Al-Jeit. Symbole de luxe et de toute puissance, lieu où l’art s’éveille et s’extériorise en une multitude de bâtiments aux architectures toujours plus complexes.
Il aime Al-Jeit. Avec la passion d’un jeune fou et la volonté d’un homme en quête de ce bonheur qui lui aurait été volé. Il n’a rien à envier, pourtant – peut-être tout à perdre, en revanche. Mais à déambuler dans les rues recluses de la Capitale ce soir, Jarod songe qu’il pourrait bien vouloir se démunir de son bien le plus précieux pour avoir la chance de revoir cet endroit une dernière fois. Cette ville est magnificence – des hautes tours aux ponts qui s’élancent, défiant le vide et les lois de la gravité, jusqu’aux plus petites maisons des quartiers Nord, tout ici n’est qu’une symbiose entre l’homme et son génie, entre le Dessinateur et sa création. Lui qui n’a pas accès aux plus Hautes Spires et ce, en dépit de sa position à l’Académie en reste toujours émerveillé, à la manière d’un enfant devant un spectacle de fin d’année.
Il aime Al-Jeit. Cette palette de couleurs sur les murs et cet enchevêtrement d’odeurs tantôt sucrées, tantôt salées. Amères certains jours, à vous en brûler le nez. Il ne se lasse pas du fourmillement des avenues les jours de grand marché ni du bruit des échoppes qu’on ouvre toujours trop tôt le matin. De ces soirées d’hiver passées au coin du feu auxquelles il préfère sans aucune honte celles passées dans une Taverne, une bonne bière à la main. Il fait bon de vivre ici. Du moins d’essayer. Malgré les problèmes et difficultés que le destin impose, se donner les moyens de profiter, même un peu. Quitte à regretter les maux de tête le lendemain et ses appuis vacillants, quitte à oublier les personnes rencontrées, les discussions voire même les chants.
Al-Jeit est opportunité, vie et envie. Al-Jeit est oubli, et c’est une fois encore la raison pour laquelle il est ici ce soir. Le monde tourne vite – trop vite – et il tangue, le nez levé sur le ciel à imaginer ces étoiles qu’il ne voit même pas. Il a une vague idée de l’endroit où il se trouve, mais aucune envie de rentrer chez lui pour l’instant. Il est tôt, bien trop tôt pour songer à aller dormir ou plutôt, pour se résoudre à se lancer une fois de plus dans ce monde d’ombres que constituent les cauchemars qui l’effraient en ce moment.
Alors il marche, au hasard, l’esprit vaguement embrumé par les vapeurs de l’alcool. L’endroit est peu sûr, pourtant. Il est presque certain d’avoir déjà entendu Soline lui demander de ne pas traîner dans le secteur, elle qui sait pourtant pertinemment comment il fonctionne. A lui interdire, il le fera. Pourquoi lui en parler, dans ce cas ? Il maugrée quelques paroles inintelligibles à la destination de son amie – l’auberge du Cheval Caracolant n’est pas loin, peut-être pourrait-il y faire un tour pour lui secouer les puces, à la rouquine. Au lieu de ça, il s’immobilise, le dos appuyé contre le mur humide d’une maison de pierres. Il a du mal à respirer, de la même façon que s’il avait parcouru dix kilomètres en petites foulées et au fond, cette idée l’agace.
Un bruit, là, sur la droite. Des rires gras et des corps aux démarches lourdes qui s’approchent toujours plus du lieu où il se trouve. Au creux de sa poitrine, un pressentiment – glaciale, cette impression qu’un danger est imminent.
« Eh les gars, regardez ce qu’on a là ! »
Le sentiment d’urgence s’amplifie tandis qu’il s’accroche au mur derrière lui. Il ne paye pas de mine, Jarod, avec ce manteau trop grand sur les épaules et ces cheveux blonds qui lui tombent devant les yeux. Et ce n’est pas cet air farouche, teinté d’une pointe d’amusement, qui y changera quelque chose.
« J’crois que tu t’es perdu au mauvaise endroit, mon ami. » « Ah oui ? J’ai plutôt l’impression d’être bien tombé, chéri. Moi qui commençais à me sentir un peu seul… »
Il ponctue sa phrase d’un clin d’œil taquin, courage doublé par l’alcool qui court le long de ses veines. Un peu inconscient sur les bords, Jarod. A jouer les têtes brûlées, il finira sans doute la tête dans le mur avec des bleus et quelques blessures, si ce n’est pire. Mais qu’importe, ce n’est pas ce qui l’effraie.
« Tu t’prends pour un petit malin, toi. »
Le plus gros s’approche, menaçant, saisissant par le col celui qu’il ne voit pas plus dangereux qu’un insecte – insignifiants, les insectes, sauf pour ceux qui s’y connaissent ou s’y intéressent un peu ce qui, apparemment, est loin d’être son cas – et amène aux plus près leurs deux visages.
« J’vais t’faire passer l’envie de nous prendre pour des imbéciles. » « Par la Dame, loin de moi cette idée… Vous vous débrouillez très bien sans moi, regardez. »
Jarod dessine un cercle du menton afin de désigner son « adversaire », si tant est qu’adversaire il y ait. Il ne voit rien d’autres qu’un ramassis de fientes de T’slich désireux de se faire les poings sur autre chose qu’un tas de sable, quitte à briser quelques dents au passage. Et l’autre qui continue de s’énerver à en oublier de respirer ! Il en devient rouge, maintenant. Dur à voir sous la faible lumière orangée des lampadaires, mais cette vision attise le sourire du Navigateur.
« Faut vraiment penser à faire quelque chose pour cette haleine, mon vieux. C’est une infection. »
Par la Dame, qu’elle est grisante, cette insolence ! Comme un retour en période d’adolescence, du temps où il prenait plaisir à pousser dans leurs retranchements ce type de spécimens. « Tout dans les bras, rien dans la tête », voilà une expression qui leur conviendrait à merveille – et le fait qu’ils soient trois et que lui soit seul n’y change absolument rien.
« Espèce de… »
La main se lève, prête à s’aplatir sur sa joue gauche pour y laisser une jolie marque alors qu’au même moment, il se concentre pour modéliser son pouvoir.
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Neleam
Chevalier__Admin
01.11.16 21:43
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05.11.16 21:47
Dix secondes.
Une inspiration et deux poumons qui s’ouvrent. L’air est pesant, lourd lorsqu’il s’engouffre à l’intérieur de sa gorge et tombe dans sa poitrine comme une pierre au milieu du Lac Chen, amer lorsqu’il s’en extirpe pour retrouver un courant d’air avoisinant. Les odeurs se mélangent encore, insaisissables. A un détail près. Il n’y a plus de note d’orange ni de zeste de citron, plus de senteurs florissantes qui agitent habituellement les narines. Ne subsiste qu’une effluve âcre qui attaque son nez, dévale le long de sa bouche pour claquer sur son palais en un relent infect.
Sept secondes.
Il a la nette impression que le temps a suspendu son vol. Ces secondes ne sont plus, pas plus que cette main qu’il devine approcher son visage pour venir s’y aplatir. Et il imagine la puissance que pourrait avoir ce coup, s’il le laissait venir, visualise l’impact de la claque sur sa joue – la peau gondolante en une dizaine de petites vaguelettes rosies par l’alcool et une certaine surprise au creux des yeux. Mais ce qu’il se plait encore plus à inventer, c’est ce bruit qu’aurait entraîné le contact entre leurs deux corps, à mi-chemin entre le coup de tonnerre et la bombe, un « clac » assourdissant qui l’instant suivant n’est plus, une fausse note dissipée dans la pénombre de cette rue malfamée… Un son dont il ne parvient pas à totalement définir l’écho, comme si la subtilité du geste lui échappait. A moins qu’il n’y ait aucune subtilité du tout – nous parlons d’une simple claque, après tout.
Quatre secondes.
Il dérive. Entre deux fleuves aux rivages bien distincts et qu’il ne visualise pourtant que partiellement. Yeux clos, Jarod commence par modéliser une tornade avant de se dire que, peut-être, les personnes habitant la maison derrière lui souhaiteraient éventuellement dormir avec un toit sur la tête pour les mois à venir. Une bourrasque alors ? Non, trop primaire. Un vent du Nord ? Utile, s’il était certain de congeler ces imbéciles en se préservant lui-même. Il n’aime pas spécialement le froid – pas du tout, même – et l’idée de finir la soirée en glaçon dans un quartier peu recommandable de la capitale ne l’attire pas plus que ça. Mais à trop attendre, il va finir par se la prendre, cette volée. Alors quoi ? L’air est cisaillé, sifflement perçant que ses oreilles – bien ouvertes, elles – perçoivent aisément.
Trois-deux-un. Zéro seconde et un silence qui se brise.
Jarod ouvre les yeux, un peu étonné de ce qu’il entend. L’autre a mis de côté l’idée de le frapper et l’a même partiellement lâché le temps de voir d’où provient la menace, sans pour autant réussir à l’éviter. L’instant suivant, il gît au sol, sous les yeux éberlués du professeur libre. Libre ? Jarod se passe une main sur le cou pour vérifier la véracité de la chose, les yeux rivés sur le corps inanimé de son assaillant.
« Fini de jouer les gars. Vous …»
La voix l’oblige à relever la tête vers celle qui se tient à côté de lui, bien que les deux autres blaireaux ne lui laissent pas le temps d’en apprécier les traits. Le temps de se remettre de sa bousculade, un léger sourire étire les lèvres du Navigateur tandis qu’il suit la longue chevelure de celle qui donne plus de coups qu’elle n’en prend, joie teintée d’amertume en songeant à toute la violence qu’elle offre. Peut-être est-ce le seul moyen, après tout. Peut-être est-ce l’unique manière de faire comprendre à ces invertébrés quel est l’ordre des choses et d’insuffler un peu de jugeote dans leurs têtes de pioche. Il n’y croit pas, pourtant. Il aimerait se dire qu’user des poings et refaire des portraits apporte quelque chose de constructif mais ce n’est pas dans ses habitudes, alors…
Il observe avec intérêt les gestes vifs et précis de l’inconnue, hausse les sourcils devant son roulé-boulé sans jamais cesser d’admirer l’aisance dont elle fait preuve. Qui qu’elle soit, cette jeune femme n’a pas l’air d’avoir autant d’états d’âme que lui. Peut-être même n’en a-t-elle pas du tout ? Jarod secoue rapidement la tête pour chasser cette idée. Ça n’existe pas, les gens blasés du combat. Ceux qui prétendent le contraire sont soit des imbéciles, soit des prétentieux ou un savant mélange des deux. Le craquement d’os qui suit l’impact des deux mastodontes lui arrache une grimace dégoutée. Il n’a jamais été vraiment serein avec les fractures – pire encore à la vue du sang. Sol’ passe sa vie à dire qu’elle n’a jamais entendu quelqu’un hurler aussi fort que lui dans ce genre de situation. Pas très gratifiant comme titre mais au moins on parle de lui, non ?
« On file ? »
L’ambre de ses prunelles accroche celles de la jeune femme. Elle s’amuse, on dirait, et cette pensée attise la bonne humeur du Navigateur.
« Pourquoi, vous n’appréciez pas la vue ? »
Il rit, léger de nouveau, rire rapidement éteint et remplacé par un tressaillement lorsqu’un renégat bouge un peu. Sans être un peureux, Jarod n’a pas nécessairement envie d’assister au réveil de ces trois-là. D’un coup de menton, il désigne donc la ruelle qui s’étend devant eux avant de s’élancer. Il ignore combien de temps il court – l’alcool a cette fâcheuse tendance à faire passer pour un marathon ce qui n’est en fait qu’une centaine de mètres – mais il finit par s’immobiliser au beau milieu d’un carrefour. Rien n’a changé : l’odeur est toujours aussi infecte, l’éclairage déplorable et le pavé mal posé. Au moins la solitude est-elle certaine, cette fois. Il se tourne vers l’inconnue, sourire toujours suspendu aux lèvres.
« Vous avez un joli crochet du droit. »
Il se redresse, tente d’apaiser son souffle.
« Mais sans vouloir vous manquer de respect, vos roulé-boulé manquent encore un peu de souplesse. »
Il se mordille la lèvre inférieure pour ne pas rire. Ce serait dommage qu’elle n’ait pas le sens de l’humour et qu’elle lui colle son poing dans la figure, surtout après l’avoir sauvé d’une claque qu’il avait certainement mérité de prime abord. Il promène son regard sur les rues environnantes, laissant un claquement de langue satisfait résonner lorsqu’il constate qu’ils ne sont pas très loin de chez Soline.
« Vous avez faim ? Soif, peut-être ? Quoiqu’il en soit, je connais un endroit charmant où je pourrais vous offrir quelque chose en guise de remerciement. »
Il penche la tête de côté, geste qui entraîne quelques mèches rebelles jusque devant ses yeux.
« C’est par là, dit-il en désignant l’une des ruelles. A quatre blocs d’ici. Il commence à avancer en direction du Cheval Caracolant, puis s’immobilise brutalement avant de se tourner vers elle. Je ne sais pas si vous avez autre chose de prévu mais sinon, peut-être pourriez-vous encore m’aider un peu ? Petit silence, nouveau sourire. Plus amusé encore. Il y a une recette que je tente depuis des années de découvrir… Vous avez le palais fin, dites-moi ? »
Il en demande beaucoup, décidément. Sans compter qu’il doit passer pour plus fou qu’il ne l’est en réalité mais étrangement, cette idée ne l’atteint pas. De son équilibre toujours fragile, Jarod reprend sa marche jusqu’à l’Auberge.
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Neleam
Chevalier__Admin
09.11.16 19:48
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29.11.16 21:34
De la buée devant les yeux et le froid qui brûle, brûle la gorge et le cou, brûle les doigts et le nez, arrachant quelques frissons désagréables lorsqu’il s’engouffre sous sa veste sans crier gare et par tous les côtés. L’hiver approche et avec lui viennent rhumes, verglas et morosité. Jarod déteste cette saison autant qu’il l’apprécie ; curieux paradoxe, qui trouve sa positivité dans les sourires que la neige tire aux enfants comme aux plus grands dès qu’elle déferle sur Al-Jeit, et transforme les paysages qu’il connait pourtant par cœur en vastes étendues de blancheur. Il arrive alors régulièrement que le Navigateur prenne part aux batailles qui confrontent ses jeunes voisins, profitant parfois excessivement de son Don pour recouvrir ses adversaires de poudre immaculée ou se rattraper en cas de glissades improvisées. Il y avait là un peu de ce bonheur qui lui est vital, en somme, et une innocence qu’il se plait encore et toujours à garder.
Pour l’heure, c’est dans le brouillard que notre homme avance, visage éternellement tourné vers le ciel tandis que ses pas se font aveugles, ricochant parfois sur une pierre mal posée ou un déchet qu’un imbécile a laissé là. Il regrette, Jarod, regrette de ne pouvoir admirer le ciel et les étoiles qui le parsèment, voie lactée indubitablement masquée par la lumière orangée qui baigne continuellement les rues. Il s’oblige pourtant à imaginer chaque détail et chaque note de ce spectacle qu’il a déjà passé tant d’heures à contempler, isolé du monde et des gens qui le composent – solitaire perdu dans la beauté, admiratif de la Nature et de ce qu’elle a encore à lui offrir. Un instant, il hésite à faire demi-tour, oubliant momentanément la jeune femme qui l’accompagne le temps d’effleurer l’idée de monter sur l’un de ces toits – et risquer de se briser le cou, un bras ou une jambe mais qu’importe ! Puisque le jeu en vaut la peine, puisque c’est une représentation unique dont il ne se lasse pas et qui pour le moment lui manque. Mais son ventre gargouille et par là-même, lui rappelle encore et toujours pourquoi il avance, inquiet de satisfaire ce besoin primaire qui tord son estomac seulement rempli d’alcool.
« Neleam. »
Le prénom rompt le cours de ses pensées tandis qu’il tourne la tête, surpris qu’elle se soit mise à parler – comme si, quelques secondes durant, il avait pu l’imaginer muette, ou simplement réduite au silence par le tourbillon de questions qu’a sans aucun doute déclenché son précédent comportement. Et cette idée, loin de le brusquer ou de le culpabiliser, fait naître en lui un sentiment de satisfaction ; narcissique quelque part certes, mais jamais bien longtemps. Un nouveau sourire vient s’épandre sur ses lèvres tandis qu’il s’immobilise à quelques mètres d’elle.
« Ne-le-am. »
Et le professeur se fait songeur, cherchant d’où peut bien provenir ce ravissant prénom, tentant de deviner sous chaque syllabe la puissance et l’éloquence de racines qu’il ne connaît pourtant pas. Il se mordille la lèvre et tourne sur lui-même, mains trouvant de nouveau ses cheveux d’un geste qu’il sait évasif pour que finalement, son regard accroche celui de sa sauveuse.
« Je m’appelle Neleam, et je vous en prie, vous sauver la vie m’a fait extrêmement plaisir ! »
Il acquiesce, perçant l’ironie dans son berceau sans pour autant s’en formaliser – au contraire, Jarod se l’approprie, tête légèrement penchée sur le côté alors qu’il s’entend répondre :
« C’est un joli prénom. »
Ses paupières papillonnent et son sourire lui barre littéralement la figure – son corps tout entier trahit son amusement. Il n’a jamais été doué pour ça. Cacher ce qu’il ressent, il en est incapable ou du moins, jamais totalement. Il reste toujours un peu de tristesse dans l’ambre de ses yeux, toujours un soupçon de folie au creux de ses lèvres et une vie de curiosité plaquée sur ses traits fins. Pour l’heure, il la contemple en silence. Il n’attend pas d’elle qu’elle reprenne la parole – ce qu’elle fait pourtant, avec plus d’aplomb et de vivacité qu’elle n’en a eu jusqu’alors, audace qui amène l’homme à se féliciter d’avoir vu juste : elle sera d’une excellente compagnie pour ce soir. Ou peut-être plus, qui sait ?
« Mais comme vous êtes trop ivre pour porter atteinte à ma pudeur, et que je n’ai rien prévu pour le reste de ma soirée, je vous suivrais dans… le lieu où vos pas réussiront à nous mener. Pour ce qui est de mon palais, je ne promets rien ! Elle rit, et ce rire amène celui du Navigateur, dont l’hilarité n’a d’écho que les vertiges de son ivresse. Mais je peux essayer, à condition qu’il y ait de quoi boire, j’avoue que tous ces exercices physiques m’ont donné soif ! »
Et Jarod d’approuver, frappant des mains pour marquer son excitation tandis qu’il rit encore, avant d’attraper Neleam par le bras pour l’entraîner dans son sillage.
« Il y a de quoi faire, ne vous inquiétez pas pour ça ! »
Il oublie de se présenter une fois de plus, oubli qui se cumule à tous ceux qu’il a déjà fait ces dix dernières minutes et dont il se moque totalement. Il est peut-être fou après tout mais par la Dame, que cette folie est douce ! Libératrice, même. Et au fond, Jarod n’est pas plus égoïste qu’un autre, bien décidé à partager un peu de cette allégresse avec celle qui pense l’avoir sauvé – et peut-être l’a-t-elle fait, d’une certaine manière. A défaut de le préserver de ces poings dont il aurait aisément pu se délivrer, elle l’a tiré de cette mélancolie qui le tenait enserré entre ses griffes. Maintenant, il rit. Et cette joie l’apaise autant qu’elle le subjugue, exultant à travers ses pas pressés ou les petits sauts qu’il esquisse de temps à autre.
« Vous ne trouvez pas qu’il y a trop de lumière dans cette ville ? Et ces bras qui se lèvent, décrivent de grands cercles tandis qu’il tournoie encore, manquant de tomber à la renverse lorsque son équilibre se rompt. On ne voit même pas les étoiles, par le Dragon ! Je suis pour faire éteindre tous ces stupides lampions. De toute manière, ils ne servent à personne. »
Il fronce les sourcils, maugréant quelques insultes à destination de la prochaine boule lumineuse avant que ses épaules ne se relâchent une fois encore.
« C’est ça ! Il crie presque, inconscient de l’heure qu’il est ou de la surprise qu’il peut susciter chez Neleam. Dès demain, je créerai une pétition. La signerez-vous ? »
Ce sourire de nouveau, qui dévoile une rangée de dents blanches sur son visage angélique. Il ralentit alors que l’Auberge se profile, s’immobilisant brusquement à quelques pas de la porte d’entrée. Lentement, Jarod se penche vers la jeune femme, et baisse la voix jusqu’au murmure.
« La propriétaire des lieux est un peu étrange mais ne vous affolez pas, elle ne me résiste pas. Il prend un air victorieux. Je sais comment la dompter ! »
D’un mouvement vif, il abaisse la poignée et pousse la porte d’entrée.
« Aubergisteeee ! J’exige du poulet ! »
Il ne reste heureusement plus qu’une poignée de clients à cette heure de la nuit. Tout en ignorant les regards interloqués qui se posent sur lui, le Navigateur chancelle jusqu’au bar où il s’accoude. Il ne faut pas longtemps à la crinière rousse pour faire son apparition – apparemment remontée comme une pendule du fait de son entrée magistrale.
« Bon sang Jarod ! On ne t’a jamais appris la discrétion ! Elle claque le bout de son torchon sur les fesses du Navigateur – couinement masculin à l’appui – puis s’interrompt en voyant qu’il est accompagné. Qui est ton amie ? » « Soline, je te présente Neleam. Neleam, Soline est la matrone… gérante de ce charmant établissement. »
La rouquine s’approche de la jeune femme et lui sert la main avec douceur.
« Je suis ravie de vous connaître, Neleam, même si j’ignorais que Jarod avait des amis. »
L’intéressé lève les yeux au ciel.
« Pourquoi avoir des amis puisque je t’ai toi ! » « Hmm. De quoi tu as besoin? »
Elle le connait si bien.
« De deux assiettes de poulet et d’une tournée générale. Cette demoiselle m’a sauvé la vie, je lui dois bien ça ! » « Vraiment ? Sol paraît surprise, sur le coup. Il faudra que vous me racontiez ça. Elle désigne du menton la salle derrière elle. Installez-vous, le temps que j’apporte ce qu’il vous faut. Que voulez-vous boire, Neleam ? »
Le professeur n’attend pas la réponse de la jeune femme pour aller s’affaler sur sa chaise favorite, lui laissant le loisir – ou non – de le rejoindre. Lorsqu’elle choisit finalement de prendre place en face de lui, Jarod ne perd pas une minute pour se pencher vers elle, curiosité prenant enfin le pas sur tout le reste.
« Alors Neleam, et si vous m’expliquiez ce qui vous pousse à vagabonder dans les rues sombres d’Al-Jeit ? Et ne me parlez pas de sauver des chatons en détresse, il n’y avait que moi et je suis loin d’avoir le raffinement nécessaire. »
Déconcertant, lui ? Si peu.
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Neleam
Chevalier__Admin
11.12.16 22:33
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27.12.16 1:13
Et tournent, tournent le monde et la bague qu’il tient entre ses doigts, tournent la vie et surtout cette fourchette, dont l’acier vient finalement tapoter sur le bois de la table en un battement régulier. Il a faim, soif, chaud peut-être aussi, à moins que cette chaleur ne soit qu’un énième effet de l’alcool qui parcourt ses veines avec toujours plus de ferveur. Les yeux rivés sur Neleam, Jarod perçoit pourtant à peine le malaise qui s’empare d’elle à sa question, persuadé qu’il peut mettre sa soudaine mine renfrognée sur le compte de l’attente – toujours trop longue – de ce fabuleux poulet.
« Je… réfléchissais. Je sondais les tréfonds de mon âme, sans regarder où me menaient mes pieds ni sans me préoccuper de l’heure. »
Il hausse un sourcil, plus perplexe qu’autre chose, comme si l’idée de se perdre pour mieux se retrouver lui était tout bonnement inconcevable. On peut s’oublier, oui. Devant une bière ou dix, faire abstraction de ce qui nous emprisonne, passer outre les serrures de cette cage dorée dans laquelle certains se complaisent à vivre plus que nécessité… Mais obtenir des réponses en marchant au hasard ? Quelle drôle d’idée. Pour autant, son ouverture d’esprit finira par prendre le dessus, en atteste le sourire qui brille sur son visage tandis qu’il déclare simplement :
« Je connais des coins plus sympathiques, si vous désirez prendre un peu l’air. »
Il ponctue sa remarque d’un vague mouvement d’épaules, agitant de nouveau sa fourchette sous le nez de la jeune femme et s’emparant de sa chope de la main qu’il a laissée libre.
« Néanmoins, vous êtes plutôt bien tombée ! Déjà, parce que vous êtes maintenant en charmante compagnie… Petit clin d’œil à l’appui. Ensuite parce qu’il n’est rien qu’un bon repas ne puisse aider à éclairer ! »
Et cette vérité attise son rire et fait lever les yeux au ciel à Soline, qu’il aperçoit nettement en arrière-plan. Elle le surveille, la rouquine, épie ses moindres faits et gestes, en attendant celui qui le révélera tout entier – cet instant où Jarod ne saura plus se contrôler et laissera libre-court à sa folie, si tant est qu’elle l’aide à arracher un véritable sourire à Neleam. Il a toujours été ainsi, après tout, et il n’y a aucune raison que ce soir déroge à la règle.
Il plonge le nez dans sa pinte et en boit une gorgée, laissant un soupir de satisfaction éclore au creux de sa gorge au moment où sa compagne reprend la parole.
« Tu dessines… ? »
Il se redresse subitement, comme si le simple fait de lui poser cette question avait rendu à sa bière l’amertume d’une fermentation trop prononcée. Pourquoi lui demander cela maintenant ? Peut-être était-ce juste un moyen maladroit de faire la conversation. Peut-être aussi en allusion à cette récente altercation avec les abrutis de la ruelle. Il faut dire qu’il n’avait pas joué la carte de l’homme effrayé, ce soir – l’ivresse lui donne toujours l’impression qu’il ne risque rien et que son Don le protège de tout ; ce à quoi Granma répondrait qu’il n’a qu’un petit pois en guise de cervelle et qu’un jour où l’autre, il lui arrivera des bricoles, avant de le gaver à coups de madeleines et de sablés. Il dépose finalement son verre, sourire s’élargissant au fur et à mesure qu’une idée germe sous son crâne.
« Dessiner ? Oh, je sais faire mieux que ça. »
Plus tard, il sera certainement capable de lui avouer qu’il n’est pas bon dessinateur et, à défaut de l’expliquer, montrer à Neleam que son talent réside ailleurs ; autrement dit, dans son identité de Navigateur. Mais pour l’heure, voilà Soline qui approche avec deux assiettes fumantes, Jarod frappant fort dans ses mains et l’acclamant tandis qu’elle dépose les plats devant eux, ignorant avec superbe les regards interloqués et plus ou moins agacés qui se figent sur lui. Il n’a plus d’yeux que pour ce poulet aux senteurs épicées et cette association de couleurs qui baignent dans leurs assiettes.
« Jarod, tiens-toi tranquille, tu vas faire fuir tous mes clients. »
Elle le réprimande plus pour la forme qu’autre chose, alors que son attention se pose rapidement sur Neleam qui la complimente.
« Merci Soline ! Ça sent très bon, ce qui est un bon début ! »
L’aubergiste hoche la tête sans répondre, tout en s’installant à leurs côtés. Elle n’est pas de celles qui ont le rose aux joues à la moindre occasion et surtout, elle connaît l’effet prodigué par ce plat. Elle en a vu, des sourires se dessiner à la première bouchée, des visages s’éclairer au fur et à mesure que les arômes se dispersent dans la bouche, et Neleam n’échappe pas à ce spectacle que Jarod trouve lui assez singulier. Malgré l’impatience qui le dévore, le professeur n’a toujours pas touché à son plat, observant d’un air amusé la manière avec laquelle la jeune femme s’attaque au sien.
« Et c'est délicieux. » « Ah ! Je vous avais bien dit que ça en valait la peine ! »
Il donne un léger coup de coude à Soline, cette expression taquine toujours solidement ancrée au visage.
« Un domaine dans lequel tu excelles, ma douce. » « Ne fais pas comme si c’était le seul. »
Il jette un coup d’œil faussement exaspéré en direction de Neleam avant d’éclater de rire. Bien sûr qu’il y en a d’autres, mais est-ce utile de le préciser ? Jarod plonge donc sa fameuse fourchette dans le poulet et y goûte à son tour, savourant avec cette exagération qui lui est propre cette palette de saveurs.
« Vous formez un couple d’amis plutôt détonant, comment vous êtes-vous rencontrés et ça dure depuis combien de temps ? »
Il secoue doucement la tête à cette question. Il sait très bien comment cette scène va se terminer et surtout, qu’il devra – une fois encore – ramener Soline à cette réalité qu’elle a tendance à facilement quitter lorsqu’elle raconte l’histoire de leur rencontre. Et pourtant, c’est l’un des rares plaisirs qu’il ne s’autorise pas à lui voler.
« Ah ! Et tutoyez-moi s'ils-vous-plait, je n'ai pas (encore) quarante ans. »
Il joue plutôt bien l’étonné, avouons-le.
« Vraiment ? Et tu ne perds pas ton dentier ? Je suis déçu, moi qui m’attendais à une nouvelle méthode de dégustation de poulet… »
Sol pousse son visage du plat de la main pour le faire taire.
« D’accord, va pour le tutoiement ! De toute manière ça m’arrange, je ne suis pas aussi coincée que Jarod quand il s’agit de m’ouvrir aux gens. »
Elle rit de bon cœur en voyant la mine outrée du principal concerné, qui est bien trop occupé à s’empiffrer pour songer à lui répondre.
« Quant à ta question… Oh, ça doit bien faire seize ans que je le supporte. » « Hmpf ! Che qu’il faut pas entendre ! »
Elle lui tapote l’arrière du crâne.
« On ne parle pas la bouche pleine, vieux crado ! Je te l’ai déjà dit. Elle hausse les épaules, poursuivant. Quant à l’histoire de notre rencontre… Pour faire court, je l’ai retrouvé ivre mort et assis tout seul sur un trottoir, au beau milieu de la nuit. Oui, je sais ce que tu te dis : ça sonne comme une habitude ! Elle éclate de rire, à nouveau. Mais je t’assure qu’il y a des jours où il est parfaitement sobre. » « Dit comme ça, tu donnes l’impression que c’est un exploit. »
Elle ne se formalise pas de sa moue boudeuse – seize ans, ça donne largement le temps d’apprendre à ne plus s’émouvoir de la gaminerie de Jarod.
« Je l’ai ramené à l’Académie, et cet imbécile a tenté de m’embrasser. » « Oh ça va ! C’était juste pour vérifier que je ne te plaisais pas. Il lève les yeux au ciel, pour enfin les laisser s’accrocher à ceux de Neleam. Et elle me l’a très nettement confirmé, d’ailleurs. » « Je lui ai collé une droite mémorable. » « A m’en briser la mâchoire ! »
Sol s’amuse, oubliant pour quelques instants l’ébriété de son ami au profit du conte, et sa bonne humeur est contagieuse.
« Et puis, il m’a finalement retrouvée – j’ignore toujours comment d’ailleurs. Aussi dingue que cela puisse paraître, cette crevette des sables s’est excusée. La suite… Eh bien, peu importe. On en est là. »
Elle hausse les épaules tandis que le Navigateur l’observe, malicieux, jusqu’à tourner les yeux vers Neleam.
« Ça en valait la peine ! Avec ça, j’ai gagné une cuisinière, une tavernière, et une nounou accessoirement. »
Il fait mine de se décaler pour éviter le coup de torchon assassin, sans grand succès.
« Mais en dix ans de dégustation, je n’ai jamais réussi à trouver l’ingrédient secret de cette recette. Alors, si tu te sens inspirée… »
Sol pousse un profond soupir, attirant son attention.
« Est-ce que tu pourrais avoir l’élégance de la laisser finir son plat avant de la rendre dingue avec ta quête impossible, hm ? A Neleam. Je suis désolée d’ailleurs, s’il t’a causé des problèmes. J’ai essayé toutes les méthodes d’éducation avec ce galopin pour en arriver… A ça. »
Elle désigne du bout des doigts un Jarod rayonnant, qui bombe le torse de fierté pour l’occasion.
« Un modèle unique ! »
Et heureusement.
« Et toi ? Tu es du coin, Neleam ? Que fais-tu dans la vie ? »
Jarod cesse de mastiquer, suivant soudainement la discussion avec un grand intérêt ; le moment est venu de voir si ses prédictions étaient les bonnes… Sol, quant à elle, se redresse brusquement et les dévisage tour à tour.
« Et d’ailleurs, comment tu en es arrivée à le sauver ? »
Le Navigateur cligne des yeux un instant, invitant finalement d’un geste du menton la jeune femme à se lancer ; puisque voilà une histoire qui mérite, elle aussi, d’être racontée.
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Neleam
Chevalier__Admin
21.01.17 22:01
HRP:
Je suis vraiment désolée pour le délais supra long.... U.u Et j'avoue que j'ai du mal à me replonger dans le RP, donc ma réponse est pas folichone... mais je me rattraperais !