Mon personnage Sexe et âge: Femme de 27 ans Aptitudes: Enchaîne sans difficulté les pas sur le côté
Elyssa Cil'Darn
Dessinateur
21.10.16 12:04
Flashback : Automne CC-4
Comme tous les midis, le réfectoire était en ébullition.
Comme tous les midis, Elyssa déjeunait avec ses copines. C’était leur rituel : une table exclusivement féminine pour pouvoir se tenir au courant de tous les ragots de l’Académie. Exit les camarades masculins, exit les petits-copains. Juste six amies qui déjeunaient ensemble. Le dîner était en revanche moins cérémonieux, puisque seuls les internes restaient sur place.
Mais au-delà de cette impression superficielle, la jeune Dessinatrice se serait difficilement coupée de ce petit moment quotidien. Discuter, rire, rêver… Cette pause lui était indispensable pour se ressourcer entre deux demi-journées de cours. Surtout lors de journées comme celles-ci, après une matinée passée à tenter de s’élever dans l’Imagination pour en faire sortir quelque chose de potable. Sa grande faiblesse.
Une poignée de mois seulement s’était écoulée depuis son entrée à l’Académie. Elle n’avait eu aucun mal à s’habituer à cette vie nouvelle, loin de l’étau familial, ni à rapidement nouer des liens avec les autres élèves.
Elyssa passa distraitement en revue les tables, toutes occupées, de la grande salle. Son regard se promena sur les visages animés sans s’arrêter, sauf lorsqu’un quelconque intérêt le retenait sur une physionomie. Or la table exclusivement masculine, dont les occupants dirigeaient leurs regards avec insistance vers la sienne, ne l’intéressait pas. Pas sur le moment. Elle porta donc sa fourchette à sa bouche tout en continuant à sonder la salle, complètement abstraite aux conversations de ses amies. Alors qu’elle arrachait à sa fourchette le morceau de steak de coureur qui s’y trouvait, son regard s’arrêta sur un élève, dont l’attitude tranchait radicalement avec celle de ses camarades. Visage fin, yeux plus clairs encore que les siens, cheveux noirs. Un calme étonnant, au milieu de toute cette agitation bon enfant. Il ne semblait pas vouloir prendre part aux discussions de la tablée à laquelle il s’était placé.
Juste au moment où elle allait croiser son regard, la main de Kryss sur son avant-bras détourna son attention du visage du jeune homme pour celui de son amie. - Elie, tu rêves ? On a fini de manger !
L’étudiante ne s’était même pas rendu compte qu’elle avait fini son assiette. Sur un sourire, elle reposa ses couverts, attrapa la pomme qui constituait son dessert (le flan ne l’inspirait décidément pas) et se leva dans le même mouvement que ses camarades pour débarrasser son plateau.
- Qu’est-ce qu’on a après ? demanda-t-elle, toujours aussi distraite.
- On continue le cours sur Merwyn, lui répondit son amie et colocataire.
- Chouette.
Sa voix manquait terriblement d’entrain. La vie et l’art du légendaire dessinateur étaient captivants. La façon dont le professeur les leur enseignait l’était beaucoup moins.
- Et après ?
- Pas sur le côté. Il faut vraiment que t’arrêtes de sortir le soir, t’es à la ramasse ma pauvre !
Elyssa sourit. Elle y réfléchirait. Tout en sachant qu’elle n’allait pas abandonner de sitôt cette vie, cette véritable vie, qui avait commencé à son arrivée entre les murs de l’Académie.
L’annonce du dernier cours de la journée la ravissait. Le pas sur le côté était le seul domaine dans lequel elle était certaine de ne jamais se ridiculiser, tant Maître Jil' Falkhu la complimentait. Ridiculiser était un bien grand mot, chaque élève avait ses difficultés et ne pointait pas du doigt son camarade à la première faiblesse.
Mais Elyssa avait placé tellement hauts ses espoirs qu’elle ne supportait aucun échec.
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Caym Cali
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21.10.16 13:54
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Elyssa Cil'Darn
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21.10.16 15:48
Interrogation surprise. Chouette. La mine réjouie de leur professeur à leur entrée dans la salle de classe aurait dû lui mettre la puce à l’oreille. Elle regrettait déjà de ne pas avoir fait demi-tour. Par précaution, bien qu’ils n’eussent pas encore eu de cours sur la conversation mentale (et que cette dernière ne soit accessible qu’aux dessinateurs talentueux), un gommeur trônait fièrement sur le bureau du professeur, pour prévenir toute tricherie. Elyssa n’avait pu retenir une moue de dégoût devant l’aspect gluant et les yeux globuleux de la créature. Puis les sujets avaient été distribués. Chouette.
Peut-être aurait-elle dû écouter Kryss, tout compte fait. Réviser, dormir, plutôt que d’aller traîner dans une taverne avec d’autres étudiants aussi sérieux qu’elle. La jeune dessinatrice se mordit l’intérieur de la joue en découvrant les questions.
Cette interrogation allait être une catastrophe. Les questions, d’apparence simplistes, étaient bien trop vagues pour que la brunette puisse étaler ses mots sur le papier sans que son professeur ne se rende compte du vide phénoménal de ses connaissances historiques. Pour tenter de se rasséréner, elle promena son regard sur la salle, comme elle aimait le faire. Il y avait deux types d’élèves : ceux qui connaissaient leur cours par cœur, qui grattaient le papier à une allure effrénée, et ceux qui se contentaient d’attendre, bouche ouverte et yeux rivés au plafond, une quelconque inspiration. Mordillant son crayon de peur de finir par être considérée comme membre à part entière du second groupe, son regard se posa sur son voisin, à la dérobée pour que le professeur ne s’y méprenne pas. C’était le garçon réservé qu’elle avait vu au réfectoire. Elle n’avait jamais vu de type aussi coincé. Il n’ouvrait jamais la bouche. Elle était persuadée de n’avoir pas encore entendu le son de sa voix. Le garçon en question écrivit en tout et pour tout cinq lignes, avant de poser son stylo d’un air satisfait. Elyssa ne put s’empêcher de le fixer, tant il paraissait fier de n’avoir répondu à aucune question. Haussant un sourcil circonspect, elle sembla se dire que son voisin ne valait pas la peine de s’interroger quant à cette attitude des plus étranges, et reporta de nouveau son attention sur sa page désespérément vierge. Elle ébouriffa machinalement ses cheveux, désormais plongée dans une intense réflexion. Les mots de la question, "Quelles leçons peut-on tirer de la vie de Merwyn Ril’Avalon ?" dansaient devant ses yeux. Puisqu’elle n’avait rien à perdre, autant tenter la carte de l’humour… Elle se contenta donc d’écrire ces quelques mots de sa grande écriture bouclée. Les seuls mots qui aient étrangement réussi à capturer son attention à la tentative de lecture d’un ouvrage de la bibliothèque. « L'Art du Dessin n'est rien à côté d'une bonne salade de champignons. »
Complètement plongée dans sa réponse, elle ne se rendit pas compte qu’un sourire étirait ses lèvres à la relecture de cette phrase. Si son prof avait de l’humour, il était certain qu’elle obtiendrait un bonus, qui rendrait sa note un peu moins pitoyable. Le regard de l’homme qui les surveillait lui ôta toutefois très vite cet espoir. Cet homme n’avait aucun humour. Un vice rédhibitoire d’après Merwyn. Merwyn avait tout compris.
Sur un profond soupir, Elyssa passa à la seconde question.
♦
Lorsque le professeur frappa dans ses mains pour annoncer la fin de l’épreuve, réveillant par la même occasion un fêtard endormi sur sa copie, la jeune fille parcourut d’un rapide coup d’œil la quantité de texte qu’elle avait écrit avec soin pour tenter d’amadouer le correcteur. Pas trop mal pour une improvisation. Elle tendit sa copie au professeur sur une moue à demi convaincue. Une bonne chose de faite. Elle aviserait le jour de la note. Pour l’heure, les élèves avaient désormais un cours bien plus intéressant…
♦
Contrairement aux autres cours, elle fut l’une des premières arrivées.
Comme à son habitude, maître Jil' Falkhu leur avait donné rendez-vous à un endroit différent de l’Académie, afin de repérer les élèves qui étaient parvenus à dessiner sans mal leur pas sur le côté, et ceux qui mettaient un temps plus conséquent. Cette aptitude, comme tout autre dessin, était très variable d’un élève à l’autre. Cette aptitude pourtant, était la seule qu’Elyssa maîtrisait parfaitement. Du moins au niveau qu’elle lui était enseignée.
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Caym Cali
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21.10.16 15:59
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Elyssa Cil'Darn
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24.10.16 13:19
Elyssa était en pleine conversation avec son professeur de pas sur le côté, celui avec lequel elle s’entendait le mieux. Il faut dire que celui-ci était particulièrement jeune, et plutôt agréable à regarder. Un excellent remède à la morosité que lui inspirait l’enseignant du cours précédent. Elle ne put retenir une grimace au souvenir de cette interrogation traîtresse, grimace qui n’échappa pas à l’œil avisé du jeune professeur.
- Quelque chose ne va pas ?
Et attentionné, avec ça.
L’élève se contenta d’éluder la question d’un sourire charmeur charmant avant de poursuivre la passionnante discussion qui les occupait depuis maintenant dix bonnes minutes. Le cours était presque terminé. Le professeur s’était contenté d’envoyer les élèves récupérer des billes de couleur (une couleur par élève, pour éviter les redistributions) à divers endroits de l’Académie, peu éloignés, le Verrou empêchant tout pas de côté trop hardi. Malgré le Verrou, Elyssa n’avait rencontré aucune difficulté à se déplacer. Elle se doutait qu’un pas sur le côté qui la mènerait au dehors de la capitale n’était pas envisageable, mais là où certains élèves ne parvenaient pas à se déplacer dans la ville, ou même au sein de l’Académie, Elyssa pouvait voyager à son gré. Elle en était juste radicalement plus fatiguée. Aussi, puisqu’elle n’avait plus besoin de faire ses preuves dans cet exercice, avait-elle préféré rester avec le sieur Jil’ Falkhu, plus attrayant que des billes de couleur.
- Monsieur Cali ! Quelle bonne et heureuse surprise que de vous voir parmi nous.
Elyssa se retourna pour pouvoir associer un visage au nom qu’elle venait d’entendre. Tiens, le garçon coincé qui ricanait tout seul devant sa copie blanche ! Elle reporta successivement son attention sur le visage des deux hommes qui lui tenaient compagnie dans la pièce. Ce n’était qu’un échange rendu étrange par une intonation, par un sourire bancal, entre deux égos un peu trop prononcés.
- Vous arrivez en retard, vos camarades viennent de partir, mais vous pourrez les rejoindre à la porte principale. Grâce à un pas sur le côté, évidemment.
L’heure de vérité avait sonné, elle allait pouvoir voir si ce gars-là était capable de dessiner, puisqu’il avait jusque là été trop discret pour se faire remarquer. Mais le professeur se délectait apparemment un peu trop de la situation :
- Nous vous observons.
Pendant une fraction de secondes, la brunette ouvrit des yeux ronds. Elle n’avait aucunement demandé à être mêlée à cet affrontement d’arrogance. Toutefois, que Jil’ Falkhu la considère comme témoin au même titre que lui – n’avait-il pas dit « nous » ? – l’emplissait d’une certaine fierté, qu’elle ne se permit pas de dévoiler. La mâchoire crispée du camarade l’en dissuadait fortement.
La réaction de l’intéressé ne se fit pas attendre. Ce ne fut qu’une fois que sa silhouette eut disparu de l’encadrement de la porte qu’Elyssa prit conscience qu’elle n’aurait pas sa réponse. Problème d’égo ou problème de Dessin ? Après réflexion, elle songea plutôt à cette deuxième option. Si Cali possédait un Don qui lui eût permis d’écœurer son professeur, elle était persuadée qu’il ne s’en serait pas privé. Un concurrent direct en moins au poste de Sentinelle, songea-t-elle avec un plaisir nullement coupable. Après tout, ce n’était sûrement pas sa copie du cours précédant qui l’aiderait à rattraper un faible pouvoir. Ce n’était sûrement pas la sienne non plus, mais elle chassa rapidement cette pensée négative de son esprit, préférant reprendre la discussion engagée quelques minutes plus tôt comme si rien ne s’était passé.
♦
- Elie, je crois qu’il y a un mec qui te reluque…
Brusquement sortie de la discussion qu’elle avait lancée entre l’entrée et le plat principal, et qui était bien partie pour s’éterniser jusqu’à la fin du repas – une banale histoire de fête de fin d’examens – la jeune femme tourna un œil malicieux vers sa voisine. Elle filait le parfait amour – depuis trois semaines environ – avec Flinn, mais pouvait difficilement résister à l’idée de continuer à plaire.
- Mais… c’est limite flippant, il ne te lâche pas des yeux.
Le sourire s’épanouit plus largement sur les lèvres de l’intéressée avant que, dans un jeu d’actrice parfaitement huilé (le jeu, pas le corps de l’actrice), elle ne passe une main dans sa crinière châtain, en gardant les yeux parfaitement rivés sur son interlocutrice.
- Ou ça ?
- Nord-Ouest.
Elie fronça le nez quelques instants le temps de se remémorer ses points cardinaux. Contrairement à sa voisine, son père n’était pas marin, et elle avait toujours eu du mal avec ce type d’orientation. Alors seulement, elle accrocha un regard. Celui du gars qui devait sûrement lui en vouloir à mort pour s’être trouvée au mauvais endroit au mauvais moment.
Son sourire s’effaça instantanément, ses yeux quittant leur éclat rieur pour celui de la prudence avec laquelle on cherche à déceler les choses. Ce garçon-là ne la reluquait pas, contrairement à ce que pensait son amie. Elle avait fait chavirer assez de cœurs pour reconnaître l’attirance dans le regard d’un homme. Que lui voulait-il ? Elle n’en avait pas la moindre idée. Et puisqu’il n’y avait qu’un moyen de le découvrir…
Elle laissa là la moitié de son dessert, la conversation qui attendait sa réponse, la voisine qui avait observé l’échange silencieux avec attention, et s’extirpa de l’espace restreint entre les chaises avec sa grâce naturelle. En quelques pas déterminés, qui laissèrent résonner dans la cantine ses bottines à talons, elle se retrouva appuyée sur la table, paumes sur le bord, en face de Caym. Un étrange calme s'était emparé de la tablée qu'elle avait quittée. A la vue de l’épaule gauche que dévoilait sa tunique au col large, le voisin de Caym – si tant est qu’on puisse l’appeler ainsi, puisqu’il était assis à deux chaises vides de lui – en oublia de porter sa cuillère à sa bouche.
Sans le quitter des yeux, avec une assurance qu’elle était loin de posséder, mais qu’elle maniait si bien, Elyssa rentra dans le vif du sujet.
- Un problème ?
Ses yeux gris reflétaient son indécision par les multiples expressions qui s’y disputaient : fierté, prudence, curiosité, appréhension, … rendant son regard tout bonnement impossible à interpréter. Problème d’égo ou problème de Dessin ?
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Caym Cali
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24.10.16 22:06
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Elyssa Cil'Darn
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05.11.16 21:43
Elle s’était attendue à tout, sauf à ce qui s’ensuivit. D’ordinaire, les garçons perdaient leurs moyens devant ses iris gris. Certains détournaient les yeux, d’autres restaient rivés sur son regard avec un air béat, d’autres encore fuyaient carrément la pièce. A priori, celui qu’elle considérait comme un petit nouveau tant il s’était fait discret n’était pas ordinaire. Car s’il ne lâchait pas son regard magnétique, ce n’était pas dans l’attitude passive de ceux qui perdaient leurs moyens. Non seulement accrocha-t-il son regard, mais il s’offrit même le luxe de se lever, de contourner la table et de se rapprocher d’elle. Dangereusement. Elle ne le lâcha pas non plus des yeux. Dangereusement.
Ses yeux s’étrécirent en un regard suspicieux alors que le garçon dont elle ignorait toujours le prénom, dans un mouvement de hardiesse, passa une main dans ses cheveux ondulés. Elle aurait aimé réagir, étaler une fois de plus sa fierté dans un mouvement de défense – et d’attaque – mais ses parents avaient toujours refusé de lui laisser apprendre les rudiments du combat. Elle aurait aimé lui délivrer ne serait-ce qu’une claque magistrale, mais le plus périlleux des états d’esprits l’avait piquée. Curiosité.
La scène lui paraissait interminable, et pourtant tout se déroulait relativement vite. Se demandant si elle était prête à payer de sa fierté et de sa réputation le prix que requerrait sa soif de réponses, sa jambe droite amorça un mouvement de recul en se plaçant en retrait. Tous ses muscles arrêtèrent pourtant de lui répondre, se crispant sous le souffle chaud du dessinateur qui s’était encore rapproché d’elle. Son dernier réflexe vital fut le Dessin. Celui qui se refusait à elle, sauf dans ce genre de situation. La douche glacée qui s’apprêtait à inonder l’ensemble du réfectoire fut fort heureusement avortée par la réponse qui s’était tant fait attendre. Le dessin se désintégra juste avant de basculer dans la réalité au son d’une voix au creux de son oreille.
- Aucun. Mais toi et moi, on pourrait faire équipe.
Elle s’arracha à cette tension étouffante en achevant de reculer. L’amusement avait cédé sa place à la défiance. Plus aucune flamme ne dansait derrière ses pupilles. Jusqu’à son sourire qui s’était évanoui. Etrange contraste, puisque pour la première fois, un sourire s’empara des lèvres du brun. Qui n’était définitivement pas un élève d’une timidité maladive.
Elyssa le suivit des yeux alors qu’il quittait la cantine sans un regard en arrière. Alors que ce qui venait de se passer aurait plutôt dû la réchauffer, elle réprima difficilement le frisson glacé qui l’avait menacée dès qu’il s’était éloigné. Elle croisa les bras et tourna les talons avant qu’il n’ait atteint la porte, affectant un désintérêt profond. Le fait était qu’elle avait beau chercher, elle ne trouvait ni les mots, ni le sens relatif à ce qui venait de se passer.
- Elie, c’était quoi ça ?
La voix de Kryss, assise en face d’elle pour le repas, l’empêcha de continuer à démêler ses interrogations tandis qu’elle était de retour derrière sa chaise. Elle prit soudainement conscience de la quinzaine de paires d’yeux autour de la table qui ne la lâchaient pas, jusqu’à ceux de sa voisine de table, surexcitée d’avoir contribué à déclencher l’animation de la soirée. Elle se contenta d’enfiler sa veste, d’attraper son plateau, et de repousser sa chaise avec sa hanche, avant de répondre:
- J’en ai aucune idée.
♦
L’épisode de la cantine la préoccupait fortement. Bien plus que ses révisions, d’ailleurs. Elle détestait être décontenancée. Elle menait la danse d’habitude. Elle jouait avec les garçons. Elle n’était pas une proie. Toutefois, quelque chose l’empêchait d’aller rendre à ce type la monnaie de sa pièce. Ce qu’il avait dit la taraudait. Elle ne pouvait s’empêcher de penser que « faire équipe » ne faisait pas partie du vocabulaire codé pour désigner « engager une relation », ni même pour signifier « s’amuser sous les draps ». Mais que lui voulait-il alors ?
Une fois de plus, la voix de Kryss la sortit de ses rêveries.
- Bah alors, tu n’es pas à cette soirée à l’auberge dont tu m’avais parlée ? Tu t’es décidée à te mettre au boulot ? C’est formidable !
Elyssa ne put s’empêcher de sourire face à l’ironie de sa colocataire. Et face à sa propre perte de la notion du temps. Pour toute réponse, elle se dirigea énergiquement vers son armoire, en sortit une robe beige aux manches longues, assez moulante pour mettre en valeur sa silhouette sans la rendre vulgaire, et ôta sa tunique pour revêtir sa tenue de soirée. Mais avant de passer sa robe, une tache inhabituelle attira son attention. Là, délicatement appliquée contre le bord de son bandeau de poitrine, une marguerite semblait avoir poussé. Elle fronça les sourcils. Depuis quand des fleurs poussaient-elles dans son décolleté ? Elle posa la fleur sur une étagère du placard, puis se remit à se vêtir, ne trouvant toujours pas d’explication à cet étrange phénomène floral, avant de chausser des bottines plates en peau de siffleur, d’attraper sa veste en cuir brun et de lancer un « A demain ! », bien consciente que son amie dormirait déjà depuis belle lurette quand elle serait rentrée. Juste avant de disparaître, elle attrapa la petite marguerite et la glissa dans sa poche.
♦
Le Verrou qui bloquait les Spires avait beau être terrible pour tout l’Empire, elle ne pouvait s’empêcher de songer avec une pointe de culpabilité que dans ce cas précis, il arrangeait bien ses affaires. Elle pouvait sortir sans avoir peur d’être pistée par les intendants de l’internat, qui ne soupçonnaient pas que des élèves puissent effectuer des pas de côté en dehors de l’Académie. Elle pouvait donc sortir sans que cela ne soit notifié sur son dossier scolaire…
Les yeux cernés de la jeune dessinatrice cherchèrent à accrocher les aiguilles d’une horloge. Lorsqu’elle en trouva enfin une, au milieu de la chaleur oppressante de la salle principale de l’auberge, reconvertie en piste de danse, elle remarqua avec consternation que la nuit était plus qu’avancée. Elle salua ses amis, ceux qui restaient fidèles à toutes les soirées de la capitale, ceux qu’elle avait rencontrés pendant celle-ci, et sortit à l’air libre pour effectuer son pas sur le côté. D’abord parce qu’elle ne tenait pas à ce que tout le monde la voit être capable de pas sur le côté malgré le verrou. C’était peut-être une mesure de sécurité inutile, mais elle préférait ne pas attirer l’attention sur ce point. Ensuite, parce qu’elle n’était pas à l’abri que quelqu’un la déconcentre ou n’attrape son bras au moment du voyage. Elle préférait donc assurer ses arrières.
Piquée par la vivacité de la fraîcheur nocturne, elle enfouit ses mains dans les larges poches de son manteau avant de dessiner son pas sur le côté. Elle sursauta en rencontrant un objet fin et inconnu dans sa poche. Elle en sortit la fleur. Etrangement, c’est en la contemplant, tout en dessinant son pas sur le côté, qu’elle comprit enfin d’où venait cette incongruité. Un épisode de sa longue journée venait de lui revenir à l’esprit. Sans qu’elle n’ait pensé à changer sa destination, son dessin la mena directement dans le réfectoire.
♦
Elle sursauta en se rendant compte que la pénombre qui l’entourait n’était pas celle de sa chambre. Un peu étourdie par la fatigue et les quelques verres qui lui avaient été offerts, elle ne sursauta pas non plus en découvrant qu’elle n’était pas seule dans la pièce. Elle attendit, sans un bruit, que ses yeux se soient habitués à l’obscurité pour découvrir qui avait apparemment ressenti le besoin de combler une fringale nocturne. Evidemment. Qui d’autre ?
Décidant de jouer sur l’avantage que lui procurait la surprise, elle fit tourner quelques secondes la tige de la marguerite entre son pouce et son index, avant de lancer d’une voix claire, portée par le silence de la pièce presque vide :
- Bon appétit.
Un sourire amusé s’épanouit sur ses lèvres en appréciant le sursaut qu’elle avait provoqué chez le jeune dessinateur. Chacun son tour mon p’tit gars. Elle se glissa hors de la pénombre pour apparaître derrière la légère flaque de lumière générée par la veilleuse de la porte de sortie. Ainsi positionnée, elle ne dévoilait sa silhouette que sous une lumière blafarde, presque fantomatique. La surprise avait coupé net la concentration du dessinateur nécessaire à l’existence éphémère de la fleur, aussi la brunette regarda sa main vide d’un air détaché. Elle se plongeait dans l’attitude purement défensive qu’elle n’employait que très rarement, lorsqu’elle se sentait vraiment mal à l’aise. Le sarcasme.
- J’ai… trouvé ton petit cadeau. Très sympa. Enfin, d’ordinaire on offre des bouquets. C’est pas très cher tu sais ?
Avancer. Ne pas lui laisser le loisir de recommencer son petit jeu. Elle franchit la distance qui la séparait de sa table de quelques longues enjambées, tira la chaise voisine à celle où le garçon était attablé et, s’asseyant sur la table, croisa ses chevilles sur le siège. Son regard parvint à accrocher celui de son interlocuteur malgré l’obscurité.
- Que me veux-tu, Cali ?
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Caym Cali
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05.11.16 22:43
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Elyssa Cil'Darn
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06.11.16 12:43
J’ai accepté par erreur, ton invitation J’ai dû m’gourer dans l’heure, J’ai dû m’planter dans la saison.
- Eh bien, pour commencer tu pourrais m’offrir ton nom.
Haussement d’un sourcil perplexe. C’est une blague ? D’ordinaire, tout le monde connaissait son nom avant qu’elle ne sache celui des autres. Mais la question semblait parfaitement sérieuse, en dépit du sourire en coin qui flottait sur les lèvres de son interlocuteur.
- Tu sembles déjà connaitre le mien à ce qu’il me semble. Cali, en effet. Caym Cali.
La dessinatrice se contenta d’incliner la tête en guise d’assentiment. En réalité, elle venait d’apprendre son prénom, mais elle n’en laissa rien paraître.
« Pour commencer », il n’avait donc pas clairement énoncé son intention finale. Elle n’ouvrit pas la bouche. Pas tant qu’elle n’aurait pas eu la réponse qu’elle attendait. Caym sembla s’en rendre compte, puisqu’il reprit la parole après ce court silence. Etrangement, son assurance s’était légèrement effritée ; il se mit à prendre le temps de choisir ses mots.
- Et sinon… Je ne suis pas très…
Les paupières de la brunette se plissèrent, en attente de la clé de cette phrase. La fatigue et les quelques verres de la soirée ne l’aidaient pas à faire preuve de patience, mais elle tint bon.
- Populaire.
Ses paupières conservèrent leur pli suspicieux, signifiant qu’elle voyait difficilement où il voulait en venir. N’importe quel autre élève qui lui aurait amené ce problème aurait eut pour toute réponse un franc éclat de rire de sa part. Mais l’aura que dégageait Caym, qu’elle parvenait difficilement à cerner, l’en empêchait.
- Je pense que tu pourrais m’aider à être moins sauvage. En contrepartie je t’aiderais dans certaines matières. Enfin, on s’aidera de notre mieux afin que chacun d’entre nous progresse…
Tu sais j'ai pas confiance ; J'ai pas confiance en moi Tu sais j'ai pas d'espérance ! Et j’merde tout ça tout ça…
Si tu veux on parle de toi, si tu veux on parle de moi. Parlons de ta future vengeance, que t’auras toi sur moi. Disons entrecoupée d’silence !
Qu’on est bien seuls pour une fois, Qu’on est bien partis pour une danse. Ca ira pas plus loin, tu vois.
Elyssa demeura silencieuse. Mains croisées sur ses jambes, elle réfléchissait. Cette réponse la prenait, une fois encore, au dépourvu. Elle qui aimait tant tout contrôler… Tous ses sens lui criaient de fuir, de ne pas se risquer sur ce terrain glissant, loin de tout contrôle. Lorsqu’elle prit la parole – le goût du risque, peut-être – ce ne fut malheureusement pas pour lui pour lui répondre directement.
- Pourquoi moi ?
Mais avant que le jeune homme ait pu répondre, son caractère reprit le dessus pour camper un peu plus sa position.
- C’est vrai quoi ! Tu ne parles à personne, tu fuis toute forme de contact humain, à tel point que je croyais que tu étais d’une timidité maladive. De toute évidence, j’ai fait fausse route. Tu ne serais pas là sinon, pas maintenant. Pourquoi moi ?
Mais sa fierté ne tarda pas à revenir à la charge. Aussi s’empressa-t-elle d’ajouter :
- Et puis, qui te dit que j’ai besoin d’aide ?!
Elle n’avait pas oublié qu’il lui avait demandé son prénom. Comme à son habitude d’enfant faussement gâtée, elle attendait simplement de voir si les réponses qu’il avait à lui proposer allaient être satisfaisantes.
Reste à savoir si on trace un trait, un point dans notre espace Si j’ai pas toute ma raison. Si j’ai toujours raison, tu sais j’ai pas toute ma raison.
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06.11.16 13:51
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Elyssa Cil'Darn
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07.11.16 20:54
Elle avait voulu jouer, le pousser. Elle n’avait plus qu’à espérer que sa réaction ne dépasserait pas ses espérances. La dessinatrice ne savait pas trop à quoi s’attendre en voyant Caym se lever avec brusquerie. Elle réalisa que sa véritable nature reprenait le dessus. Car c’est bien avec un regard glacial qu’il s’adressa à elle, loin du ton mielleux qu’il avait employé jusqu’à lors.
- Qu’y a-t-il de si difficile à répondre aux questions que je t’ai posées ?
Son visage était fermé, et elle pouvait presque sentir toute la tension qui crispait ses muscles, et qui, avec cette tension qui résultait de chacun de leurs échanges, rendait l’atmosphère quasi irrespirable. Ca, et sa fâcheuse tendance à venir se coller à elle. Qu’allait-il faire ? L’insulter, la frapper ? Il n’était qu’un élève parmi les autres, tenta-t-elle de se convaincre, aucune raison de le craindre. Alors pourquoi ce frisson remontait-il le long de son échine ?
Elle avait appris, à ses dépens, à ne pas parler trop vite. Si parfois cette précaution lui échappait encore, son instinct la contraignit au silence. Elle sentait bien qu’une réponse trop rapide risquait de le braquer un peu plus. Toutefois, elle se rendait bien compte que la virulence du garçon était à son avantage. Elle n’avait pas changé d’attitude. En revanche, lui était déstabilisé.
Toujours assise à côté du plateau du jeune homme, Elyssa se contentait donc de garder ses yeux accrochés aux siens.
- T’auras besoin de mon aide pour de multiples raisons en partant du simple fait que tu es une fêtarde.
Azur et Argent restaient versés l’un dans l’autre, attendant que l’autre cédât en premier, sans savoir si le premier qui se détacherait sortirait réellement vaincu de l’échange.
Cette situation commençait véritablement – depuis un peu trop longtemps, en fait – à la rendre mal à l’aise. Tant pis pour le duel de fierté, elle rompit le contact visuel. Libérant la chaise, elle ramena ses pieds au sol. Il était tard, très tard, et la fatigue risquait à tout moment de lui faire commettre un faux pas. Elle s’apprêtait à prendre congé de son étrange rendez-vous nocturne lorsque ses mots, une fois encore, la figèrent.
- Tu sors, hors de l’académie après la nuit tombée. De fâcheuses choses pourraient t’arriver. En plus du risque qu’un des professeurs entende parler de tes escapades nocturnes.
Sous le coup de cette menace à peine voilée, Argent se raccrocha vivement à Azur. Animé par une flamme presque animale. Colère. Un partout.
Sous le coup de cette menace à peine voilée, la brunette envahit inconsciemment les Spires. Un grondement sourd résonna dans la pièce. Tonnerre. Mais la réserve que lui inspirait la situation n’aboutit heureusement pas à une pluie d’orage. Un unique éclair fendit l’air, si bref qu’elle doutait l’avoir aperçu.
Elle aurait pu le menacer à son tour, jouer de sa position au sein des élèves et auprès des professeurs pour faire pression sur lui et lui rendre la monnaie de sa pièce. Le peu de temps de réflexion qui lui était accordé la poussa plutôt à garder cet atout dans sa manche, pour la suite. Au cas où.
Apparemment satisfait de son petit effet, Caym semblait se détendre, laissant même un ironique sourire étirer le coin de ses lèvres, et s’attela à finir son assiette. Le nez de la jeune femme se plissa légèrement de dégoût à la vue du pain recouvert de purée, qui plus est froide ! L’un de ses sourcils s’arqua de surprise lorsqu’elle avisa le bout de pain qu’il lui tendait. Finir l’assiette des autres n’entrait évidemment pas dans les principes de son éducation. L’imitant, elle laissa les braises de la colère s’étouffer au profit de ce regard à la fois concentré et pétillant, quoiqu’un peu réservé pour l’heure, dont elle avait le secret. Se replacer sur le même plan, ne pas s’avouer vaincue.
- Si tu crois que m’aider consistera à prémâcher mes repas, je comprends mieux tes lacunes en relations sociales. On part de loin, mais tout n’est pas perdu.
La moue délicatement moqueuse d’Elyssa s’effaça ensuite au profit d’une mine plus sérieuse, bien que son fin sourire ne l’ait pas quittée, lorsqu’elle ajouta :
- D’ailleurs, règle numéro une : le chantage est très mauvais pour l’amitié.
Elle se détacha de la table et, les mains dans les poches de son manteau, s’éloigna de quelques pas, lui tournant ostensiblement le dos, comme si elle s’apprêtait à rejoindre la porte de sortie. Elle s’arrêta néanmoins, juste avant de rentrer dans la mince flaque de lumière de la veilleuse et, pivotant d’un quart sur la pointe de ses pieds, lança par-dessus son épaule :
- Au fait ! Je m’appelle Elyssa.
Et sans plus s’attarder en terrain hostile, la silhouette de la dessinatrice disparut dans le pas de côté qui la ramenait à sa chambre.
♦
Le lendemain, ou plutôt, une courte poignée d’heures plus tard, Elyssa ne parut pas au petit-déjeuner, profitant du temps qu’occupait ce repas pour dormir un peu plus longtemps.
La journée se déroula ensuite tout à fait normalement : elle fit acte de présence en cours, tentant plus ou moins vainement de se concentrer, flâna dans toute l’Académie au bras de son petit ami, déjeuna avec ses copines… loin de ce toute préoccupation nocturne. L’annonce de la catastrophe imminente se produisit lors du dernier cours de la journée.
« Chers élèves, vous n’êtes pas sans savoir que notre premier semestre touche à sa fin. Vos enseignants auront donc le plaisir de tous vous recevoir pour vos entretiens individuels. Dès la semaine prochaine. »
L’angoisse de l’élève, seul et désarmé, en face de professeurs qui, pour certains, étaient franchement peu sympathiques. Surtout quand l’élève en question était quelque peu distrait dans sa scolarité.
Le professeur entreprit ensuite de commencer véritablement son cours, mais le rappel de ces entretiens avait achevé la maigre attention que la jeune femme avait difficilement maintenue au cours de la journée. Alors qu’elle avait, sans pleinement s’en rendre compte, plutôt esquivé Caym – qui était toujours aussi discret, il fallait le dire – elle se mit à le chercher. Une table devant, un peu sur la droite. La situation ne lui paraissait toujours pas plus claire. Elle n’avait d’ailleurs pas pleinement accepté la proposition de l’élève, ou son chantage (simple bluff ? véritable risque ?), mais n’avait pas non plus fermement mis un terme à leur petit jeu. Jouer l’amusait. Découvrir où tout cela la mènerait, beaucoup moins. Sa résolution vacillait à chaque pas qu’elle se décidait à faire, qu’il soit en avant ou en arrière.
Après tout, elle n’avait rien à perdre à lui filer quelques conseils pour paraître moins flippant. Si en plus elle pouvait se servir de lui pour améliorer ses notes, où était le problème ? Peut-être dans l’attitude même du garçon, qui ne correspondait absolument pas à l’apparence timide et désintéressée qu’il arborait. Peut-être dans le choix qu’il avait délibérément arrêté sur elle, qui la plaçait dans une position où les inconnues étaient définitivement un peu trop nombreuses.
Peut-être dans le fait qu’elle se posait bien trop de questions pour un simple échange de bons procédés.
Irritée de sa propre indécision, et de toutes ces questions qui se bousculaient dans sa tête alors qu’elle n’aspirait qu’à profiter de la vie, Elyssa prétexta de ne pas se sentir bien pour quitter le cours. Ses yeux cernés et sa mine assombrie jouaient en sa faveur. Elle fit mine de ne pas croiser le regard désapprobateur de Kryss, évita celui de Caym, et se fraya un chemin au milieu des tables pour quitter la salle.
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Caym Cali
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07.11.16 22:55
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Elyssa Cil'Darn
Dessinateur
08.11.16 11:50
Après s’être éclipsée du dernier cours, Elyssa avait laissé ses pas la guider hors de l’Académie. Elle avait toujours aimé arpenter les rues de la capitale, que ce soit pour atténuer la colère que ses parents lui inspiraient ou pour profiter d’un après-midi ensoleillé. En général, ce simple remède était suffisant pour l’apaiser et pour l’aider à remettre de l’ordre dans ses pensées.
Elle déambula ainsi deux bonnes heures, se jouant des pavés vicieux malgré ses talons. Lorsqu’elle se fut enfin rendu compte que le soir tombait, elle chercha un endroit confortable pour dîner, n’ayant aucune envie de devoir expliquer à ses camarades la raison de sa fuite ; elle n’aurait d’ailleurs même pas réussi à se l’expliquer clairement. Et puis… aucune envie de se retrouver de nouveau dans la cantine. Pas ce soir.
Elle s’était donc mise en quête d’une auberge pour pouvoir dîner calmement. Ses pas la menèrent rapidement devant une enseigne qu’elle affectionnait particulièrement, et ce depuis plusieurs années. Le tenancier se faisait toujours un plaisir de la servir, lui offrant même souvent un verre de vin en guise d’apéritif, et la nourriture qu’il faisait préparer était tout à fait décente. En somme, cette auberge lui offrait un confort et une chaleur dépourvue de manières aristocratiques, et lui permettait d’échapper momentanément à un quotidien trop routinier.
C’est ainsi que la jeune dessinatrice se retrouva rapidement attablée, dans un coin calme de la pièce, pas trop éloigné du comptoir, comme d’habitude, de façon à ce que le tenancier puisse la faire servir assez rapidement, et garder un œil sur elle. Il avait pris cette habitude après une soirée d’hiver où un homme – un voyageur solitaire – s’était montré, ragaillardi par une consommation un peu trop gourmande d’eau de vie, un peu trop insistant.
La jeune fille dégustait tranquillement son verre de vin – une délicieuse habitude qu’elle avait prise en ce lieu – en promenant un regard distrait sur la salle.
C’est alors qu’elle le remarqua, et se figea. Il était une des nombreuses raisons pour lesquelles elle avait eu besoin de se couper momentanément de l’Académie, et voilà qu’il se trouvait dans la pièce, prêt à dîner dans la même auberge qu’elle. Et une fois de plus, elle était incapable de répondre à cette simple question, celle qui accapare tant l’esprit des enfants : pourquoi ? . Aucun signe ne démontrait qu’il l’avait suivie, sinon pourquoi se serait-il installé à une autre table que la sienne ? A moins que ça ne soit le propre des pervers narcissiques de faire jouer les circonstances en leur faveur. Pourtant, son attitude tranchait radicalement avec celle pour laquelle il optait à l’Académie. Il semblait… détendu. Simple façade ?
Toujours autant de questions, et pas l’ombre d’une réponse. Elyssa laissa refluer la vague d’agacement qui menaçait à nouveau de déferler en elle, et héla le serveur d’un geste de la main. De toute façon, elle ne pouvait se permettre de laisser traîner ces doutes, cette pseudo-situation dans laquelle elle s’était fourrée. Elle avait tenté, sans grand succès, de prendre du recul pour mieux comprendre les choses et mener ainsi la danse comme elle l’entendait. Mais elle refusait de fuir.
Dans le bruit ambiant qui réchauffait l’atmosphère de cette grande salle, la jeune dessinatrice douta que le serveur ait entendu sa requête en le regardant s’éloigner, mais elle put bientôt constater d’elle-même qu’il l’avait bien comprise. En effet, l’homme ne tarda pas à traverser de nouveau la pièce, afin d’apporter un verre de vin à la robe dorée à la table de Caym, échangeant quelques mots avec lui en la désignant d’un geste de la main. Affectant un masque d’impassibilité, qui ne pouvait en être un qu’à cette distance, Elyssa leva son verre pour trinquer avec lui malgré les mètres qui séparaient leurs deux tables. Elle poussa ensuite du pied la chaise vide qui se trouvait face à elle.
- Il semblerait que Mademoiselle m’ait chargé de vous proposer de vous joindre à elle, glissa le serveur à Caym avant de s’effacer.
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Caym Cali
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08.11.16 12:05
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Elyssa Cil'Darn
Dessinateur
08.11.16 12:17
N’ayant pas quitté sa posture de détachement, la jeune fille continuait à déguster son nectar, guettant par-dessus le rebord du verre la réaction de son invité. Elle sentit bientôt le poids de son regard sur elle. Un regard lourd, loin d’être amical, nuance qu’elle percevait malgré la distance qui les séparait. Ce garçon avait effectivement de gros progrès à faire en sociabilité.
Elyssa vit le serveur se diriger vers une autre table ; Caym ne bougeait pourtant pas. Tiens donc, monsieur se permettait de la faire attendre ! Haussant un sourcil suspicieux, elle cherchait maintenant quelle attitude adopter face à cet affront. Mais le dessinateur sembla sentir la menace peser au-dessus de sa tête – du moins le pensait-elle – car il finit par se lever nonchalamment. Traversant la pièce avec une démarche exagérément vantarde – en toute objectivité, bien sûr – Caym se fraya un chemin vers elle. Elle n’arrivait toujours pas à saisir le personnage : d’une discrétion sans pareille, elle ne l’avait jusqu’à lors jamais remarqué. Mais dès qu’elle croisait sa route, il se sentait obligé de jouer les gros bras. En règle générale, les garçons usaient de ce type de stratagème pour essayer de l’impressionner. Mais quelque chose lui disait que celui-ci se positionnait toujours en marge des généralités.
Toujours était-il qu’il parvint à la rejoindre, ignorant superbement la chaise qu’elle lui avait tirée en face d’elle pour s’assoir à ses côtés. Une convention de plus de piétinée. Le chemin risquait d’être long. Elle l’accueillit toutefois d’un sourire charmant, qui s’évanouit aussi vite qu’il s’était dessiné au contact de la froideur de la voix du dessinateur.
- Qu’est-ce que tu veux ?
Nouveau haussement de sourcil, interrogateur cette fois.
- Drôle de façon de me remercier pour le verre. Mais compte-tenu de tes difficultés en matière de politesse, je me contenterai de dire : Santé !
Un sourire se permit de redessiner ses lèvres avant qu’elle ne portât de nouveau son verre à sa bouche. Sentant que son voisin risquait d’une seconde à l’autre de perdre patience, elle ne laissa pas le silence s’installer trop longuement.
- Tu voulais que je t’aide dans ta quête à la popularité ; je t’offre à boire et t’invite à ma table dans l’une des plus sympathiques auberges de la capitale, et voilà que tu me fais la gueule ? Il va falloir faire quelques efforts mon coco !
Elle n’avait pas haussé la voix, mais son ton légèrement moqueur, comme à son habitude, ne laissait planer aucun doute quant à son humeur. Le sourire et le sarcasme. Ses deux meilleures armes.