- Chhut ! Pas un bruit ma puce, il me semble avoir entendu un bruit !
Marlysa se tait. Son sang se glace pendant que sa mère tend l’oreille en grimaçant. La caravane venait de buter contre des gravillons et ce bruit avait éveillé en elle un frisson imperceptible. Pas assez pour la jeune Marlysa cependant, qui se mit à trembler en gémissant.
- Maman, que se passe-t-il ?
La petite fille s’agite, la situation se complique et elle n’a toujours pas le droit de sortir de la caravane à cause des recommandations de ses parents. Pourquoi doit-elle rester cacher quand l’autre petite fille peut sortir ? Elle sait que l’autre a le droit. Elle l’entend poser ses questions agaçantes et ne supporte plus sa petite voix flutée.
- Tais-toi Marlysa !
Cet ordre frappe la petite fille aussi fort que si sa mère l’avait giflé, les larmes lui montent aux yeux.
- O’mariaëln ! Ils sont là !
Sa mère hurle. Au loin, on entend déjà les bruits d’épées s’entrechoquant. Où plutôt, le bruit de leurs armes contre les pauvres Alavariens, impuissants face à ces bêtes monstrueuses de détermination et de rage.
- Les Raïs ! Ils attaquent ! Je le pressentais, c’était évident ! O’mariaëln quel erreur de partir avec ce cortège si mal protégé !
La mère de Marlysa tremble de tout son corps. La petite se met à pleurer, impossible de comprendre pour elle qu’ils ne peuvent gagner contre ces monstres, impossible de s’imaginer qu’elle va mourir dans quelques minutes alors qu’elle a à peine 4ans ! Son cœur bat la chamade pourtant, elle tremble de peur et d’incompréhension, elle aimerait serrer sa mère contre elle mais celle-ci reste étrangement pétrifié. Comment comprendre qu’elle se prépare à une mort certaine quand on est si jeune et si fragile ? La petite se tourne vers son père. Celui-ci, comme s’il la caressait des yeux pour la dernière fois, et c’est exactement ce qu’il se passa, ne put retenir une larme d’amour et de regret. Il avait mis sa femme et sa fille en danger. Il avait faillit à son devoir de père, à son devoir de mari. Maintenant, il allait se battre. Pour mourir le plus tard possible. Pour protéger du mieux qu’il le pourrait sa petite fille chérie et sa femme adorée. Partir avec ces gens en quête de découverte lui avait paru être un excellent plan quelques semaines auparavant. Maintenant, il regrettait de tout son corps, de toute son âme. Pourquoi se sentait-il tellement attiré par le Nord ?
- Marlysa ! Ecoute-moi, ton père et moi allons partir. Ne pleure pas car tes larmes représentent ta force. Conserve-les en toi, tu auras besoin de cette force dans très peu de temps. Marlysa, tu ne mourras pas ce soir.
- Maman, je ne comprends pas !
La petite blonde attrape sa mère par la main. Elle essaie de l’attirer vers elle mais c’est surtout pour lui montrer qu’elle a encore la force de l’aimer, de la croire.
- Si tu dis que je ne mourrais pas, c’est la vérité, lui souffle-t-elle doucement. Je t’aime maman…
La jeune mère regarde sa fille. Pas une larme ne coule de ses yeux. Une force insoupçonnable brûle à la place, une force que sa mère a l’impression de sentir. Le temps semble s’arrêter, la mère et la fille ont les yeux rivés l’une sur l’autre, elles s’aiment. Soudain, un bruit monumentale se fait entendre. Au loin, les bruits de combats continuent, les hommes crient pour s’encourager, ils chantent même parfois mais les bêtes semblent trop nombreuses, trop féroces. Un Raï gigantesque se présente alors devant la caravane de Marlysa. Celle-ci est poussée par sa mère et tombe en arrière. Sans un cri, elle s’effondre contre un pot en terre cuite et s’évanouie. Quand elle se réveille quelques minutes plus tard, ses parents sont devant elles avec quelques autres itinérants. Ils semblent se battre avec l’énergie du désespoir. Ses parents, extenués, disparaissent soudain sous une cohorte de Raïs mais la petite ne s’inquiète pas : elle ne mourra pas ce soir. Sa mère le lui a promis. Au loin, elle aperçoit les parents de l’autre petite fille du convois. Dans une dernière étreinte, ils semblent eux-aussi happés par les monstres. Elles ne sont plus que deux en vie. Sauf que l’une des deux enfants n’est pas cachée, elle se trouve dans une caravane et plusieurs Raïs la regardent. Elle s’avance alors, doucement, et les fixe. Un Raï déchaîné s’approche soudain d’elle, arme au poing. Cependant, se passe quelque chose de plus surprenant que toutes les choses produites auparavant en Gwendalavir, un Raï s’oppose. Quelque chose lui plaît en elle. Quelque chose qui brille dans ses yeux et qui l’obsède. Une énorme main humide de sueur et de pue s’abat alors sur ses épaules. Elle est sauve.