Stormer était attablé à sa table, dans une modeste auberge d'Al-Vor. Un verre d'alcool à la main, il attendait l'auteur du papier qu'il avait reçu. Ledit papier disait simplement d'aller seul à cette auberge et d'attendre. C'était tout. Ignorant donc la teneur de ce rendez-vous, il fixait la porte. Soudain, Splith entra. Elle avait revêti sa plus belle armure et tenait sa hache étincelante dans sa main droite. Mais qu'est-ce qui lui prenait ? Le Marchombre haussa un sourcil, seul signe de sa stupéfaction. Splith était bien étrange ce soir... Celle-ci balaya les alentours du regard et aperçut son compagnon. Elle s'avança vers lui et s'asseya à sa table. Perspicace, l'homme aux cheveux blancs déclara alors :

- L'auteur du message... C'était toi, pas vrai ?

Ce à quoi elle répondit, une lueur d'étonnement dans le regard :

- Quel message ? Je viens simplement manger avec toi comme d'habitude !

Avant qu'il n'ait pu lui expliquer la situation, une nouvelle personne rejoint leur table et fit un timide bonjour, avec un accent que Stormer reconnaîtrait entre mille.

- Alyss ? C'était donc toi l'auteur du message ?

Celle-ci acquiesça. Elle était vêtue d'une robe qui avait dû lui coûter extrêmement cher et était maquillée. Mais qu'arrivait-il ? Y avait-il un événement particulier dont le Marchombre n'avait pas été prévenu ? Mais la Terrienne, une lueur de reproche dans son regard, arrêta là ses conjectures :

- Sur le papier, je t'avais demandé de venir seul...

Piquée au vif, Splith se leva et frappa du poing sur la table.

- Tiens, tant que t'y es, tu peux dire que je dérange aussi ! s'écria-t-elle.

- Splith... soupira Stormer en croisant les bras. Tu ne crois tout de même pas qu'elle allait te dire de partir ! Allons, asseyez-vous toutes les deux.

Mais il ne remarqua pas l'échange de regards entre Splith et Alyss, du genre meurtrier... Soudain, des cris parvinrent de l'autre bout de l'auberge. Visiblement, une femme était embêtée par des hommes qui se croyaient tout permis. L'homme aux cheveux blancs voulu voir comment elle s'en sortait et tourna la tête en sa direction. Là, il aperçut une jeune femme aux courts cheveux châtains éviter avec souplesse tous les coups que lui adressaient les ivrognes, puis faire un exemple en abattant sa main sur la nuque de l'un des hommes. Celui-ci s'écroula, inconscient. L'aubergiste se décida enfin à intervenir en leur demandant d'aller dehors pour se battre. Ce à quoi la jeune femme répondit :

- Oh, ne vous inquiétez pas, je pense que ces messieurs ont compris que je voulais manger seule et tranquille.

Elle se rasseya alors et les trois ivrognes s'en allèrent en grommelant. La jeune femme tourna la tête et aperçut le regard de Stormer. Elle lui sourit puis lui adressa un clin d'oeil complice. Tout d'un coup, le cœur du Marchombre se mit à battre à cent à l'heure et une sensation de chaleur envahit tous ses membres.

- Hé ! Stormer ! Tu écoutes ce que je te dis ou quoi ?

L'intéressé se tourna vers sa comparse et celle-ci s'étonna :

- Mais... Qu'est-ce qui t'arrive ? Tu es tout rouge !

L'homme aux cheveux blancs balbultia qu'il avait besoin d'air en sortit en trombe de l'auberge, sous les yeux écarquillés de ses deux prétendantes. Adossé à un mur, il inspira un grand coup. Mais que lui arrivait-il ? Il n'avait jamais eu autant chaud. Était-il malade ? Cette sensation... Ce n'était pourtant pas désagréable. Il posa sa main sur son coeur qui battait toujours la chamade et repensa à cette jeune femme. Il avait comme une envie d'aller lui parler. Mais c'était ridicule ! Il ne la connaissait même pas ! Une petite voix lui souffla, justement, d'aller faire sa connaissance. Il inspira donc un grand coup et rentra dans l'auberge. Splith et Alyss le virent passer la porte, mais à leur grand étonnement, il se dirigea vers une autre femme. Voyant un certain sabre à ses côtés, Stormer put en déduire qu'elle était une Frontalière. Tiens, voilà qui expliquait sa façon de combattre.

Sous les regards médusés de ses deux prétendantes, Stormer adressa un bonjour hésitant à la Frontalière et sentit ses joues s'empourprer.

Stormer
Un si beau nom
Une si belle personne
Ses long cheveux blanc digne de Persephone
Me rappelle lh'orizon

Stormer
Cet homme si mystérieux
Qui fait fondre mon coeur
Avec ses beaux yeux bleus
Il rassemble le bonheur

Stormer
Sa profession de Marchombre
Et son tempérament glaçé
Lui permette de chasser l'ombre
Il s'élève contre la précarité( Oui, j'avais plus d'inspi.)

Flou. Tout paraissait flou autour de Stormer. Trouble, brumeux... Mais également gaie et coloré.

Ses sens étaient comme engourdis. Pourtant, l'homme aux cheveux blancs était joyeux, euphorique. Mais... Quand il y pensait... Impossible de se rappeler comment avait débutée cette soirée ! À moins que... Était-ce vraiment une soirée ? Un coup d'oeil aux bougies allumées lui permit d'être rassuré sur ce point. Du moins, après quelques minutes d'intense réflexion. Tiens, qui était cette personne assise en face de lui ? Le Marchombre plissa les yeux, tentant de se souvenir.

Quelques heures plus tôt...

- Bon, très bien Alyss. J'accepte de manger avec toi ce soir.

Celle-ci poussa un petit cri de victoire et, lui prenant la main, entraîna Stormer en sautillant vers l'établissement choisi. L'homme aux cheveux blancs leva les yeux aux ciel puis suivit sa prétendante avec nonchalance. Elle poussa la porte d'une auberge et invita le Marchombre à entrer.

Installés à une table au fond de la salle, Alyss commanda deux boissons alcoolisées. Malgré les protestations de son compagnon qui s'écriait qu'il ne buvait jamais d'alcool, elle tint tête et tous deux se retrouvèrent un verre de boisson à la main. Stormer goutta alors au breuvage... qui était apparemment bien trop fort pour lui !

De retour au présent.

Ah. Oui, c'est vrai. Alyss. Celle-ci regardait le Marchombre d'un air qu'il ne pourrait expliquer. Mais ses yeux se détournèrent de la jeune femme pour se poser sur son verre. Sa gorge était sèche. Stormer saisit son gobelet et le finit d'un trait. Sa tête se remit alors à tourner de plus belle et le pauvre homme eut une bouffée de chaleur. Il se mit donc à retirer son haut, si bien qu'il finit torse nu. Il crut vaguement entendre des sifflements ainsi que des cris, mais tout cela lui semblait irréel.

Tel un rêve.

Soudain, l'homme aux cheveux se vautra sur la table. L'alcool n'était vraiment pas fait pour lui !

Neleam leva les yeux de sa bière pour observer le nouveau venu. Il était différent.
Ce n’était pas un chevalier, ça se voyait dans sa démarche, il y avait quelque chose… que la jeune femme n’arrivait pas à identifier. Il ne marchait pas comme un homme qui veut se faire voir, il était bien plus discret, cependant on sentant dans son attitude une certaine supériorité. C’était un mélange vraiment très étrange.
- C’est fermé.
Neleam avait parlé d’une voix forte et neutre. Ni joyeuse, ni mauvaise, simplement neutre.
Si cet homme éveillait sa curiosité, son instinct lui criait qu’il valait mieux ne pas s’en approcher. Une capuche dissimulait légèrement son visage, la demoiselle n’apercevait que son menton, dissimulé sous une légère barbe agréablement taillée, et un nez droit. L’homme ne semblait pas décider à faire demi-tour alors Neleam se leva avec la ferme intention de lui barrer le passage.
Soupirant, elle posa ses poings sur ses hanches et le regarda d’un œil morne. C’était le genre de pose qui décourageait les plus tenaces, par un manque total de compassion ou de sympathie.
Mais cet homme n’était pas coriace.
Il s’arrêta juste devant le chevalier. Il la dépassait de plus d’une tête et on pouvait apercevoir son ample cape, un corps relativement fin, mais parfaitement musclé. La jeune femme avait appris à reconnaître les guerriers et leurs musculatures au premier coup d’œil, et cet homme en était un. Ses mains calleuses l’attestaient, lorsqu’il les passa dans ses cheveux, faisant chuter sa capuche.
Il plongea son regard acier dans celui de Neleam. Elle resta immobile. Ce n’était pas la beauté de l’homme qui la tétanisait, mais ce qu’il dégageait. Il dégageait.. Des sentiments. C’était quelque chose de subtil, qui se dissimulait dans la froideur de son regard, dans les traits virils, mais tendus de son visage, de son odeur… Il était comme Viladra. Cette évidence la frappa de plein fouet, la condamnant ainsi. Elle n’avait aucune chance. Il était la mort.
Sa mort.

Redressant la tête pour le fixer intensément, elle chassa toute peur qui l’habitait et inspira avec confiance. Elle n’avait plus peur, celle-ci avait disparu au profit d’une certitude. Elle allait mourir.
-Neleam…
Fronçant les sourcils, surprise que cet homme la connaisse, la jeune femme baissa ses yeux sur les lèvres de l’homme. Elles étaient fines et séduisantes. Une soudaine envie de les baiser la démangea sans qu’elle n’effectue le moindre mouvement. Ses yeux remontèrent lentement vers les yeux bleus de l’inconnu.
-J’ignore qui tu es, mais je sais ce que tu es.
L’homme ne sembla pas surpris, et se contenta de l’observer. On voyait dans son regard, une lueur de curiosité.
-Caym Cali. Viladra m’a parlé de toi.
Viladra… Elle avait vu juste. Neleam n’était pas surprise et enregistra ce nom dans son esprit. Caym Cali. Elle ne l’avait jamais entendu… Était-il un ami proche de Vil ? Allait-elle bien ? Mais pourquoi s’intéressait-elle au sort de celle qui fut son amie… ? Elle ferait mieux de se préoccuper du fait qu’éventuellement tous les mercenaires du Chaos la connaissaient. Et que savaient-ils à son propos ?
Apportant un premier bout de réponse, l’homme, Caym, prit la parole de sa voix légèrement rauque.
-Tu viens de Terre et j’ai besoin d’y aller.
Les mots étaient sortis de sa bouche, comme une évidence. Comme si elle avait une solution à lui apporter. Elle ne dessinait pas, alors, un faible espoir s’insinua en elle. Elle ne pouvait rien pour lui, donc il allait repartir dans la nuit, d’où il venait.
Cet espoir fut rapidement douché par une presque certitude. Si elle ne lui était pas utile, il la tuerait.

*

Caym observait cette femme qui se tenait fièrement devant lui. Il n’avait senti de la peur en elle que lorsqu’il avait abaissé sa capuche, puis elle s’était reprise. Elle était plutôt surprenante, il devait l’avouer. Viladra lui avait avoué qu’elles avaient été amies, mais que si le Chaos avait appelé son amante, l’ancienne terrienne avait préféré servir l’empire et devenir une formidable guerrière. Tout en elle, criait qu’elle savait se battre et qu’elle vendrait chèrement sa peau.
Heureusement pour lui, il n’y avait personne dans la taverne, habituellement bondée. Ils ne seraient pas dérangés.
Le mentaï savait que la jeune femme était incapable d’effectuer un pas sur le côté, mais elle lui serait utile. Il possédait le pouvoir, et elle, elle connaissait leur destination.

Il n’y avait que peu de distance entre les deux protagonistes, Cali s’en amusait. Un sourire vint étirer ses lèvres tandis qu’il expliquait son plan.
-Je peux te mener dans les spires afin que tu dessines la Terre. Il faut que j’y aille.
La voix du mentaï, se brisa quelques instants. Il était tendu. Il savait qu’il se confiait beaucoup en cette inconnue, c’était risqué, mais il n’avait pas d’autres solutions. C’était pressant.
-Non.
La voix de la guerrière était claire, elle parlait simplement et son regard s’exprimait en toute simplicité. Elle était comme un livre ouvert. Le mentaï hésita. Il se souvenait que Viladra lui avait ordonné de ne pas la tuer et que l’amitié qu’elle lui portait faisait de cette femme, une personne importante, mais… il devait lui montrer. Peu importe les conséquences, il devait tenter le coup.
-Laisse-toi faire.
Le mercenaire avait retrouvé son aplomb, ses yeux ne riaient plus, mais dégageaient de la concentration. Il saisit le visage de la jeune femme entre ses mains et appuya son front sur le sien.
Sa peau était douce et légèrement chaude. Elle dégageait une agréable odeur féminine, légèrement parfumée. Le jeune homme sentait son souffle frais sur sa peau, mais chassa toutes ces idées de sa tête afin de se concentrer. Il devait faire le vide, et ne ressentir plus que son corps, son enveloppe corporelle, et celle de la terrienne. Fermant les yeux, il franchit les limites de l’Imagination, entraînant à sa suite la demoiselle vers de nouvelles contrées qui lui étaient inconnues.

*

Neleam tressaillit lorsque le Mercenaire saisit son visage. Elle se crispa puis ferma également les yeux, sentant.. quelque chose. Elle se sentait s’éloigner de son corps. Comme si.. En fait, non, comme rien. C’était incroyable. C’était terrifiant.
Elle voulait s’agripper à quelque chose, mais elle ne sentit que le néant autour d’elle. Elle allait pour paniquer lorsque la présence de Caym se manifesta. Elle le sentait. C’était étrange. Il n’était plus menaçant ni oppressant, il était juste là. Il était presque prévenant. Il la tranquillisa d’un simple souffle. Était un mot suffisant pour décrire ce qu’il se passait, ce qu’elle ressentait ? Non, c’était… comme si son être était en partie celui du mercenaire. Elle restait elle, mais dans cette dimension… elle n’était plus seule.
-Projette les images de ton monde.
Ces mots étaient comme des caresses et Neleam se prit à espérer. Son monde.
Comme une promesse.
Comme un paradis à portée de bras.
La jeune femme frémit, enfin, c’était une sensation aussi indescriptible que le reste. L’espoir. Autour d’elle, en elle, tout se transformait. Paris, ses bâtiments, ses petites rues, ses foules… non, c’était la nuit, soudainement tout semblait différent. C’était frais, froid, dur. La jeune femme combattait les zones floues en se concentrant sur les détails. Les bordures de trottoirs, le ciel étoilé, ah non, un lampadaire et son halo puissant, des ombres, un chat, des feuilles mortes… Tout prenait place, sans que Neleam sache si elle en était la responsable. Elle se laissait emporter dans ce tourbillon sans le contrôler.

*

Ça marchait.
Caym était fébrile. Il avait tenté la fameuse Osmose mise en place par la Gil’Sayan et ses amis, mais avec une néophyte, une femme sans Don. C’était fatigant. Épuisant. Il la portait, l’entraînait dans les spires, tandis qu’elle dessinait. C’était possible. Autour d’eux, le décor commençait à prendre forme, et Cali devait le solidifier, sous peine que cela ne reste qu’un songe. Il soutenait le chevalier dans ses projections, tout en les concrétisant. Il les basculait légèrement dans la réalité, petit à petit, jusqu’à ce qu’ils partent. C’était étrange, ce moment où le Dessinateur sent qu’il perd le pied avec la réalité, sans encore savoir où il va, sans arriver. C’était son angoisse la plus profonde. Une terreur sourde qui lui mordait les entrailles qui l’aurait précipité vers les basses spires, mais Neleam était là. C’était une force pure. Il lui avait communiqué son courage et sa force, et il s’accrocha à elle, un instant. Un instant pour se reprendre. Tout ceci ne durait qu’une infinité de secondes, et Caym renforça le dessin. Ça devait devenir la réalité.
C’était la réalité.
Il le sentit. L’air frais lui fouettant le visage. Ces odeurs entêtantes et… La gravité. Son corps. Il se sépara de la jeune femme, la laissant retrouver l’intégrité de son corps. Ils avaient réussi.
Un rire secoua son corps tandis qu’il restait immobile, savourant le contact avec Neleam. Incapable de bouger, il était épuisé et… euphorique. Il ouvrit les yeux pour rencontrer ceux, baignés de larmes de la jeune femme. Ils pétillaient, et semblaient.. différents. Il lui semblait être directement en contact avec son âme. Il avait l’impression d’être elle, il ne savait plus. Il… Sentit juste con cœur battant si fort. Il tambourinait à ses oreilles. Et il y avait ces eaux glacées, si avenantes. Si rassurantes…

Il franchit la distance qui les séparait. Tandis que son cœur bondissait dans sa poitrine, ses lèvres se posèrent sur celles de la jeune femme en un baiser fiévreux.

*

Neleam tangua sous l’assaut. Ce baiser lui semblait tout aussi irréel que ce qui venait de se passer. C’était… impossible. Elle gémit, savourant ce contact, ce partage… cet amour ? C’était plus qu’improbable, mais elle sentait comme une passion. Quelque chose en elle avait envie de sentir les lèvres de Cali sur tout son corps, la pression de ses mains et son souffle sur sa peau… Elle perdait pied. Comme lui, elle le sentait. Ils étaient tous deux bouleversés, inconscients de ce qui les entourait.
Un mercenaire du Chaos, oui, mais Neleam sentait qu’il était plus que ça. Comment était-ce possible ? C’était pourtant tellement agréable. Elle était chez elle.
Les larmes continuaient de couler sur ses joues, sans qu’elle ne puisse les arrêter. C’était trop fort. Elle en ignorait la raison, mais en cet instant, elle était comblée.
Tout était parfait.

Un instant. Un très bref instant, et tout se déchira. La réalité reprit ses droits tandis qu’une voiture roulait à vive allure vers le couple enlacé au milieu de la rue.

*

Caym était surpris par la fougue de la jeune femme, il ne comprenait pas, mais ne chercha pas à approfondir. Peu lui importait, il avait réussi et cet instant était délicieux, alors il comptait bien en profiter, le reste viendrait après.
Mais un bruit assourdissant l’obligea à réagir. Un danger. Son instinct reprit le relais et il se positionna devant Neleam, un bras la maintenant derrière elle, tandis que de l’autre il dégainait sa hachette. Le danger était éblouissant, mais le mercenaire n’avait pas peur, il était un remarquable guerrier. Il voulut rejoindre les spires, mais il était bien trop faible pour effectuer le moindre dessin, il serra les dents, prêt à se battre.
L’impact serait puissant, la chose qui se jetait sur lui avançait rapidement, mais ses pieds étaient ancrés dans le sol. Il avait fléchi les jambes et plissé les yeux, prêts à mettre cet animal à terre.

*

Neleam se retrouva derrière, tandis que la voiture se précipitait sur eux. Elle entendait les crissements de pneu, mais c’était trop tard. Pourquoi Caym n’avait pas eu la présence d’esprit de s’écarter ? Pourquoi.. ? Dans la tête de la jeune femme, les pensées tourbillonnaient, sans aucun sens ni usage. Tout était bien trop rapide, elle se savait. Elle devait agir.
D’un coup d’épaule elle déstabilisa un instant le mercenaire du chaos et en profita pour le pousser le plus loin possible. De toutes ses forces, de tout son poids.
Il devait vivre.
Pourquoi ? Pourquoi ça ? Neleam était terrifiée, elle ne comprenait pas, elle ne se contrôlait pas. Elle aurait aimé y réfléchir, mais elle avait agi. C’était un chevalier, qui agissait avant de se poser des questions, pour faire le bien.

Elle trébucha, chuta, resta suspendue en l’air. C’était trop tard, les phares étaient déjà sur elle. Elle les voyait, ils l’éblouissaient, et pendant une fraction de seconde, pendant cet ultime instant, elle sut ce qu’était réellement la mort.
Ce n’était pas la certitude qui s’était dégagée du mercenaire, mais c’était ce gouffre, ce néant. C’était la fin. La fin de son histoire, la fin de sa vie. C’était le choc.

*

Un bris de verre tandis que le fil se coupe. La vie s’envole immédiatement, sans que rien ne la rattrape ni puisse la sauve.

*

Une silhouette noire erre dans Paris, traumatisée, sans comprendre ce soudain vide qui l’emplit, cette absence assourdissante qui la tourmente. Mais l’homme doit avancer, continuer, porter ses regrets, sa colère et sa frustration avec lui. Le passé est passé, seul l’avenir le sauvera.