lança-t-il tout à coup entre deux respirations parfaitement maîtrisées —la fuite et son endurance était quelque chose qu’il contrôlait davantage même que sa propre personnalité. Attends, Ethan, il ne te lâchera pas ! »
Il avait volontairement occulté le « nous », jugeant qu’il avait une chance raisonnable de s’en sortir malgré tout.
« Qui est-il ? Qui est cet homme ? questionna-t-il, désespérant de connaître son identité. » Car depuis le premier moment de leur rencontre, il se contentait d’interpréter les énigmes que lui livraient Ethan en guise de réponse. « Et comment comptes-tu le semer ? »

Jetant un regard dans leur dos, il ne vit même pas l’ombre du type mais entendit distinctement sa respiration hachée et le son de ses semelles rebondissant contre les pavés de la rue. Ari estima la distance qui les séparait à une dizaine de mètres. C’était à la fois énorme et trop peu.

« Mais c’est qu’il tient toujours, le bougre ! La fatigue ne semble pas le ralentir, souffla Ari, admiratif malgré lui. C’est vrai qu’il n’a pas l’air spécialement recommandable mais tu peux au moins lui reconnaître cette qualité : il est persévérant ! ricana-t-il ensuite, moqueur. »
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08.09.13 16:58
« Non, ça n’a aucun sens, nous sommes d’accord, » marmonna Ethan entre ses dents.

Cependant pour le moment, rien ne lui était plus égal que ce qui avait du sens ou non aux yeux d’Ari, il ne voulait juste pas se faire remarquer, et un compagnon tel que lui était en l’occurrence plutôt un boulet, avec ce qu’il venait de se passer. Il trouvait d’ailleurs étonnant que Saëm les ait repérés ; dans son souvenir, il n’était pas exactement ce que l’on peut qualifier d’observateur. Les gens, les villes et les situations changent, seul Ethan reste le même.

Cependant ce qui n’avait pas changé était bien l’obstination de cette erreur de la nature. Et encore, obstination pouvait être considéré comme une qualité, mais ce qui caractérisait cette brute était plutôt une opiniâtreté sans aucune finesse ni réflexion poussée. Il ne le lâcherait donc jamais ?

Ethan jura une nouvelle fois à voix basse en évitant de percuter une grand-mère plantée au milieu d’une ruelle un peu moins fréquentée que l’endroit d’où il venait. S’il parvenait à retrouver ce passage…

Il y parvint. Il ne se souvenait même pas qu’il connaissait cette partie de la ville mais il ne devait pas oublier que s’il avait grandi à Al Far quand il était gamin, Saëm, lui, ne l’avait pas quittée. Tant pis, il devait essayer quand même. Certaines choses ne sont pas censées changer, et il espérait que son esprit critique lui permettrait de ne pas se tromper quant à l’appréciation qu’il avait de ce qui pouvait être toujours présent ou pas dans cette partie de la ville.

Il bifurqua donc dans un petit dédale de ruelles devant lesquelles toute autre personne serait passée sans même les avoir remarquées. Un véritable coupe-gorge d’ailleurs, selon ses souvenirs. Il fallait du reste croire que sa mémoire ne flanchait pas, car il croisa ici toute la misère humaine au plus bas, comme on peut la croiser à Al Far uniquement. Il ne s’en faisait pas pour lui, il savait dissuader les hommes de trop s’approcher de lui, ni d’ailleurs pour Jem –était-ce d’ailleurs bien son nom ?- qui semblait de toute évidence capable de se débrouiller pour embobiner à peu près n’importe qui, qualité rare et recherchée parmi la pègre dans laquelle ils se mêlaient à présent.

Et l’autre qui les suivait encore ! Avec un peu de chance malgré tout, ils en seraient bientôt débarrassés. Encore un petit effort, un tout petit effort…

Soudain d’un coin sombre surgirent trois ou quatre jeunes gens qui tentèrent de se jeter sur eux, probablement pour tenter de leur dérober leurs biens ; Ethan assena une claque à l’un d’eux, assez pour dissuader les autres de s’approcher de lui, mais pas suffisamment fort pour qu’il soit totalement étourdi. Il reprit alors sa course, attrapant Ari par la manche.

« On dégage ! Et vite avec ça, sinon on va se faire scalper proprement. »

La petite bande de bandits se rabattit alors sur Saëm, et on entendit des bruits de rixe qui se mêlaient au son que faisait leurs pieds battant le pavé.

Gagné. Il avait encore mis dans le mille.

Au bout d’un certain temps, le mercenaire s’arrêta enfin, hors d’haleine.

« C’est bon, je crois qu’il a eu son compte. J’espère que ces abrutis ne l’auront pas tué, ça ferait de la peine à ma sœur s’il est encore avec elle. »

Il se redressa et jeta un oeil circulaire autour de lui, tout en tentant de calmer un peu la vitesse de sa respiration et les battements de son coeur. Il jaugeait la situation ; étaient-ils en danger ici ? Peut-être pas en danger, cependant il était probable qu'ils ne soient pas en sécurité non plus. Puis son attention se reporta sur Ari. Il lui avait posé moultes questions, aucune à laquelle il avait répondu. Puis il s'aperçut qu'il ne semblait même pas essoufflé.

Comment fait-il ? Nous venons de courir comme des dingues pendant un bon moment pourtant. Ce type est vraiment étonnant...
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15.09.13 19:24
S'il y avait bien une chose qu'Ari détestait par-dessus sa propre personnalité —ce qui n'était pas peu dire— c'était le fait d'être ignoré ; évidemment, il savait bien qu'il y avait d'autres priorités dans l'univers, que le monde ne tournait pas uniquement autour de lui, mais il aurait aimé que cela soit le cas. À ce stade de son existence, il ne vivait plus que pour se faire remarquer : il enchaînait les rôles et les mensonges avec une agilité que forçait l'habitude. Il volait aussi, sans remords, ou presque. Il ne tuait pas, non, pas encore. Mais il mettait le feu aux maisons et flirtait exagérément avec l'illégal et le danger. Cela ne l'empêchait pas d'avoir un objectif, aussi éphémère soit-il, et des étapes censées le mener à l'accomplissement de ce fameux objectif : Al-Far, puisqu'il en avait décidé ainsi, devait être une de ces étapes insignifiantes. Les choses se compliquaient singulièrement depuis l'entrée en scène d'Ethan...
L'homme —qui pouvait très bien être plus jeune que lui—  ne le regardait pas, c’est à peine s’il daignait lui jeter un coup d’œil. Il faisait mine de ne pas entendre ses questions —en réalité, Ari pensait qu’il ne les écoutait même pas. Comment tenir un rôle dans de telles conditions ? Autant parler dans le vide, ce qu'il n'arrêtait pas de faire depuis qu'il avait accepté sans trop broncher de se laisser entraîner dans les tréfonds de la cité. L'ambiance qui régnait ici était une véritable invitation à se laisser guider par ses plus bas instincts...


Ari aurait voulu hurler : "Réponds-moi ! Mais tu vas me répondre à la fin, oui ou m... ?" Il choisit de se taire, autant par prudence que par confort. Pourquoi user ses cordes vocales à réclamer une suite à ses questions, quand il savait pertinemment qu'elle ne viendra pas ?


Trop occupé à se révolter intérieurement contre cet étrange personnage, il n'aperçut qu'au dernier instant les trois ou quatre silhouettes courbées dans l'ombre d'une ruelle sordide. Ethan les avait-il remarqués, lui ? s'interrogea-t-il une seconde avant que ces silhouettes, qui se révélèrent être une bande de jeunes gens à l'air étonnamment désespéré, ne se jettent sur eux. Ari n'eut que le temps de bondir sur le côté, échappant de justesse à la main avide qui tentait de lui ravir —quoi, exactement ? Le jeune homme n'avait rien sur lui qui ressemble de près ou de loin à une bourse, et encore moins à une bourse pleine. Fasciné plus que choqué, il vit cette main, devenue grise à force de traîner dans les poches des passants, s'ouvrir et se refermer, comme étonnée du vide qu'elle pouvait sentir entre ses doigts. Cependant, elle se remit rapidement de son échec et regagna l'ombre de sa manche tel un mollusque impatient de guetter sa nouvelle proie. Il aurait voulu voir à quel corps, quel visage ce membre voleur était relié mais, déjà, Ethan assommait les quelques brigands d'une tape drôlement bien ajustée et reprenait leur course folle à travers ce quartier sombre et sournois.
Ari ne tenta pas de parler à nouveau, cette fois. Il commençait à comprendre le plan de son compagnon d'infortune.


« On dégage ! Et vite avec ça, sinon on va se faire scalper proprement, s’exclama Ethan en lui saisissant la manche pour l’entraîner dans son sillage.
— Ce n’est qu’une question d’habitude, je suppose, maugréa Ari sans trop savoir lui-même s’il parlait de la menace qui planait dangereusement sur ses cheveux ou de cette sorte de demi-enlèvement dont il était victime. »
Et, bien sûr, tout se passa exactement comme l'avait prévu Ethan.


Ils continuèrent à courir encore un court moment. Ce qui était une simple précaution aurait pu passer pour de la paranoïa si Ari n'avait pas eu le malheur de tester lui-même l'obstination de leur poursuivant. Quand, enfin, ils s'arrêtèrent, il réalisa avec fierté qu'il n'était même pas essoufflé. Une certaine envie de fanfaronner au nez et à la barbe d'Ethan le saisit alors mais il s'abstint à la vue de celui-ci balayant les environs du regard, visiblement hors d'haleine. « Tu t'amuseras plus tard, Jem, se sermonna-t-il vivement en pensées." Ce n'était pas le moment de baisser sa garde. S'il y avait bien une chose qu'Ari était prêt à retenir de son bref séjour à Al-Far, c'était que la cité se révélait être une dame perfide et traîtresse sitôt ses remparts franchis.


Il entendit à peine Ethan lui annoncer à demi-mots que cet homme qui s'acharnait à les poursuivre était en réalité son beau-frère. Enfin une information qui avait de la valeur !


« Si j’étais ta sœur, j’aurais mieux choisi mon compagnon ! grommela-t-il. Sérieusement, qui peut se lier à un mastodonte pareil ? Les femmes sont censées préférer les hommes comme... et bien, comme toi, tiens ! acheva-t-il, à court d'exemples. »

L'instant d'après, il éclata d'un rire un peu trop strident pour être tout à fait honnête.


« Tout ceci est complétement absurde ! Comment avons-nous pu en arriver là ? Ce n'était qu'un stupide couteau, après tout, et où est-il à présent ? Abandonné sur une place quelconque ? Si tu ne t'en étais pas mêlé... Oui, si tu ne t'en étais pas mêlé, cela aurait été moins marrant ! »
Il ne laissa pas de répit à Ethan pour répondre, et continua :
« C'est ici que nos chemins sont censés se séparer, pas vrai ? Alors toi, tu files d'un côté, moi de l'autre et tout s'arrête ici. Adieu, Ethan... »
Seulement, Ari n'alla pas bien loin :
« Heu, c’est par où, la sortie ? »

Sa tirade tombant lamentablement à plat, il dut bien avouer qu'il était perdu dans ce dédale de rues sombres qui servaient de repaire aux apprentis bouchers à l'occasion...
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29.10.13 17:17
« Oui mais tu n'es pas ma soeur, et je te déconseille vivement de dire quoique ce soit de désobligeant à son propos... » fit Ethan, un brin énervé, en exerçant un soudain volte-face et en plaquant tout à coup de sa main droite une épaule de Jem contre le mur le plus proche.

Il n'avait même pas pris la peine de faire attention à l'allusion qui suivit selon laquelle il devrait être le genre d'homme à plaire aux femmes, la précédente remarque l'avait suffisamment piqué à vif pour qu'il ne se focalise que sur elle, pour un moment du moins. Il avait beau commencer à avoir de l'admiration, voire quelque chose qui ressemblerait à de la sympathie pour Ari, la fille dont il parlait était sa soeur et au moindre mot de travers il lui couperait un doigt sans hésiter. Du moins, songea-t-il alors, s'il arrivait à l'attraper.

Devant la réplique défensive de son comparse, il s'obligea néanmoins à respirer un coup et à lui laisser l'épaule tranquille. Pour le moment, il n'avait rien dit qui méritât une telle attitude. Pour le moment.

« Excuse-moi. Je me suis emporté un peu trop vite. Il y a très longtemps que je n'ai pas eu de contact avec elle, vois-tu, et la raison en est que je n'approuvais pas plus son penchant pour cet individu que toi. Cela dit, je doute qu'elle ne l'ait pas largué depuis... »

Puis, avec un petit sourire légèrement ironique :

« Et toi, n'es-tu pas le genre d'homme à plaire aux femmes ? »

L'instant d'après, et sans transition, l'autre se mit à rire et à parler sur un ton complètement différent qui, une fois de plus, laissa penser à Ethan qu'il avait probablement quelque chose de schizophrène en lui. Analyser un tel homme était loin d'être aisé, tant il changeait du tout au tout son comportement sans prévenir en une demi-seconde. Quel aspect de Jem était le bon ? Peut-être n'aurait-il jamais la réponse. En attendant, sans se départir de son calme presque flegmatique, il renonça quant à lui à se moquer de la façon dont l'autre venait plus ou moins de se ridiculiser ; il se contenta de pousser un soupir imperceptible, plus amusé qu'agacé.

« Viens par ici plutôt, fit-il en lui indiquant une direction à leur gauche, sinon tu vas te retrouver dans des coins encore plus pittoresques que celui-ci. Je doute un peu que tu en meures d'envie ! »

Cette fois-ci, il ne força pas le moins du monde Ari à l'accompagner ; il ne fit que tourner les talons et partir en direction d'un endroit un peu plus tranquille de la ville. L’autre le suivrait s’il en avait envie, ce dont étrangement le mercenaire ne doutait pas. Ils traversèrent des ruelles, des lieux sombres et parfois si étroit qu’on se demandait s’ils avaient été faits pour des humains ou des nains… Mais dans l’ensemble rien qui ne fût plus dangereux que d’autres endroits dans lesquels ils étaient passés pour semer le prétendu beau-frère. Ils continuèrent à deviser tout en marchant ; et au bout d’un moment, ils débouchèrent enfin sur une grande place, à l’exact opposé de l’endroit où ils s’étaient rencontrés. Comme dans beaucoup d’autres parties de la ville, une taverne se trouvait là.

« Je t’offre un verre, mon ami. » fit Ethan, qui malgré tout éprouvait presque de la sympathie pour Jem à présent.

Il aurait trouvé stupide de se séparer comme cela alors qu’ils venaient d’être pris en fuite l’un et l’autre par la même personne. Ca créé des liens, malgré tout, non ?

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