Vint un moment où le mot de colère ne suffit plus. Elle sentait la rage monter en elle, elle la sentait très clairement comme une vague de destruction qui l’envahissait progressivement, et cependant rapidement et cette force qui l’animait prenait possession de son corps et empêchait son esprit de maitriser ses mouvement. Ou plutôt, son esprit devenait la rage en lui ôtant toute clairvoyance, mais elle n’avait pas envie d’être clairvoyante et avait un besoin impérieux de destruction, d’embrasement autour d’elle tandis que sa vision déformée lui renvoyait chaque objet comme un obstacle en plus vers le chaos complet auquel elle aspirait. Ses membres tremblants réclamaient que plus rien ne soit ni apaisé ni rangé. L’ordre calme et tranquille lui consumait le crâne et soudain elle explosa.
Elle explosa pour ne pas imploser, pour que le monde entier ressente les choses comme elle en cet instant présent, elle explosa parce qu’elle en avait assez de renfermer en elle-même sa colère, elle explosa de rage trop longtemps contenue, qui avait eu le temps de refroidir mais formait à présent un combustible insatiable pour le brasier violent qui s’extériorisait sans aucune forme de distinction quant à tout ce qui était extérieur à elle. Tout ce qu’elle sentait, c’était l’incendie des flammes trop  nombreuses et trop douloureuses qui depuis trop longtemps s’accumulaient. La saturation était complète, elle débordait de haine.
Destruction, violence, chaos, incendie, rage. Tout ceci s’exprima quand elle hurla, un cri où ne transparaissaient plus ni lassitude, ni découragement, ni désespoir mais bien ce dégoût trop immense pour de faibles épaules de tout un monde détesté. La force qui pourtant s’en dégageait donnait à qui l’entendait un aperçu de l’ouragan qui se déchaînait à l’intérieur d’elle-même.
Son portable sonna. Ce fut l’étincelle de trop, la poudre prit feu. Elle le lança de toutes ses forces contre le mur, le détestant encore plus de son inertie lorsqu’il retomba, cassé, sur le sol impassible. Elle ne savait plus ce qu’elle faisait, mais détruisait tout ce qui se trouvait dans son périmètre immédiat. Une étagère fut renversée, une lampe jetée à travers la pièce se brisa dans un éclat cristallin, suivirent la vitre de la fenêtre qui au passage la blessa à la main, mais elle n’en avait cure, et des rideaux dont les morceaux déchirés se posèrent en douceur sur les éclats de verre, comme un voile de transparence qui s’accordait si mal avec l’ambiance qu’on eut pu le qualifier d’anachronique. Un instant fascinée, elle observa le tissu recouvrir lentement les effets de sa colère, retenu qu’il était par l’air en raison de son inconstante légèreté.
Alors elle s’assit au milieu d’une pièce dévastée, recommença à respirer normalement. Elle regarda sa main avec attention et curiosité. Du sang perlait. Elle en aima la couleur carmin et la délicate texture. Une rose eût été semblable, pour peu qu’elle n’ait pas eu un parfum doucereux mais au contraire celui, âcre, de la rébellion et de la bienfaisante violence.